Des organisations comme la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec (FTQ) interpellent Québec sur l’urgence d’un plan d’action pour redynamiser la Loi 101, alors que le bilinguisme et l’anglais se positionnent désormais comme les langues de travail dans plusieurs régions de la province. Crédit : Istock

Bilinguisme comme condition d’embauche au Québec : le gouvernement mécontent

L’Office québécois de langue française (OQLF) a publié les résultats de son Enquête sur les exigences linguistiques auprès des entreprises, des municipalités et des arrondissements de Montréal.

Cette enquête, réalisée par l’Institut de la statistique du Québec, révèle que le bilinguisme et surtout la connaissance de l’anglais jouent un rôle prépondérant dans les conditions d’embauche chez plusieurs employeurs de la région.

Dans un contexte où la langue française est considérée comme un instrument d’affirmation de l’identité du Québec au Canada, dans un contexte nord-américain à forte dominance anglophone, ce constat suscite des inquiétudes chez les politiciens et les organisations qui militent pour la préservation du français.

Le premier ministre François Legault a été parmi les premières personnalités qui ont réagi aux résultats de cette étude. « Les données reçues aujourd’hui de l’OQLF sont très préoccupantes », a-t-il dit.

À son arrivée au pouvoir, le 1er octobre 2018, M. Legault a fait de la défense de la langue française un des objectifs centraux de sa politique. Il a ainsi concentré ses efforts sur la francisation des immigrants et sur l’instauration des cours de français obligatoires pour tout nouvel arrivant.

Selon l’enquête, 50 % des municipalités ou des arrondissements ont émis le souhait d’embaucher des travailleurs qui ont des compétences linguistiques tant en français qu’en anglais, ou en anglais uniquement.

François Legault s’est offusqué du fait que les employeurs acceptent des candidats qui ne maîtrisent que l’anglais, parce que c’est une situation inacceptable.

Au Québec, 23,5 % des municipalités seraient sur la même longueur d’onde que Montréal, où 63 % des employeurs se pencheraient plus positivement vers des candidats qui ne maîtrisent que l’anglais comme langue de communication.

Ces tendances de l’enquête viennent en quelque sorte susciter un questionnement sur l’efficacité de la Loi 101 qui est censée assurer un meilleur positionnement de la langue française au Québec et au sein du Canada. 

Conformément à la Charte de la langue française (Loi 101), l’Office québécois de la langue française a pour mission entre autres de surveiller l’évolution de la situation linguistique au Québec et d’en rendre compte aux cinq ans au ministre responsable de la langue française. C’est ainsi qu’après réception des résultats de l’enquête, Québec a résolu de bonifier la loi. Proposée par Camille Laurin en 1977, « cette loi fait de la langue française la loi de l’État et des tribunaux, la langue normale et habituelle au travail, dans l’enseignement, dans les communications, dans les commerces et dans les affaires partout au Québec. (Source : encyclopédie canadienne)

La classe politique, surtout au sein des partis nationalistes comme la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault, et le Parti québécois, s’est montrée préoccupée par les résultats de cette enquête.

C’est ainsi que Simon Jolin Barette, le ministre responsable de la langue française, a indiqué, sur son compte Facebook, qu’il est « anormal qu’un travailleur ne puisse pas travailler en français, chez lui, au Québec », étant donné qu’il s’agit d’un « droit fondamental ».

L’étude a permis de rendre compte des exigences exprimées par un échantillon de 2460 établissements, représentatif de l’ensemble des 97 528 entreprises québécoises employant 5 personnes et plus, ainsi que des exigences formulées par les 181 municipalités québécoises de plus de 5000 habitantes et habitants et les 19 arrondissements de Montréal.

Voici les autres grandes tendances de cette étude :

– 39,8 % des entreprises québécoises ont exigé ou souhaité que la personne embauchée ait des compétences linguistiques en anglais pour le dernier poste pourvu en 2018. Sur l’île de Montréal, ce pourcentage s’élève à 62,9 %.

– 23,5 % des municipalités du Québec et des arrondissements de Montréal ont exigé ou souhaité des compétences en français et en anglais ou seulement en anglais à l’embauche. Sur l’île de Montréal, 50 % des municipalités et des arrondissements ont recherché des personnes ayant des compétences en français et en anglais ou en anglais seulement.

Parmi les raisons invoquées pour exiger ou souhaiter la connaissance d’une langue d’embauche, l’enquête révèle que les employeurs souhaitent que les candidats puissent nécessairement communiquer oralement à l’intérieur de l’organisation. Ainsi :

  • 48,9 % des entreprises ont exigé ou souhaité des compétences en français;
  • 21,2 % des entreprises du Québec ont exigé des compétences en anglais pour cette raison, contre 41,4 % sur l’île de Montréal;
  • pour ce qui est de l’ensemble des municipalités et des arrondissements, 7,5 % ont exigé ou souhaité que la personne embauchée ait des compétences en anglais pour communiquer oralement dans l’entreprise, contre 20 % sur l’île de Montréal.

Plus du quart (27,8 %) des entreprises du Québec ont exigé ou souhaité des compétences linguistiques en anglais pour assurer les communications extérieures de l’organisation, contre 21 % pour les municipalités et les arrondissements. (source : Office québécois de la langue française)

Frayeurs à la FTQ

Considérée comme l’une des plus grandes centrales syndicales du Québec, avec ses 600 000 travailleurs et travailleuses, la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec (FTQ) a dit sa déception en face de telles observations.

Sans toute fois s’étonner des conclusions, la FTQ a souligné que l’échantillonnage en ce qui concerne le nombre d’employeurs qui ont été interrogés est assez représentatif pour refléter fidèlement un portrait juste de la situation de la langue française dans les affaires au sein des municipalités québécoises.

« Ça fait longtemps que nous mettons les gouvernements en garde contre l’anglicisation de la métropole et du Québec. Malheureusement, les gouvernements précédents ont trop longtemps croisé les bras et détourné les yeux en espérant que le problème de l’anglicisation du Québec disparaîtrait comme par magie. Tout ça, c’est le résultat d’un laisser-aller accablant », dit le secrétaire général de la FTQ, Denis Bolduc, dans un communiqué.

« Comment pouvons-nous conserver le statut de Montréal comme deuxième plus grande ville de langue française au monde si 50 % des municipalités et des arrondissements montréalais font du bilinguisme ou de la connaissance de l’anglais seulement une exigence à l’emploi », lance le secrétaire général.

M. Bolduc indique qu’une telle tendance devrait sonner le réveil dans la province et inciter à prendre des mesures orientées vers la dynamisation de la langue française afin de redonner au Québec le respect et la place qui lui reviennent dans le Canada. Ainsi, il a directement interpellé le ministre responsable de la langue française sur l’importance d’agir concrètement.

« Il est anormal qu’un travailleur ne puisse pas travailler en français, chez lui, au Québec. Nous attendons avec impatience le futur plan d’action du gouvernement de la CAQ à ce sujet », a conclu le secrétaire général.
Avec des informations de l’Office québécois de la langue française et de la FTQ.

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