Sur cette photo du 6 mars 2020, des manifestants anti-gouvernementaux passent devant une fresque murale dénonçant le président du Chili, Sebastian Pinera, à Santiago du Chili. L'été dans l'hémisphère sud touche à sa fin et les Chiliens disent craindre - ou accueillir favorablement - la perspective que le début de la saison annonce un renouveau des vastes manifestations qui ont secoué le pays à la fin de l'année dernière. (Photo AP / Esteban Felix)

Rapport mission canadienne : les Chiliens sous les coups de bâtons et de gaz

Selon les grandes lignes du rapport qui sera publié en ligne, au terme de la mission Québec-Canada dans ce pays d’Amérique latine, entre la cordillère des Andes et l’océan Pacifique, le peuple chilien est en proie à l’une des pires répressions de son histoire.

Il paie ainsi le prix fort de sa révolte contre le capitalisme à outrance et la vie chère entretenus par le pouvoir de Sebastian Piñera. Ce pouvoir censé représenter leurs droits et leurs intérêts semble avoir repris un virage dictatorial, à l’image du système qu’a connu ce pays de 1973 à 1990, sous l’impulsion de l’ancien président Augusto Pinochet.

Arrestations arbitraires, détention dans des conditions des plus inhumaines, torture et autres sévices semblent être le lot quotidien de ce peuple depuis qu’il a engagé une véritable révolte contre l’ultralibéralisme et l’augmentation des prix d’accès aux services de base dans ce pays : le ticket de métro est devenu plus cher, les tarifs d’électricité ont connu un bon de plus de 10 %, la qualité de l’eau potable est remise en cause à plusieurs égards, le système de santé est devenu quasi inaccessible à cause de la privatisation d’une bonne partie des soins, les médicaments sont hors de prix. À cela, s’ajoute la corruption qui gangrène l’armée et la police dans ce pays où les plus grosses fortunes sont concentrées aux mains d’une poignée de familles parmi les 18 millions d’habitants qu’il compte.

Selon le constat des délégués canadiens et québécois, la situation est préoccupante en raison des « violations graves des droits de manière systématique et généralisée selon des modèles communs et récurrents dans plusieurs régions visitées ». Il s’agit d’exactions commises par les forces de l’ordre qui sont censées protéger la population et la défendre dans un contexte où la protestation sociale est criminalisée.

La situation serait plus préoccupante en ce contexte de pandémie de la COVID-19, où la répression se poursuit de plus belle, bien que les manifestations aient cessé en attendant la fin de la crise sanitaire. Cette répression accentue la misère des plus vulnérables qui sont souvent arrêtés et entassés les uns sur les autres dans des prisons de fortune, battus à coups de bâton, ou chassés à coups de gaz lacrymogène, lorsqu’ils ne sont pas blessés par des balles de plomb de la police. Celle-ci est accusée de défier les protocoles d’intervention et de s’attaquer au personnel de la santé et des organisations d’observation des droits de la personne.

Les membres de la mission Québec-Canada se disent très préoccupés par l’injustice sociale et l’institutionnalisation de la violation des droits de la personne dans ce pays où certains rapportent que des familles vivantes auraient été jetées dans l’océan Pacifique.

Il faut dire que les espoirs fondés sur le président Piñera, qui était admiré au cours des premières années de son mandat, comme un partisan de la démocratie et de la transparence, s’effondrent progressivement, car les inégalités sociales, documentées par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), creusent un fossé important entre les Chiliens.

Ils sont nombreux qui remettent en question le système de capitalisation qui rend les retraites dérisoires, alors que pendant ce temps, les fonds de pension font des profits extraordinaires. Bien que le président Piñera ait proposé une réforme de ce système, en mentionnant notamment que les employeurs vont payer une part et que les sommes perçues seront bonifiées, les tensions demeurent vives et l’intimidation se poursuit contre les étudiants porteurs de la révolte qui a éclaté, Plaza Italia, le 18 octobre. À ce jour, ce sont une trentaine de personnes qui ont été tuées et plus de 2000 autres blessées.

Bien qu’il ait résolu de lâcher du lest en procédant notamment au gel des tarifs d’électricité de 55 à 60 %, la cote de popularité de Sebastian Piñera frôle le plancher. Son gouvernement de droite est critiqué pour sa gestion chaotique de cette crise sociale qui a révélé ses pratiques malsaines.

En contexte de pandémie, même si les manifestants sont moins visibles dans les rues, le ressentiment est profond pour ce peuple désormais sous la loupe de la Commission des droits de la personne des Nations unies et d’autres organisations de défense des droits de l’homme qui rapportent les moindres cas d’abus.

Les Chiliens doivent voter en octobre pour se prononcer à nouveau sur la constitution qui régit leur pays depuis le règne d’Augusto Pinochet. Plusieurs experts s’attendent à ce qu’ils saisissent cette occasion pour proposer des réformes profondes qui vont véritablement inscrire leur pays dans la modernité.

Avec des informations du Centre international de solidarité ouvrière et l’AFP.

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