La chrétienne Asia Bibi, acquittée pour blasphème il y a quelques mois au Pakistan après avoir passé huit ans dans le « couloir de la mort », est arrivée mardi matin au Canada. Elle en exprimait le souhait depuis des années, selon son avocat.
Des responsables pakistanais et d’autres personnes au courant de cette affaire ont également confirmé mercredi que Mme Bibi avait quitté le Pakistan pour retrouver ses filles au Canada, où l’asile leur avait été accordé par Ottawa.
Le premier ministre canadien, qui avait déclaré en novembre que le Canada était en pourparlers avec le gouvernement pakistanais au sujet de Mme Bibi, n’a pas voulu discuter de son cas mercredi.
« De toute évidence, il y a des problèmes de confidentialité et de sécurité délicats à cet égard et, malheureusement, je ne peux pas en dire plus pour le moment », a dit Justin Trudeau.
La peine de mort pour une affaire de blasphème
L’incarcération d’Asia Bibi avait attiré l’attention du monde sur une loi pakistanaise controversée qui interdit le blasphème et qui prévoit automatiquement la peine de mort.
« Elle est enfin libérée de toutes ses épreuves », affirme son avocat, Me Saif-ul Malook, depuis Lahore, au Pakistan.
Il explique que sa cliente, aujourd’hui dans la cinquantaine, était impatiente de venir au Canada. « Si vous êtes en enfer et que quelqu’un vous dit que vous serez bientôt au paradis, il n’y a pas de question à se poser », a-t-il ajouté.
L’avocat, qui dit avoir été lui aussi victime de menaces, espère maintenant que Mme Bibi trouvera la paix au Canada. « La Cour suprême du Pakistan a annoncé que les accusations de blasphème portées contre elle étaient fausses, a-t-il rappelé. De grâce, ne la suivez pas : laissez-la mener le reste de sa vie en paix. »
Sa longue épreuve de 11 ans devant la justice pakistanaise
Asia Bibi avait été reconnue coupable de blasphème et d’avoir insulté le prophète Mahomet en 2009 à la suite d’une querelle en 2008 avec une collègue ouvrière dans les champs. Elle avait offert de l’eau à des ouvriers agricoles musulmans avec qui elle travaillait.
Une dispute avait éclaté lorsque certains ont refusé de boire dans le même contenant qu’une chrétienne, et deux d’entre eux l’ont ensuite accusée d’avoir insulté le prophète Mahomet.
La Cour suprême du Pakistan a finalement annulé sa condamnation à mort l’année dernière. Elle avait été depuis placée en lieu sûr, protégée par les forces de sécurité pakistanaises, car des islamistes menaçaient de la tuer. Les mêmes extrémistes, dont plusieurs ont été emprisonnés par la suite, avaient également appelé au renversement du gouvernement à la suite de l’acquittement de Mme Bibi.
Le plus haut tribunal du Pakistan a confirmé, en janvier dernier, l’acquittement de Mme Bibi prononcé en octobre 2018 et a éliminé du coup le dernier obstacle juridique à son départ de ce pays, où l’islam est la religion officielle. Les musulmans y constituent de 95 % à 97 % de la population, alors que le reste des habitants est principalement chrétien et hindou.
Des manifestations au Pakistan ont retardé sa libération
Après le premier acquittement de Mme Bibi, en octobre dernier, des partis religieux radicaux avaient manifesté dans les rues. À la toute dernière minute, des responsables religieux ont également interjeté appel de l’acquittement.
Le gouverneur d’une province qui avait pris la défense de Mme Bibi a été tué par balle, tout comme un ministre du gouvernement minoritaire qui remettait en cause les lois de l’islam contre le blasphème.
La loi pakistanaise sur le blasphème est souvent utilisée lors de règlements de compte ou pour intimider les fidèles de religions minoritaires, y compris les chiites.
RCI avec La Presse canadienne et la contribution de Radio-Canada
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