Nombre d'organismes ont dénoncé le recours au confinement cellulaire dans les prisons du Canada. Photo: Radio-Canada

Quelle différence? Les cellules d’isolement des prisonniers fédéraux seront remplacées par des unités d’isolement

Devant un comité du Sénat, mercredi, le ministre canadien de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a promis que son projet de loi C-83 n’est pas qu’une affaire de « sémantique ».

La sénatrice Kim Pate rencontre des prisonniers en isolement. Photo : Sénat du Canada

En comité, la sénatrice indépendante Kim Pate, qui a longtemps défendu les droits des détenus à l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, a décrit le projet de loi comme d’un « exercice cynique », visant à donner une nouvelle image à la pratique « cruelle » de l’isolement cellulaire.

Le ministre Ralf Goodale conteste l’affirmation selon laquelle son projet de loi pour mettre fin à l’isolement cellulaire dans les prisons du Canada ne serait qu’une « supercherie linguistique », qui maintiendra cette pratique contestée et dénoncée par les cours sous un autre nom.

Le projet de loi C-83 a été présenté en réaction aux recommandations de l’enquête du coroner sur le décès d’Ashley Smith, une jeune fille de 19 ans qui s’est étranglée dans sa cellule d’isolement sous les yeux de gardiens habitués à ses antécédents d’automutilation. Elle avait été transférée dans plusieurs établissements, mais était en isolement depuis plus de 1000 jours.

Ce n’est pas un exercice de sémantique

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale (Adrian Wyld/Presse canadienne)

Ralph Goodale soutient que la création « d’unités d’intervention structurées » demeure nécessaire pour remplacer les unités d’isolement, car il faudra continuer de séparer certains détenus de la population carcérale en général, pour leur propre sécurité et pour celle des autres prisonniers et gardiens.

Le ministre Goodale ajoute qu’en vertu du nouveau projet de loi, les détenus seraient isolés de manière beaucoup plus respectueuse qu’aujourd’hui, où des prisonniers peuvent rester jusqu’à 22 heures par jour dans une cellule « avec très peu, voire aucun, contact humain significatif ou de programmes de réadaptation », a rappelé M. Goodale.

Dans les nouvelles unités d’intervention structurées, les détenus en isolement auraient deux fois plus de temps hors de leur cellule et ils pourraient bénéficier de contacts humains pendant au moins deux heures chaque jour. En prime, explique le ministre, ils auraient également accès à des soins de santé mentale, à des programmes de réadaptation et à d’autres services qui ne sont pas disponibles pour les prisonniers qui sont actuellement en isolement.

L’isolement pénitencier préventif à l’heure actuelle au Canada
– Les détenus qui présentent un risque pour eux-mêmes ou pour la population carcérale peuvent être placés en isolement cellulaire préventif pour une période indéfinie, soit « le temps qu’il faut ».
– Ils ne peuvent sortir de leur cellule que deux heures par jour, et ils n’ont pas accès à des interactions significatives avec d’autres humains.
– Ils ne bénéficient pas non plus des programmes offerts aux détenus ou de soutien en santé mentale.

La cour d’exercices de l’unité d’isolement au pénitencier de Kingston, en Ontario, en 2016. Photo : PC/Lars Hagberg

Traitement inhumain selon deux jugements

Le juge Peter Leask Photo : PC

En janvier de l’an dernier, un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, dans l’Ouest, avait déclaré inconstitutionnelle la loi encadrant la pratique de l’isolement préventif dans les pénitenciers du pays.

Les prisons canadiennes ne doivent plus envoyer leurs détenus en isolement préventif indéfiniment, tranchait le juge Peter Leask dans sa décision.

Il affirmait que cet isolement allait à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, car elle « autorise et permet dans les faits un isolement administratif prolongé et indéfini ».

Ces lois sont d’autant plus pernicieuses, estimait-il, pour les personnes atteintes de maladies mentales. L’isolement préventif pendant une période indéterminée « expose les détenus fédéraux canadiens qui y sont soumis à un risque important de sévices psychologiques, y compris des souffrances mentales, et à un risque accru de suicide », écrivait-il dans son jugement.

RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Radio-Canada

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Catégories : Politique, Société
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