La collaboration internationale permet de créer un gel pour les mains à moindres coûts et d’œuvrer en même temps à la préservation de l’environnement. Crédit : Istock

Gels hydroalcooliques à base de rejets domestiques et industriels

C’est le fruit d’un partenariat qui remonte à 2014 entre des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS, Québec, Canada) et de l’Institut national polytechnique Houphouët Boigny (INPHB, Yamoussoukro, Côte d’Ivoire).

Ce partenariat entre les chercheurs canadiens Patrick Drogui et Rajeshwar Tyagi et leurs collègues ivoiriens Yao, Adouby, Soro, Aw et Yaya met en commun leur expertise pour créer un programme de formation en génie de procédés industriels (FGEPro) pour le traitement et la valorisation des rejets agricoles et agro-industriels en produits à haute valeur ajoutée.

Selon les chercheurs, ce partenariat sera bénéfique pour les pays en développement à plus long terme, en raison du défi que représentent le traitement et la gestion des déchets avec une démographie en hausse.

Leurs travaux visent notamment à une gestion plus saine et plus respectueuse de l’environnement de ces déchets, car en général dans ces pays, ils sont rejetés dans la nature sans traitement.

Grâce à la recherche, les résidus sont récupérés, traités et exploités de manière à les rendre utiles. C’est ainsi que les chercheurs récupèrent par exemple les pommes de cajou et la mélasse, entre autres, en vue d’un traitement industriel pour en faire de nouveaux produits : bioplastiques, biopesticides, biocarburants, biofloculants, etc.

C’est une avenue à haute valeur ajoutée pour les pays émergents qui peuvent en tirer des retombées économiques, sociales et environnementales.

La formation joue également un rôle important dans ce partenariat. On inclut ainsi la main-d’œuvre locale dans le processus de récupération, de traitement et de valorisation des déchets.

La COVID-19 impose de nouvelles perspectives

Cette pandémie pose de nouveaux défis au système de santé parce que la demande en matériels et en équipements de protection et de traitement devient de plus en plus importante dans le monde.

Ayant saisi l’urgence d’agir en Afrique, les chercheurs vont rapidement procéder à un ajustement de leurs travaux pour produire de l’éthanol à partir de déchets agricoles et industriels, dans le but de fabriquer des gels hydroalcooliques.

Au plus fort de la pandémie dans les premiers mois de l’année 2020, en raison de la forte demande, on a constaté une pénurie de ces produits partout dans le monde. Grâce aux travaux de recherche en Côte d’Ivoire, plusieurs familles peu nanties dans certaines régions du pays ont pu compter sur cette expertise locale pour s’approvisionner gracieusement en ces produits essentiels pour la désinfection des mains.

« L’usage fréquent des gels désinfectants hydroalcooliques fait partie des gestes-barrières pour limiter la propagation de la COVID-19 », souligne Patrick Drogui.

Les chercheurs reconnaissent qu’ils n’ont pas, du moins pour le moment, de données sur l’impact de l’utilisation des gels hydroalcooliques dans la prévention de la COVID-19 en Côte d’Ivoire. Bien qu’ils n’aient pas réalisé de production à grande échelle, ils espèrent que leurs produits conquièrent le marché dans la sous-région.

« Après avoir fait la preuve du concept en laboratoire, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que la mise en place d’une opération à grande échelle pourrait contribuer au renforcement de l’économie locale », affirme M. Drogui.

La pomme de cajou est produite avec la noix de cajou. La noix de cajou est un aliment, alors que la pomme de cajou est très peu valorisée. La mélasse est un sous-produit généré lors de la transformation de la canne à sucre. Plusieurs milliers de déchets de pommes de cajou et de mélasse produits en Côte d’Ivoire restent inexploités, alors que ces déchets peuvent être utilisés comme source de carbone d’azote et de minéraux pour la production de bioproduits, tels que l’éthanol utilisé comme ingrédient principal dans la fabrication de gel désinfectant hydroalcoolique (Source : communiqué)

Les chercheurs se sont servis de leurs travaux initiaux pour créer un nouveau produit essentiel en période de crise sanitaire. Ils ont fait du bioéthanol qu’ils utilisaient dans la production de biocarburants l’ingrédient de leur gel hydroalcoolique.

« Nous demeurons dans les objectifs du projet avec une petite réorientation pour répondre à un besoin pressant de la population locale en utilisant un produit de base (bioéthanol) initialement ciblé dans notre projet. Cette flexibilité est un atout au projet. Nous avons même reçu l’appui et l’approbation du CRDI pour cette flexibilité. » – Patrick Drogui.

La production du gel hydroalcoolique n’a pas nécessité de fonds supplémentaires, étant donné que les chercheurs n’ont procédé à aucun changement majeur dans leur démarche, mais ils ont simplement ajouté un nouveau produit à la liste de bioproduits.

La production de ce gel ne nécessite pas de gros investissements. Les chercheurs sont allés eux-mêmes sous les arbres pour ramasser les résidus de pommes de cajou, ainsi que dans les industries pour récupérer les résidus de mélasse.

Ces deux ingrédients ont été pressés pour former un jus. Après sa fermentation et sa distillation, on obtient de l’éthanol, ingrédient de base dans la fabrication des gels hydroalcooliques.

« L’équipe composée de membres issus d’horizons diversifiés permet de capitaliser sur les expertises complémentaires. Cette expertise locale pourrait être mise à profit en dehors de la Côte d’Ivoire en vue de poursuivre la production et alimenter le marché local en gel désinfectant hydroalcoolique. Il faudrait bien sûr plus de moyens financiers pour poursuivre nos opérations à grande échelle et alimenter le marché dans la sous-région. » – Patrick Drogui

Lire aussi :

Des désinfectants pour les mains pourraient présenter des risques

Catégories : Économie
Mots-clés : , , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.