L'entente des véhicules blindés légers a été signée en 2014 sous le précédent gouvernement conservateur.

Véhicules blindés canadiens en Arabie saoudite : 1 milliard $ pour annuler le contrat?

Un marché conclu il y a quatre ans entre le précédent gouvernement conservateur canadien et le régime monarchique saoudien pour la vente de véhicules blindés légers d’une valeur de 15 milliards continue de faire trébucher la politique internationale canadienne.

Ce contrat a déjà été remis en question à deux reprises par le gouvernement libéral de Justin Trudeau en raison des violations répétées des droits de la personne par l’Arabie saoudite.

Ressuscité par la suite politiquement, ce contrat avec l’entreprise canadienne General Dynamics Land System se retrouve maintenant à la une de l’actualité depuis une quinzaine de jours au fur et à mesure que les détails de l’affaire Khashoggi viennent noircir la réputation de Riyad.

Le premier ministre de l’époque, Stephen Harper, visite l’usine de General Dynamics Land Systems, en 2014. Photo : La Presse canadienne/Dave Chidley

Beaucoup de paroles

Justin Trudeau Photo : La Presse canadienne/Adrian Wyld

Plus tôt cette semaine, Justin Trudeau aurait exagéré le prix à payer par le Canada pour déchirer le contrat. « Je ne veux pas que les Canadiens se retrouvent avec une facture de 1 milliard de dollars. Alors, nous manoeuvrons très prudemment », avait-il soutenu en entrevue à CBC.

« La réalité, c’est qu’on est dans une situation où le contrat qui a été signé par Stephen Harper et le gouvernement précédent rend ça extrêmement difficile de sortir de ce contrat sans des pénalités exorbitantes [pour] les Canadiens », a-t-il précisé mardi.

« C’est pour ça que nous sommes en train de travailler attentivement pour voir quelles seraient nos options si nous voulions poursuivre une telle piste », a ajouté le premier ministre.

Ce n’est pas exactement ce que le premier ministre a voulu dire

En disant qu’il en coûterait 1 milliard, Justin Trudeau aurait évoqué une « expression », un ordre de grandeur, plutôt qu’un montant réel calculé par des groupes de comptables ou d’avocat. C’est ce qu’avance maintenant son entourage qui refuse de fournir plus d’informations, sous prétexte que les clauses du contrat sont confidentielles.

À sa sortie de la réunion du cabinet, mercredi, le ministre du Commerce international, François-Philippe Champagne, a affirmé ne pas vouloir « spéculer » là-dessus, se contentant de répéter que le gouvernement « regarde les conditions du contrat ».

Chose certaine, après en avoir évoqué la possibilité, Justin Trudeau semble maintenant renoncer à un bris de contrat avec l’Arabie saoudite, car cela coûterait trop cher.

Le Canada pourrait-il cependant annoncer une suspension temporaire des permis d’exportations des véhicules?

Le gouvernement Trudeau a fermement condamné le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, mais n'a imposé aucune sanction au régime de Mohammed ben Salmane. Photo : La Presse canadienne/Adrian Wyld

Les réactions des partis d’oppositions

Le manque de nuances et le refus de répondre aux questions provoquent encore plus de questions des partis de l’opposition et de plusieurs groupes au Canada.

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh réclame des explications. « Est-ce que ce serait payé à l’Arabie saoudite? À General Dynamics? Quels sont les détails sur ce milliard? C’est juste un chiffre qui a été avancé sans aucun détail additionnel », a-t-il lancé en mêlée de presse.

Hélène Laverdière – PC

Toujours dans le camp néo-démocrate, la députée Hélène Laverdière, porte-parole en matière d’affaires étrangères, fait remarquer que le meurtre de Jamal Khashoggi n’est tristement qu’un nouveau crime qui vient s’ajouter à une longue liste de violations commises par le régime de Mohammed ben Salmane.

« C’est horrible, ce qu’on voit, mais c’est horrible ce qu’on voit depuis des années. C’est pour ça que nous autres, ça fait des années qu’on demande de suspendre les ventes d’armes à l’Arabie saoudite », a-t-elle dit.

Le chef du Parti conservateur Andrew Scheer refuse pour sa part de dire s’il faudrait que le Canada se retire de l’entente. Le porte-parole de son parti en matière d’affaires étrangères, Erin O’Toole, ne veut pas non plus se prononcer, affirmant qu’il revient aux libéraux de décider.

RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Annie Desrochers et Fannie Olivier de Radio-Canada

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Catégories : Économie, International, Politique
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