Les bébés génétiquement modifiés pour résister au virus du sida sont plus susceptibles de mourir de mourir que les autres, selon une nouvelle étude

Risque de décès plus élevé chez les «bébés OGM» protégés contre le sida

Une manipulation génétique pour protéger des bébés contre le sida augmente plutôt leur risque de décès, selon une nouvelle étude publiée lundi dans la revue Nature Medicine.

Cela fait partie des vieux rêves des êtres humains. Vivre sans maladie, et pourquoi pas, vivre éternellement. Les avancées scientifiques des dernières années entretiennent cet espoir, la génomique en particulier.

On peut déjà opérer des modifications génétiques chez les organismes vivants. Des animaux et des plantes transgéniques existent. Des thérapies géniques existent également.

Modifier des gènes pour protéger contre le sida

Aujourd’hui, il est possible de couper et de prélever un fragment d’ADN afin de corriger une mutation, de remplacer un gène par un autre. On peut ainsi manipuler les gènes un à un afin de guérir rapidement des maladies jusque-là incurables, et à peu de frais.

C’est l’idée qu’a eue le chercheur chinois He Jiankui. Il a annoncé en novembre 2018 avoir fait naître des jumelles dont les gènes avaient été modifiés pour les protéger du virus du sida. Il a assuré quelques semaines plus tard qu’une deuxième femme était enceinte d’un autre bébé qu’il avait génétiquement modifié.

(Crédit : Le Monde)

Il y a toutefois un problème. Apparemment, le taux de mortalité des gens qui ont deux copies de cette mutation génétique est plus élevé que les autres. Selon l’étude, ces personnes ont 20 % de chances en moins d’atteindre l’âge de 76 ans.

Protégés contre le sida, mais vulnérables à d’autres maladies

Les chercheurs sont parvenus à cette conclusion après avoir analysé les données de plus de 400 000 volontaires inscrits dans le registre britannique UK Biobank, qui sert de base à des études sur la génétique.

Sans expliquer les raisons de cette mortalité plus élevée, l’étude souligne que dans la génétique, bouger un petit bâton peut avoir un effet domino et modifier la position d’autres bâtons.

La protection du bébé contre le virus du sida ne le met pas à l’abri d’autres maladies. (Archives). Crédit Radio-Canada

Les auteurs de l’étude reconnaissent que la mutation en question « protège contre le virus du sida et sans doute d’autres, comme celui de la variole ». Xinzhu Wei, de l’Université de Berkeley (États-Unis), et Rasmus Nielsen, de l’Université de Copenhague, notent cependant une baisse de la protection contre d’autres maladies infectieuses comme la grippe. Des maladies bien plus courantes que le sida.

Les risques de l’ingénierie génétique

Les deux chercheurs affirment donc qu’il est considérablement risqué d’introduire des mutations chez les humains en utilisant des techniques d’ingénierie génétique, même si ces mutations semblent avoir des effets positifs.

He Jiankui dit avoir utilisé la technique CRISPR-Cas9 qui permet de couper l’ADN à un endroit précis du génome, dans n’importe quelle cellule. Il est simple, rapide et efficace.

(Crédit : Léa Lemierre/ Inserm(DISC).
D’autres affirment que le CRISPR-Cas9 est comme des « ciseaux génétiques » qui permettent de jouer dans le génome comme dans un traitement de texte. On peut y corriger des fautes de frappe.

Les travaux de He Jiankui n’ont fait l’objet d’aucune publication. Mais selon des informations parues sur Internet, ils auraient porté sur les modifications d’un gène appelé CCR5.

La piste du CCR5

Le CCR5, naturellement présent chez 1 % des Européens, empêche le virus de pénétrer dans les cellules hôtes, rendant les porteurs résistants au sida. Dans ses expériences, He Jiankui se serait servi du CCR5 produit artificiellement.

Il est de plus en plus possible de bloquer l’expansion du virus du sida. Photo : C. Goldsmith, P. Feorino, E. L. Palmer, W. R. McManus/CDC

Reste que la naissance supposée des premiers « bébés OGM » du scientifique chinois a provoqué un tollé chez des spécialistes. Au point qu’en mars, certains d’entre eux ont appelé à un moratoire sur les techniques de modification du génome, tant que les questions éthiques n’étaient pas résolues.

D’autres experts redoutent cependant l’arrêt des recherches dans un domaine qui suscite beaucoup d’espoir dans le traitement des maladies génétiques.

Le scientifique chinois He Jiankui n’a jamais publié d’article scientifique sur ses « bébés OGM ». Photo : REUTERS/Stringer 

(Avec l’AFP, Nature Medecine, Génome Québec, Le Monde)

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