Le général Ahmed Gaïd Salah, puissant chef de l’armée algérienne, l’« homme fort de l’Algérie », connu également pour avoir poussé l’ex-président Abdelaziz Bouteflika à démissionner, est décédé lundi à l’âge de 79 ans d’une crise cardiaque selon la présidence algérienne.
Ahmed Gaïd Salah est aussi connu pour avoir joué un rôle majeur dans l’organisation des élections présidentielles du 11 décembre dernier, boycottées par le hirak, mouvement de contestation populaire et une partie de l’opposition.
Nous avons contacté le géopolitologue Raouf Farrah du groupe Sec Dev basé à Ottawa et membre du mouvement Ibtykar. Ce dernier se définit comme « un mouvement citoyen et politique, engagé pour l’émergence d’une Algérie démocratique, sociale, moderne et résolument tournée vers l’avenir ». Raouf Farrah nous a parlé des conséquences à court et long terme du décès du général Gaïd Salah.
Comment envisagez-vous l’avenir de l’armée algérienne et de l’Algérie tout entière maintenant que ce personnage a disparu? Laisse-t-il un grand vide ou son temps était révolu?
L’Armée nationale populaire d’Algérie est une armée structurée, une institution forte qui, je pense, saura dépasser le décès aujourd’hui de son chef qui est le général Ahmed Said Salah. Il y aura certainement de changements au niveau de l’état major, bien sûr au niveau de son commandement, mais aussi des différentes composantes de ce dernier. Mais je pense que l’institution restera fidèle à ce qu’elle est, c’est-à-dire une institution populaire, souveraine dont la principale prérogative est de défendre les intérêts nationaux algériens. Raouf Farrah
Durant sa cérémonie d’investiture, le nouveau président, Abdelmadjid Tebboune, a élevé le général Gaïd Salah à la dignité de « Sadr », l’Ordre national du Mérite, il s’agit de la plus haute distinction, un honneur traditionnellement réservé aux chefs de l’État. Le général Gaïd Salah était au cœur du régime. Sa mort aura t-elle un impact sur la feuille de route du nouveau président?
Le nouveau régime en Algérie est un régime qui est, avant tout, entre les mains du pouvoir militaire. Et donc, la désignation comme président d’état d’Abdelmadjid Tebboune par une mascarade électorale illégitime du 12 décembre dernier, que la majorité du peuple algérien rejette, s’inscrit dans une stratégie que le haut commandement de l’armée en mis en place pour designer un nouveau représentant civil à ce pouvoir militaire. Donc en réalité, la distinction de Ahmed Gaïd Salah avec le « Sadr » est en fait vu comme une récompense octroyée par le nouveau représentant civil du régime à l’homme vieillissant qui a tout fait pour rejeter les revendications principales du peuple algérien, qui étaient le refus de cette élection et plutôt la construction d’un nouveau régime démocratique qui serait un État de droit par une période de transition durant laquelle un nouveau régime politique légitime pourrait prendre le pouvoir.Raouf Farrah
Les actions, les décisions et le pouvoir du général Ahmed Gaïd Salah ont été fortement contestés par les manifestants anti-régime en Algérie, comment réagissent-ils à sa mort?
Je ne pense pas que ce soit une bonne ou une mauvaise nouvelle. Le mouvement populaire est toujours dans la continuité, rien n’a changé pour ce dernier, les objectifs de la révolution du 22 février sont toujours les mêmes, la méthode restera la même, c’est-à-dire « la silmya », donc le pacifisme, jusqu’à ce que ce régime tombe et qu’un nouveau régime démocratique arrive au pouvoir. Maintenant, je crois que le décès de Ahmed Gaïd Salah va redistribuer les cartes au niveau de l’état major. Aujourd’hui nous avons assisté à la désignation de M. Chengriha comme commandant par intérim de l’Armée nationale populaire, mais va-t-il s’aligner sur les positions du mouvement populaire ou va-t-il poursuivre la démarche qu’avait entamée son prédécesseur Ahmed Gaïd Salah. Tout ceci on le saura dans les jours ou les semaines qui viennent, Raouf Farrah
À la suite du décès du général, le nouveau président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a décrété trois jours de deuil national, fait exceptionnel réservé habituellement aux chefs d’État, et a nommé le général Said Chengriha, commandant de l’armée, chef d’état-major intérimaire des forces armées, a indiqué la télévision publique.
Chengriha, 74 ans, avait été nommé à la tête de l’armée terrestre par le général Gaïd Salah lors d’un remaniement majeur de la direction militaire en septembre 2018.

Ahmed Gaid Salah a assisté à la cérémonie de prestation de serment du président algérien nouvellement élu, Abdelmadjid Tebboune, à Alger, en Algérie, le 19 décembre 2019. (Photo : ©REUTERS/Ramzi Boudina)
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Ahmed Gaïd Salah est né le 13 janvier 1940 dans la région de Batna, 300 km à l’Est d’Alger. Il a rejoint l’Armée de libération nationale à l’âge de 17 ans et a combattu les forces coloniales françaises.
Il a aussi participé aux guerres israélo-arabes de 1967 et 1973.
Après l’indépendance en 1962, il a fréquenté l’école militaire soviétique et a monté les échelons.
Il était chef des forces terrestres pendant la guerre civile contre les insurgés islamistes dans les années 1990.
Il était membre de l’Armée de libération nationale qui a combattu le colonialisme français et, selon sa biographie officielle, il a été l’un des derniers représentants des anciens combattants de la guerre d’indépendance dans les forces armées.
Pour écouter l’entièreté de l’entrevue avec Raouf Farrah, cliquez ci-bas :
Un entrevue de RCI avec des informations de l'Agence France-Presse et Reuters.
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