The Dispossessed est le titre du nouveau livre de l'américain John Washington. En entrevue avec RCI, l'auteur raconte que son l'intérêt pour les demandeurs d'asile a une origine très personnelle. Cependant, le contexte actuel ne lui laissait pas le choix d’en parler.  (Photo : Des Syriens (kurdes) dans un camp de réfugiés à Suruc, Turquie. Ces réfugiés originaires de Kobane se sont enfuis après une attaque du groupe armé État islamique. ©RadekProcyk / iStock)

70 millions de réfugiés au monde, 70 millions de dépossédés : John Washington

L’idée de base de l’asile est simple. Quelqu’un vient à votre porte parce qu’il est en danger, parce qu’il a peur. Vous ouvrez votre porte, et vous partagez votre toit. Mais dans cette simplicité se cache un labyrinthe, croit John Washington. 

Cet auteur américain a récemment publié The Dispossessed, un récit qui raconte la quête de sécurité d’une famille. Le texte emmène le lecteur à travers la séparation des familles et la crise mondiale croissante des réfugiés.

En conversation avec RCI, John Washington raconte que son intérêt pour les demandeurs d’asile a une origine très personnelle, mais que le contexte actuel ne lui laissait pas le choix d’en parler.

Ma famille, comme beaucoup d’autres, a une histoire récente de migration. Ma mère a fui la Roumanie avec ses parents quand elle était adolescente. Ils n’étaient pas des réfugiés en tant que tels, mais leur famille en Roumanie a subi une disparition forcée, la torture, la dépossession de leurs terres, un emprisonnement prolongé et l’oppression du gouvernement. Avec des amis de la famille, ils m’ont raconté des histoires de personnes qui ont fui péniblement en quête de liberté et de sécurité. Alors que je commençais à atteindre ma maturité politique aux États-Unis, j’ai été très surpris d’apprendre que les histoires de ma famille ressemblaient tellement à celles de personnes fuyant une oppression similaire en Amérique centrale, au Mexique et ailleurs. J’ai commencé à faire du bénévolat et à écrire sur l’immigration aux États-Unis et j’ai vu de mes propres yeux les histoires de personnes en quête de sécurité qui, tout en défendant les droits de l’homme les plus fondamentaux, ont dû faire face à des difficultés, à la souffrance et à la mort.John Washington

Page couverture du livre The Dispossessed, de John Washington avec qui RCI a parlé récemment. (Image : Verso Books)

L’intérêt pour les réfugiés vient aussi, nous a-t-il dit, du fait qu’il y a plus de 70 millions de personnes déplacées dans le monde, et que ce nombre va augmenter très rapidement.

Pour John Washington, la question de savoir comment nous réglementons les frontières et comment nous acceptons les personnes qui s’enfuient pour sauver leur vie, en quête de dignité et de sécurité, deviendra de plus en plus critique.

Le XXe siècle a été appelé le siècle du réfugié par la poétesse russe Anna Akhmatova, nous a rappelé Washington. Mais, c’est le XXIe siècle qui pourrait bien éclipser le siècle précédent en matière de nombre de personnes déracinées et dépossédées, croit-il.


Outre la lutte contre les changements climatiques, l’une des questions les plus urgentes auxquelles nous sommes soumis est de savoir comment maintenir l’habitabilité de ce monde pour une population croissante, affirme John Washington.

Dans son livre, l’auteur parle des contextes historique, littéraire et politique actuels qui préparent le terrain pour les crises de l’immigration et des réfugiés. En plus, il explique les origines anciennes de l’hospitalité.

Il retrace l’essor du droit d’asile chez les Grecs de l’Antiquité, les premières traditions religieuses, les accords internationaux du XXe siècle et les promesses non tenues des politiques américaines actuelles en matière de réfugiés.

Les réfugiés et le coronavirus

Région du Beawar, Rajasthan, Inde, le 19 avril 2020 (Photo : Sumit Saraswat / iStock)

Refugees International, une organisation qui se consacre au soutien des personnes déplacées et des réfugiés dans le monde, estime que les plus de 70 millions de personnes déplacées de force (réfugiés, demandeurs d’asile, personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et autres migrants forcés) sont parmi les plus vulnérables au coronavirus.

John Washington croit lui aussi qu’en temps normal, ces personnes sont les personnes les plus vulnérables de la planète. Mais, nous ne sommes pas en temps normal, dit-il.

  Rester en vie, manger à sa faim, avoir un toit au-dessus de la tête, s’arracher quelques heures de sommeil, éviter les voleurs ou les policiers ou les gardes-frontières, voilà quelques-unes des principales préoccupations des migrants forcés. Regardez les familles qui ont fui le nord de la Syrie cette année : près d’un million de nouveaux réfugiés depuis décembre, dont beaucoup souffrent du froid, chassés par les bombes, certains emportant littéralement leur maison avec eux.

Ou encore, regardez la frontière du nord du Mexique : les camps de réfugiés de facto où des milliers de personnes se sont rassemblées dans des conditions sordides pour attendre leur chance de déposer une demande d’asile. Ajoutez à cela un virus extrêmement contagieux et mortel, et nous pourrions assister à une mort massive encore plus importante que les prédictions les plus pessimistes.John Washington

Région du Coahuila, Mexique, le 16 juin. Un groupe de migrants d’origine centraméricaine attend sur la voie ferrée pour monter dans un train de marchandises, connu sous le nom de « La Bête », afin de se rendre à la frontière des États-Unis et du Mexique, entre les États de Coahuila (Mexique) et du Texas (États-Unis). (© Photo Beto iStock)

Dans le contexte de la crise de la COVID-19, le Canada a fermé la frontière aux réfugiés arrivant des États-Unis. Pour cet intellectuel, le Canada n’est pas le seul à le faire.

Soyons clairs, le Canada est signataire de la Convention sur les réfugiés de 1951 et du Protocole de 1967, qui ne prévoient pas d’exclusion, en temps de guerre, de crise économique ou de pandémie, pour l’accueil et la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile. Il est intéressant de noter que le Canada et les États-Unis ont tous deux refusé de signer à l’époque la Convention; le Canada a tenu bon jusqu’en 1969, soit un an après la signature des États-Unis.

Les réfugiés et les demandeurs d’asile, comme je l’ai déjà mentionné, sont aujourd’hui plus vulnérables que jamais. Je comprends la crainte de la contagion, d’autant plus que nous recevons tous l’ordre de nous enfermer et de nous isoler autant que possible pour nous protéger et protéger nos communautés. Mais ce virus n’a pas été propagé par des migrants ou des réfugiés, mais par les flux de capitaux mondiaux et par les voyages d’affaires et de tourisme.John Washington

Pour cet auteur, en temps de besoin et de peur, nous devons nous mobiliser pour protéger les plus vulnérables, et non leur claquer la porte au nez.

À son avis, le Canada pourrait suspendre ou résilier son accord sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis, qui interdit aux demandeurs d’asile qui passent par les États-Unis de présenter une demande au Canada, et, avec l’ONU, commencer à réinstaller ces réfugiés, comme il l’a fait lorsqu’il a reçu 30 000 réfugiés syriens en 2015.


John Washington écrit sur l’immigration et sur la politique frontalière, ainsi que sur la justice pénale, la photographie et la littérature.

Il est également traducteur. Il a notamment traduit en anglais les auteurs latino-américains Oscar Martinez, Anabel Hernandez et Sandra Rodriguez Nieto.

Son livre The Dispossessed, sur l’histoire mondiale de l’asile, a été publié par Verso Books en février 2020. 

Catégories : Immigration et Réfugiés, International, Société
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