Lors d'une conversation téléphonique enregistrée, le 7 février, et dont un extrait a largement été diffusé mercredi, Donald Trump déclare à Bob Woodward qu'il minimise auprès des Américains les risques du coronavirus parce qu'il ne veut pas provoquer de panique. Les deux dirigeants en mars 2018. (Jonathan Ernst/Reuters)

Coronavirus : Justin Trudeau a-t-il lui-même alerté les Canadiens à temps?

Le président américain Donald Trump savait dès le début de février que la COVID-19 était beaucoup plus mortelle que la grippe avant qu’elle frappe son pays, mais il a préféré se taire. Il voulait minimiser la crise, selon un nouveau livre du réputé journaliste américain Bob Woodward. Une enquête est en cours au Canada pour savoir si le gouvernement fédéral a lui-même réagi assez rapidement et a suffisamment alerté les Canadiens des dangers réels du coronavirus.

Il y a deux jours, CBC News révélait que la ministre canadienne de la Santé, Patty Hajdu, a ordonné un examen indépendant du Réseau mondial canadien d’information sur la santé publique (RMISP) en réaction aux affirmations de certains scientifiques selon lesquelles leurs alertes précoces sur la menace de la COVID-19 ont été ignorées ou insuffisamment prises en compte par les cadres supérieurs de l’Agence de santé publique du Canada.

L’unité de surveillance et d’analyse mise sur pied par le gouvernement fédéral a pour mandat d’alerter les hauts fonctionnaires du pays sur les risques sanitaires qui surgissent dans le monde entier en compilant les rapports de médias et d’autres sources de renseignements.

Créée dans les années 1990, elle doit en principe servir de système d’alerte rapide pour le Canada. Elle avait notamment établi la menace posée par l’épidémie de SRAS en 2003 dans la région de Toronto et celle liée à la grippe H1N1 en 2009.

La ministre de la Santé Patty Hajdu avait déclaré, en avril dernier, que l’évaluation de la gestion de la pandémie par le gouvernement serait « le travail des historiens et des analystes de la santé publique post-pandémie ». (Sean Kilpatrick/La Presse Canadienne)

L’attention du RMISP aurait été détournée

Des données indiquent que le RMISP a signalé la présence du coronavirus à Wuhan, en Chine, dès la fin du mois de décembre 2019.

Le Globe and Mail a fait état pourtant récemment de préoccupations internes quant à l’efficacité de ce système de notification après que des changements apportés en 2018 et 2019 auraient apparemment détourné l’attention du réseau de la surveillance des tendances sanitaires mondiales pour lui confier un rôle plus national.

Le journal anglophone rapportait qu’une équipe d’analystes avait été réaffectée l’année dernière à d’autres tâches au sein du gouvernement, un changement qui a conduit à la fermeture partielle d’un système spécial de surveillance et d’alerte.

En avril, CBC News avait également fait part de préoccupations concernant la diffusion des alertes du réseau, qui n’était pas aussi large que lors des crises sanitaires précédentes.

Le ministère canadien de la Santé a ordonné une enquête

« Nous étions inquiets d’apprendre que les analystes du RMISP avaient le sentiment de ne pas pouvoir poursuivre leur important travail, et que certains scientifiques ne se sentaient pas pleinement responsabilisés. C’est pourquoi nous avons ordonné un examen indépendant complet et rapide du RMISP, mené par des professionnels et des experts extérieurs à l’Agence de santé publique du Canada. Cet examen indépendant est une étape importante pour restaurer le RMISP et faire en sorte qu’il puisse continuer à apporter sa précieuse contribution à la santé publique au Canada et dans le monde », a dit un porte-parole de la ministre de la Santé dans un communiqué transmis cette semaine.

Interrogée sur ce dossier, Theresa Tam, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada déclare avoir lu les rapports du RMISP début janvier sur l’épidémie de Wuhan et insiste sur le fait que le système continue de bien fonctionner, malgré certains changements apportés à son mandat l’année dernière.

