Assemblage de l’Airbus A220, le 14 janvier 2019, à l’usine Bombardier de Mirabel, au Québec. La Presse canadienne/Ryan Remiorz

Bombardier se désengage de l’A220 : plus de 3000 employés sur le carreau?

En proie à d’importantes difficultés financières, avec une dette qui s’élève à plus de neuf milliards de dollars, l’avionneur québécois a décidé de se départir de son avion vedette, l’A220. Cet avion est désormais la propriété d’Airbus avec une participation majoritaire à hauteur de 75 % et du gouvernement du Québec qui prend une part de 25 % sans investir de sommes supplémentaires. Cette transaction s’élève à 1,3 milliard de dollars, et les termes de l’entente stipulent que le 1er janvier 2026, Airbus pourra racheter les parts du Québec.

Tirer des leçons des erreurs du passé

Le premier ministre du Québec François Legault Crédit : Sylvain Roy Roussel/CBC

Devant les micros de Radio-Canada, jeudi, le premier ministre François Legault s’est montré optimiste, malgré sa critique acerbe contre « une mauvaise transaction de la part du précédent gouvernement libéral ».

M. Legault estime que les libéraux ont commis « une erreur » en investissant 1,3 milliard dans une seule division de Bombardier, notamment dans la C Series, devenue l’A220. Cet investissement a perdu de sa valeur au fil du temps et le premier ministre soutient qu’il aurait été plus profitable pour Québec d’investir dans l’ensemble de la compagnie.

« C’était important d’investir pour sauver la C Series en 2016-2017, mais il y a eu un problème de structuration de l’entente qui a conduit à l’investissement de 1,3 milliard de dollars dans une seule division […] C’était une erreur grave. On aurait pu sauver les emplois sans perdre 600 millions de dollars. Si on avait investi dans la compagnie mère, on n’aurait pas cette perte », a-t-il affirmé lors d’un point de presse.

Après avoir salué la nouvelle transaction qui permet au gouvernement d’espérer une récupération prochaine des sommes perdues, M. Legault souligne qu’il faut à présent penser à l’avenir de Bombardier. Cet avenir, il l’envisage avec sérénité, à condition que l’avionneur développe de nouveaux produits, en mettant notamment l’accent sur le transport ferroviaire.

Il rappelle qu’il y a un important marché en Amérique du Nord que l’avionneur pourrait conquérir avec de nouveaux produits compétitifs dans sa filière de transport par train, métro et tramway.

En apprendre plus sur l’histoire de l’A220

Craindre pour l’avenir du transport terrestre chez Bombardier?

Bombardier subit d’énormes pressions en raison de sa dette de 9,3 milliards de dollars qui arrive à échéance en 2026. Ainsi fragilisée, la compagnie redoute de ne pouvoir honorer d’éventuels contrats actuels et à venir dans le secteur du transport ferroviaire.

Mehran Ebrahimi, directeur de l’observatoire international de l’aéronautique civile à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), pense tout de même qu’il y a des raisons d’espérer pour la famille Beaudoin-Bombardier, actionnaire majoritaire de cette compagnie, dont la gestion est très contestée en raison des bonus exorbitants versés aux membres de la haute direction. Avec l’achat possible de sa division ferroviaire par des géants internationaux du domaine, cela viendra « mettre un terme à l’angoisse de la dette », soutient M. Ebrahimi.

« Ce sera certes une option intéressante pour Bombardier, observe l’expert. Mais, il y a un risque pour le Québec de perdre un autre fleuron de son économie. »

Il suggère que de nouveaux investissements soient consentis par Québec pour que la filière du transport ferroviaire demeure la propriété de Bombardier.

L’entreprise devrait laisser de côté tout investissement dans les avions commerciaux en raison de la présence de gros acteurs, à l’instar de Boeing qui accapare une part importante du marché nord-américain, suggère le premier ministre du Québec François Legault.

Dans le même sens, M. Ebrahimi souligne que l’investissement dans les avions d’affaires rapporterait des sommes substantielles, étant donné que les carnets de commandes d’Airbus ont augmenté de 65 % au cours de la dernière année.

Il espère que les déboires de l’avion 737 MAX de Boeing servent les intérêts de l’A220 qui deviendra un choix intéressant sur le marché.

Le 29 octobre 2015, Bombardier présente un nouveau plan de sauvetage à Montréal, alors qu’elle enregistre des pertes de 4,9 millions de dollars au 4e trimestre. Des pertes liées en grande partie à la C Series. Ce plan prévoit un investissement de plus de 1 million de dollars du gouvernement provincial pour soutenir la C Series. Crédit : La Presse canadienne/Graham Hughes

Quelles garanties pour l’entente verbale de protéger les emplois

M. Legault espère qu’Airbus, fournisseur d’avions d’affaires, qui s’imposent dans le secteur du transport aérien, saura préserver les 3300 emplois qui sont en jeu au Québec.

Cette question des emplois soulève un certain nombre de questions, notamment en ce qui a trait aux futures conventions collectives qui devront être négociées avec Airbus.

L’engagement verbal de cette compagnie de préserver les emplois n’augure rien de bien rassurant pour les travailleurs qui redoutent les incertitudes à venir. C’est du moins ce que soutiennent les chefs des partis d’opposition au Québec. Ils souhaitent que le gouvernement provincial veille à ce que les intérêts des travailleurs soient préservés.

Interpellé à ce sujet par un journaliste qui a mentionné qu’une simple entente verbale ne « garantit pas la dinde sur la table à Noël » pour les employés de Bombardier, François Legault a estimé « qu’en ne mettant pas un sou de plus dans Bombardier », on ne « devrait pas être non plus trop exigeant envers Airbus » qui détient désormais en grande partie l’A220 et qui devrait « prendre des dispositions pour sauver les emplois ».

Mehran Ebrahimi a relevé que, pour le moment, les emplois ne seraient pas menacés en raison de l’intérêt qu’aurait Airbus à maintenir la conception et la fabrication de l’A220 au Québec.

« Il serait intéressant de maintenir le montage de cet avion au Québec et d’augmenter la cadence. Ça coûte moins cher ici que d’aller ailleurs, et il y a une garantie de qualité avec toute l’expertise qu’il y a au Québec. Il serait intéressant pour Airbus de rapatrier le montage d’autres modèles de ses avions ici », a-t-il conclu.

Catégories : Économie, Politique, Société
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