À entendre les deux parties, le maire d’Oka Pascal Quevillon et le grand chef de la communauté de Kanesatake Serge Otsi Simon, on ne saurait s’empêcher de penser que le chemin vers le retour au calme sera encore long et parsemé d’embûches. Il apparaît donc difficile de ne pas croire que la démarche des représentants du fédéral et du Québec ne porte pas les fruits escomptés, du moins au stade actuel des faits.
Au cœur de cette tension, la décision d’un promoteur foncier, Grégoire Gollin, de rétrocéder 60 ha de terrain aux Mohawks. C’était sans compter avec le fait que cette décision, voulue comme un geste de réconciliation, doublé d’une volonté de répondre à un programme fédéral aux retombées fiscales alléchantes, allait rappeler à la mémoire la crise d’Oka survenue dans les années 1990, et alimenter un nouveau chapitre tendu entre Oka et le conseil de bande de Kanesatake.
La crise survenue il y a 29 ans se résume en un différend territorial qui avait donné lieu à la mobilisation des Mohawks d’Oka, appuyés par des Mohawks d’autres communautés au Québec, pour empêcher l’extension d’un terrain de golf sur un cimetière ancestral autochtone. Cette mobilisation, qui avait entraîné l’occupation armée de la pinède, avait suscité l’intervention de la police et s’était soldée par la conclusion d’un accord visant l’annulation de l’agrandissement du terrain de golf.
Ce sont les 60 ha de cette même pinède adjacente au domaine des collines qui sont au centre des tensions depuis plusieurs jours. L’annonce de la décision de rétrocéder cette parcelle a suscité une réaction hostile du maire Quevillon. Ce dernier y a vu une porte ouverte à la dévalorisation des propriétés des non-autochtones. Une perte de valeur due à la « prolifération » de lieux de vente de stupéfiants et à l’enclavement de sa communauté.
En substance, le maire n’aurait pas voulu que les « cabanes à cigarette et à pot » se multiplient sur le territoire de sa municipalité.
Ces propos ont provoqué la colère des Mohawks qui ont crié au racisme, et exigé des excuses du maire, par la voix de leur grand chef Simon. Comme rapporté par Radio-Canada, Pascal Quevillon est soupçonné d’avoir voulu exploiter certaines problématiques propres à cette communauté à des fins politiques.
Ces excuses tardent à venir, et les parties sont engagées depuis quelques jours dans une enflure verbale qui ne calme en rien la situation. C’est pour cette raison que les gouvernements ont résolu de s’impliquer.
Le secrétaire parlementaire de la ministre des Affaires autochtones a représenté le fédéral aux rencontres tenues séparément avec les deux parties, tandis que le Québec était représenté par la ministre des Affaires autochtones en personne, Sylvie D’Amours. Ces rencontres semblent loin d’avoir apaisé les tensions, mais la ministre se veut rassurante.
« On est très satisfait de la journée. C’est une journée qu’on voulait. Je suis très contente qu’on ait eu cette journée de dialogue avec tous les intervenants. J’avais espoir qu’on soit tous ensemble […] Les deux parties conviennent qu’il faut un dialogue. Il faut un très grand respect envers la population qui ne veut pas une deuxième crise […] Mon rôle à moi, c’est de garder la sécurité publique […] C’était en premier une table de dialogue et tout le monde s’est exprimé […] Nous allons faire un suivi avec le fédéral pour ce qui est des doléances qui ont été soumises par chacune des parties », a affirmé Mme D’Amours lors d’un point de presse.
Le maire Quevillon a estimé que sa seule excuse était celle d’avoir « dit la vérité » et dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Sa vérité concerne en fait l’existence de cabanes destinées à la vente illégale de stupéfiants chez les Mohawks de Kanesatake. Par ailleurs, il a fait part de sa volonté de rencontrer le grand chef Serge Simon.
« Moi, je suis ouvert, quand il veut, qu’il m’appelle, ça me fera plaisir », a affirmé le maire d’Oka.
Pour sa part, le grand chef a dénoncé des « propos inflammatoires » envers sa communauté et envers sa région.
« Moi et mon conseil, on a décidé de ne pas donner d’importance au maire Quevillon […] La population est avec nous. Ce n’est pas le maire qui va représenter la réconciliation. Je crois que le pont est coupé entre nous. J’ai le conseil avec moi qui pense qu’il faut couper les communications avec lui. Les autres maires qui sont responsables et respectueux, on va continuer le dialogue avec eux. M. Gollin veut céder 60 ha de terrain à la communauté. Il faut que la communauté se prononce, si on va l’accepter ou non. Le maire a pesé sur le bouton de panique un peu trop vite », a relevé Serge Simon, à l’issue de la rencontre.
Les déclarations de part et d’autre font percevoir une impasse pour ce qui est de la réconciliation tant souhaitée par les autorités.
Avec Radio-Canada
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