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En finançant des universités canadiennes, Coca-Cola pouvait annuler des recherches en santé et sur le sucre

Une analyse de plus de 87 000 documents révèle que Coca-Cola a pu exercer en Amérique du Nord son droit d’annuler le financement de certaines études universitaires sans avoir à fournir de justification.

Des bouteilles de Coca-Cola Photo : La Presse canadienne / AP/Jim Cole

Ce sont des chercheurs de l’Université de Cambridge et d’autres établissements en Amérique du Nord qui ont fait cette découverte en analysant une montagne de documents concernant le financement de la recherche universitaire.

Ces informations ont été obtenues dans le cadre de diverses demandes d’accès à l’information adressées à des universités publiques en Amérique du Nord selon leurs contrats de financement de recherche avec Coca-Cola entre 2015 et 2018.

On y apprend que la recherche en santé financée par Coca-Cola dans des universités au Canada et aux États-Unis comprenait des dispositions permettant au géant des boissons d’annuler des études à mi-chemin de leur réalisation, ce qui permettait à l’entreprise de mettre fin à des projets qui auraient été contraires à ses intérêts économiques.

Un grand pouvoir potentiel d’intervention

Dre Sarah Steele Photo : Jesus College de l’Université de Cambridge

L’analyse conclut que Coca-Cola aurait bel et bien exercé à plusieurs reprises son droit d’annuler le financement d’études et que l’entreprise a pu le faire sans fournir les motifs de sa décision.

Cela représente en théorie un pouvoir d’influence considérable à une époque où les professeurs, surtout ceux qui n’ont pas de poste permanent, se tournent de plus en plus vers le secteur privé pour obtenir un soutien financier, et où les emplois universitaires sont souvent liés à l’obtention de fonds extérieurs.

Sarah Steele, professeure de politique publique à Cambridge et coauteure de l’étude publiée cette semaine dans le Journal of Public Health, révèle que Coca-Cola pouvait même garder le contrôle des données recueillies par les chercheurs.

L’équipe de Sarah Steele n’est pas parvenue cependant à trouver un cas précis où Coca-Cola aurait effectivement mis fin à une recherche qui serait allée dans une direction qu’elle n’aimait pas. Elle reconnaît aussi que les dispositions contractuelles ne donnaient pas à Coca-Cola le contrôle au jour le jour des activités des chercheurs travaillant sur des études financées par l’entreprise.

Voyez comment Coca-Cola est au coeur du combat pour dorer l’image du sucre

Photo : Reuters

Coca-Cola soutient n’être jamais intervenue

Coca-Cola indique que ses règles sur le financement de la recherche ont changé en 2016, de sorte que l’entreprise ne soutiendra la recherche que si 50 % du projet est financé par d’autres instances. En d’autres termes, la compagnie estime que les questions soulevées par l’étude ont été réglées.

« Nous convenons que la transparence et l’intégrité de la recherche sont importantes « , a déclaré un porte-parole de l’entreprise par courriel.

« La recherche financée par la Coca-Cola Company […] devrait être menée conformément à notre approche publique de financement de la recherche scientifique, y compris le fait que nous n’avons pas le droit de financer la recherche scientifique.

Combien de morceaux de sucre contient votre boisson préférée? Photo : DR

La présence insidieuse du sucre serait liée à un complot datant de plus de 50 ans

Ce n’est pas la première fois que Coca-Cola est montrée du doigt. On a prouvé il y a quelques années, par exemple, que Coca-Cola était derrière l’organisme Global Energy Balance Network, une fondation dirigée par un réputé chercheur américain qui niait l’impact des boissons sucrées sur la santé.

Par ailleurs, en 2016, on apprenait que l’industrie du sucre en Amérique du Nord avait essayé de cacher les effets de ses produits sur la santé en payant des scientifiques pour mettre en doute les résultats de certaines recherches, un peu comme l’a fait l’industrie américaine du tabac. C’est ce que révélait des documents internes qui ont fait l’objet d’une publication dans l’American Medical Association’s Journal of Internal Medicine.

Ces documents montrent qu’au milieu des années 1960, en payant des scientifiques reconnus, l’industrie sucrière en Amérique du Nord a tenté de minimiser la nocivité du sucre, notamment en ce qui concerne son lien avec les maladies cardiovasculaires. Cette industrie utilisait la même stratégie que les entreprises de tabac. Elle a embauché des professionnels de la santé et financé des recherches scientifiques qui faisaient porter le blâme de l’obésité sur la sédentarité, entre autres.

Le saviez-vous?
En 2015, les Canadiens ont chacun acheté en moyenne 444 millilitres de boissons sucrées quotidiennement, soit l’équivalent d’une canette de soda par jour, tous les jours.
Cette consommation était de 578 millilitres chez les jeunes, ce qui représente jusqu’à 16 cuillères à thé de sucre, une quantité qui dépasse largement l’apport maximal quotidien recommandé.

L’OMS appelle les gouvernements à taxer davantage les boissons sucrées. | ICI Radio-Canada.ca

RCI avec les informations de Chris Arsenault et Lauren Pelly de CBC News, La Presse canadienne et la contribution de Catherine Lefebvre, Philippe Leblanc, et Michel Désautels de Radio-Canada

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Catégories : Économie, Santé
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