Le crucifix au Salon bleu de l'Assemblée nationale du Québec - Radio-Canada/Bernard Huard

Le crucifix au Salon bleu de l'Assemblée nationale du Québec - Radio-Canada/Bernard Huard

Le projet de loi sur les signes religieux et la laïcité au Québec prisonnier du crucifix au parlement?

Le dépôt dans les prochains jours du projet de loi du gouvernement Legault sur la laïcité et les signes religieux risque d’ouvrir des débats houleux autour du retrait du crucifix à l’Assemblée nationale.

Une question qui cristallise les attentions

Ce n’est pas la première fois que la question du retrait du crucifix du parlement au Québec se pose.

Si le sujet a toujours divisé la classe politique et la population, c’est parce que l’histoire du Québec s’enracine dans une tradition religieuse chrétienne et catholique, où les signes religieux ont occupé une place prépondérante pendant plus de 400 ans.

Le rapport Bouchard-Taylor avait recommandé en son temps « une laïcité ouverte » dans la province. La religion catholique et certains de ses instruments ostentatoires d’expression et de manifestation y avaient déjà tendance à être relégués au second plan, ou tout simplement bannis, par une frange importante de la population.

L’ouverture du Canada à l’immigration internationale, et son corollaire de nouvelles religions et de nouveaux signes religieux visibles, a plusieurs fois rouvert le chapitre sur la place des signes religieux dans l’espace public, incitant la société et les gouvernements à se pencher à nouveau sur le compromis Bouchard-Taylor en faveur de l’indiction des signes religieux chez les personnes en position de coercition.

Cela a été un objet de préoccupation récurrente et même un enjeu électoral pour le Parti québécois, qui n’a pas réussi le pari de fédérer toutes les opinions autour du principe d’une interdiction de ces signes dans l’espace public.

L’idée d’interdire au personnel de l’État en position d’autorité le port de la kippa, du hijab, du niqab et de bien d’autres symboles en lien avec la religion, qui a refait surface avec l’arrivée des caquistes au pouvoir, est loin de faire l’unanimité dans la classe politique et continue de diviser la population.

À la veille du dépôt de son projet de loi, la question autour de la pertinence ou non du crucifix à l’Assemblée nationale vient une fois de plus cristalliser les attentions sur la question. Elle semble diviser au sein même de la Coalition avenir Québec.

Si le ministre de l’Immigration Simon Jolin Barrette semble déterminé à le maintenir, à titre « d’objet patrimonial » faisant partie intégrante de l’histoire du Québec, le premier ministre, jusque-là acquis à cette idée, montre quelques signes d’hésitation. M. Legault veut s’en remettre à une décision concertée en caucus.

Le crucifix dans la salle du Conseil de la ville de Montréal depuis 1937 permettait aux élus de prêter serment devant Dieu. Il sera enlevé. Crédit : Radio-Canada

La Ville de Montréal a une longueur d’onde d’avance

Sur ce même chapitre, la Ville de Montréal a tranché. Dans un contexte de laïcité, bien que le crucifix ait une signification particulière dans l’histoire et la tradition au Québec, il n’a plus sa raison d’être dans la salle du conseil de l’hôtel de ville.

Loin d’être jeté aux poubelles, l’objet, qui continue d’être perçu par plusieurs comme l’une des dernières manifestations visibles de la chrétienté du Québec, sera mis en valeur d’une autre façon.

La mairesse Valérie Plante et son équipe soulignent que le crucifix figurera bientôt dans une collection muséale à être présentée aux touristes et autres visiteurs curieux d’en apprendre davantage sur l’histoire de la province.

Le premier ministre du Québec, François Legault, serrant la main d’une personne portant un voile religieux. Crédit : Radio-Canada

Vers une loi à plusieurs vitesses au Québec?

Lors de la campagne électorale ayant porté au pouvoir la Coalition avenir Québec, le programme politique du chef François Legault était radicalement tourné vers l’éradication des signes religieux, notamment en ce qui concerne les groupes mentionnés plus haut, tout en conservant le crucifix au parlement.

Alors que son projet de loi sur la laïcité est en préparation, le premier ministre démontre une volonté d’ouverture, en invitant « tout le monde » à « faire preuve de compromis ».

À l’analyse, cela signifierait-il donner une permission à certaines personnes susceptibles d’être difficilement affectées par l’application de la loi? Celle-ci pourrait se traduire en termes de congédiements, de pertes d’emploi et d’érosion de la main-d’œuvre dans une province déjà menacée de pénurie, si les objectifs initiaux de la CAQ sont maintenus. Dans le cas contraire, les personnes concernées pourraient bénéficier d’une clause dérogatoire leur permettant de conserver certains de leurs atouts religieux.

Certains voient aussi dans les propos actuels de M. Legault une ouverture, compte tenu de la laïcité de l’État, à l’idée d’un retrait possible du crucifix de l’Assemblée nationale, pour ne pas donner l’impression de faire des exceptions avec les symboles des uns au détriment de ceux des autres, au motif de l’appartenance ethnique et religieuse.

RCI avec Radio-Canada

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