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Des chercheurs canadiens découvrent enfin comment les bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques

Une équipe de l’Université McMaster à Hamilton, non loin de la ville de Toronto, dit avoir finalement percé le mystère et découvert comment les bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques, une découverte qui pourrait contrarier l’échec de plus en plus sévère des autorités médicales dans leur combat contre les infections, et ce dans le monde entier.

Environ 700 000 personnes meurent chaque année dans le monde de la résistance aux médicaments en raison de maladies, et ce nombre devrait augmenter au cours des prochaines années, selon l’organisation.

On estime aussi que les bactéries résistantes seront la première cause de décès au Canada en 2050.

Mais cette donnée pourrait maintenant changer radicalement. Selon les chercheurs canadiens, les bactéries combattent les antibiotiques en raidissant leurs membranes cellulaires et en modifiant la charge électrique de cette barrière, devenant ainsi une cible que les médicaments éprouvent plus de mal à percer.

Ils ont photographié les bactéries en train de résister aux antibiotiques

Maikel Rheinstadter, professeur de physique de l’Université McMaster (Craig Chivers/CBC)

Selon le professeur Maikel Rheinstadter, dont les résultats de recherche sont publiés dans la revue Nature Communications Biology, son équipe s’est concentrée sur la polymyxine B, un antibiotique utilisé lorsque tous les autres antibiotiques ont échoué.

L’équipe a alors eu recours à l’imagerie par rayons X, en parallèle avec des simulations informatiques, pour obtenir une image au niveau moléculaire qui a permis de voir comment la polymyxine B interagit avec les bactéries résistantes aux antibiotiques. Leur technique leur a permis de voir les bactéries à l’œuvre avec une résolution d’un millionième de la taille d’un cheveu humain.

Ils ont abordé le problème d’un point de vue physique, en utilisant des techniques que l’on trouve souvent dans la recherche sur les matériaux, a-t-il dit.

« L’idée que nous avions, c’est que chaque maladie et chaque bactérie sont traitées différemment, alors nous avons essayé le contraire – pour voir s’il existe des propriétés communes à toutes les bactéries, s’il existe un mécanisme général qui serait à la source de cette résistance aux bactéries et que l’on pourrait combattre », indique M. Rheinstadter.

Une affaire d’électricité

Maikel Rheinstadter, à gauche, professeure de physique à l’Université McMaster de Hamilton et Andree Khondker, étudiant en biochimie de premier cycle, disent avoir découvert comment les bactéries combattent les antibiotiques. Photo : Université McMaster

Les cellules bactériennes sont entourées d’une membrane qui est souvent chargée négativement, explique M. Rheinstadter. Or, de nombreux antibiotiques ont une légère charge positive, ce qui les attire vers la membrane molle.

« Les antibiotiques pénètrent (en principe) dans cette membrane et poignardent la cellule jusqu’à ce qu’elle meure », a dit M. Rheinstadter. « Mais les bactéries ont trouvé un mécanisme pour réduire leur charge [électrique], ce qui les rend moins attirantes pour les antibiotiques. » Il appert que les bactéries ont aussi rendu leur membrane plus résistante à la pénétration des antibiotiques, la faisant passer d’une fermeté qui s’apparente à de la gelée à une dureté de roche.

Entrevue avec Maikel Rheinstadter – McMaster University (en anglais)

Se méfier des bactéries dans l’intestin de son voisin

En 2017, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dressait une liste de 12 bactéries préoccupantes, dont les entérobactéries (bactéries du tube digestif) productrices de carbapénémases (EPC), des enzymes qui peuvent vaincre les antibiotiques de tout dernier recours.

Les patients qui sont porteurs de ces super-bactéries, qui se logent dans l’intestin, n’éprouvent aucun symptôme. Par contre, si ces patients développent une infection avec ces bactéries, c’est à ce moment-là qu’elles vont être plus dures à traiter.

Ces entérobactéries productrices de carbapénémases sont devenues problématiques à partir de la fin des années 1990 en Amérique du Nord. Le nombre de patients affectés par les entérobactéries productrices de carbapénémases augmente peu à peu.

En 2016 au Québec, il y a eu 384 nouveaux cas et 779 dans l’ensemble du Canada. Les taux de mortalité associés à ces infections varient de 26 % à 50 %.

RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Mathieu Gobeil, Marie-Christine Bouillon, Mélanie Meloche-Holubowski, Miriane Demers-Lemay, Patrick Masbourian et Binh An Vu Van de Radio-Canada

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