En Ontario, à compter de la phase trois, les restaurants et les bars peuvent accueillir des clients à l'intérieur. Seule la région de Windsor n'est pas encore passée à cette phase dans la province. PHOTO : GETTY IMAGES / LEO PATRIZI

Registre des clients dans les bars et les restaurants : fin de l’anonymat?

Le déconfinement se poursuit au Canada avec la reprise des activités et la possibilité de se rassembler en plus grand nombre. Ces modalités changent toutefois d’une province à l’autre, mais une mesure semble séduire de plus en plus de gouvernements : un registre des clients pour les bars et les restaurants. Vendredi, le gouvernement ontarien s’est joint au Québec et à la Colombie-Britannique pour exiger la tenue d’un tel répertoire.

Ainsi, selon les principes dictés par le parlement à Queen’s Park, « les bars et les restaurants (ainsi que les exploitants de croisières en bateau) en Ontario auront l’obligation de conserver un registre des clients pendant une période de 30 jours et de divulguer sur demande ce registre au médecin hygiéniste ou à un inspecteur en vertu de la Loi sur la protection et la promotion de la santé, ce qui favorisera le dépistage des cas et des contacts. »

Cette nouvelle mesure demande aux commerçants ontariens un nouvel ajustement, mais la plupart d’entre eux croient qu’elle sera assez facile à appliquer.

« On dirait que chaque semaine, on a une nouvelle liste de protocoles à suivre. Certains sont raisonnables, d’autres moins, mais on est toujours capables de trouver une solution mitoyenne pour la plupart d’entre eux », confie le propriétaire du Blue Cactus Bar & Grill, Bob Firestone.

« On espère que le monde sera coopératif avec ce qu’on demande. Je pense que c’est une bonne chose pour nous autres et le public. On l’a vu avec les masques, les gens sont assez partants », estime le gérant adjoint au restaurant King Eddy à Ottawa, Johny Bonney.

Le maire de Toronto, John Tory, avait imposé la tenue d’un registre pour les bars et les restaurant de sa ville dès le 29 juillet, soit deux jours avant que le gouvernement de Doug Ford l’étende à l’ensemble de la province. PHOTO : CBC

À Toronto, la porte-parole de la Santé publique de la ville, Vinita Dubey, a affirmé que les informations nécessaires à l’inscription du registre peuvent même être collectées dès le moment des réservations.

« Dès que nous prenons connaissance d’un cas de COVID-19, nous agissons pour faire un suivi immédiatement », a souligné Mme Dubey en rappelant que ces établissements représentent un risque de contagion élevé.

Déjà à la mi-juillet, le maire de Toronto John Tory avait réclamé la tenue d’un registre des clients et d’autres mesures restrictives pour limiter les éclosions de COVID-19 dans les bars et les restaurants. Mercredi dernier, il avait annoncé des mesures restrictives pour les établissements de sa ville, dont la tenue d’un registre de clients. Deux jours plus tard, le gouvernement de Doug Ford a étendu cette obligation à l’ensemble de la province.

Québec

Au Québec, cette mesure est déjà en place depuis bientôt un mois. Récemment, un nouveau site Internet a été lancé pour permettre aux propriétaires des bars et des restaurants de tenir leur registre.

Le site qui peut servir de registre en ligne compte au moins 150 entreprises québécoises dans son répertoire. PHOTO: Capture d’écran

Cette plateforme a été créée par la firme de marketing Lanla. Volontaire et gratuite, elle a été bien accueillie par le milieu et compte déjà près de 150 entreprises inscrites à ses services.

« Si jamais il y a un cas de COVID qui est déclaré par la santé publique où il y a un client qui était sur place à une date donnée, l’établissement va nous contacter et on va lui donner la base de données de cette journée pour qu’il puisse contacter ses clients, soit par courriel ou par téléphone, pour les avertir d’aller se faire tester », explique Mario Beaulieu, le vice-président de Lanla.

La tenue d’un registre des clients fait partie d’une série de mesures prise pour resserrer la vis à ces établissements après plusieurs éclosions au début du mois de juillet.

Colombie-Britannique

Tout comme au Québec et en Ontario, les bars et les restaurants de la Colombie-Britannique doivent recueillir les données personnelles de leurs clients et les conserver pendant 30 jours.

Un restaurant de Vancouver a d’ailleurs décidé de ne prendre que les réservations afin de faciliter la collecte des données exigée par la santé publique.

« Heureusement, nos clients ont été très compréhensifs. Certains clients étaient impatients de sortir, alors ils aiment notre plan », dit la fondatrice du restaurant Acorn, Shira Blustein.

La province s’est déjà servie d’un tel registre de réservations, notamment pour contacter des clients en cas d’épidémie d’origine alimentaire, selon le président de la division des maladies infectieuses de l’Université Queen’s, à Kingston, Gerald Evans.

« Ce n’est pas un précédent dans le secteur de la restauration que la santé publique joigne les commerçants et obtienne ce genre d’informations », souligne-t-il.

Vie privée et anonymat

Des questions sur le respect de la vie privée se posent avec la tenue d’un tel registre. Selon la titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politiques et droit de l’information, Teresa Scassa, avec ce registre, il n’est plus possible de sortir dans un bar ou un restaurant de façon anonyme.

« Pour beaucoup de gens, les registres ont des implications avec leur vie privée et leur liberté d’association », explique celle qui est aussi professeure à l’Université d’Ottawa.

Teresa Scassa, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l’information (archives)
PHOTO : RADIO-CANADA

Cela dit, elle comprend la décision du gouvernement et souligne que tout est une question d’équilibre : « Nos droits fondamentaux [de la Charte canadienne des droits et libertés] sont toujours soupesés contre l’intérêt public. Et dans ce cas-ci, l’intérêt public, c’est de limiter la propagation de la COVID-19. »

Pour sa part, Mario Beaulieu dit prendre le respect de la vie privée et la protection des renseignements très au sérieux.

« Les données des clients inscrits au registre sont conservées pendant 30 jours. Nos serveurs sont sécurisés, c’est nous uniquement qui avons accès à l’information […] Après 30 jours, on détruit les informations sur chacun des clients », soutient-il.

Pour l’expert en cybersécurité Steve Waterhouse, avec la politique de confidentialité de la plateforme développée par Lanla, les informations collectées peuvent servir à des fins promotionnelles.

« Quand on regarde au-delà de l’idée fondamentale, il reste quand même que ce serait une compagnie de marketing qui détient toutes les données et qui peut à ce moment-là s’en servir à d’autres fins de statistiques, toujours évidemment avec le consentement de la personne qui utilise la plateforme », fait-il remarquer.

– Avec les informations de La Presse canadienne et de Radio-Canada

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