« Nous traiterons toutes les conclusions et recommandations (de l’enquête) en conséquence », affirme Mme Tam, qui estime que l’expérience de la pandémie laissera derrière elle des leçons qui pourront influer sur les réponses du gouvernement aux futures urgences sanitaires. (LA PRESSE CANADIENNE)

Quand le gouvernement de Justin Trudeau a-t-il su et qu’a-t-il fait?

Le ministre canadien de la défense Harjit Sajjan (CBC)

Selon des informations de CBC News, on sait que le 17 janvier 2020, l’unité médicale du Commandement des renseignements des Forces canadiennes a informé le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan, de l’existence de la COVID-19 en Chine.

Pourtant, il a fallu 10 jours de plus au premier ministre Justin Trudeau pour réunir son groupe de réponse aux incidents afin de planifier la réponse du Canada à la pandémie.

Le gouvernement s’est alors employé à prévenir les Canadiens du danger et à rapatrier des Canadiens qui se trouvaient dans la province de Hubei ou à bord de navires de croisière, tandis que les frontières internationales restaient ouvertes avec un minimum de contrôle.

Aussi tard que le 10 mars, une note d’information rédigée par le ministère de la Santé et préparée pour la ministre Hajdu avant la période des questions au Parlement soutenait que, avec seulement 12 cas signalés dans tout le pays à ce moment-là, « le risque de propagation de ce virus au Canada reste faible pour le moment ». La note précisait également de manière rassurante que le système de santé publique était « bien équipé pour contenir les cas provenant de l’étranger, ce qui limite la propagation au Canada ».

Un mois plus tard, le Canada comptait plus de 21 000 cas, dont beaucoup étaient liés à des voyages en Chine, en Europe et aux États-Unis.

D’autre part, des fonctionnaires qui gèrent la Réserve nationale stratégique d’urgence (RNSU) ont averti dès le début février qu’il y avait une pénurie d’équipements de protection individuels nécessaires pour faire face à une pandémie. Mais il a fallu des semaines au gouvernement fédéral pour signer des contrats pour acheter des respirateurs et des masques utilisés par les professionnels de la santé pour se protéger contre la COVID-19.

Aux États-Unis au même moment

Selon un livre à paraître du journaliste américain Bob Woodward, Rage, Donald Trump savait dès le début de février que le coronavirus était « mortel » et pire que la grippe, même s’il a intentionnellement induit le public américain en erreur en février et en mars sur les risques réels du coronavirus.

Le président américain avait appris lors d’une séance d’information de ses conseillers à la sécurité nationale dès le 28 janvier que le virus présentait une menace sérieuse, selon le livre.

« Ce sera la plus grande menace pour la sécurité nationale que vous connaîtrez pendant votre présidence », lui avait alors déclaré Robert O’Brien, le conseiller du président pour la sécurité nationale, selon Bob Woodward, qui a réalisé 18 entretiens individuels avec le président de décembre 2019 à juillet 2020.

Lors d’une conversation téléphonique enregistrée, le 7 février, et dont un extrait a largement été diffusé mercredi, Donald Trump déclare à Bob Woodward qu’il minimise les risques du coronavirus parce qu’il ne veut pas provoquer de panique.

« Il suffit de respirer l’air et c’est comme ça qu’il se transmet », dit-il au journaliste.

« Et c’est donc très délicat. C’est une question très délicate. C’est aussi plus mortel que même une puissante grippe. »

« C’est un truc mortel », répète le président.

Bob Woodward et Donald Trump (Montage CBC News)

Selon les critiques, la lenteur de la réaction du président et son incapacité à développer une stratégie nationale pour lutter contre le virus ont entraîné plus de décès que nécessaire et des dommages économiques continus dus à la pandémie.

Les États-Unis ont subi plus de 190 000 décès et enregistré plus de 6,3 millions de cas de COVID-19, selon l’Université Johns Hopkins.

Avec une population neuf fois moindre, le Canada a enregistré 134 295 cas à ce jour et déplore le décès de 9197 personnes.

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Le président Donald Trump rencontre le premier ministre Justin Trudeau au G7 à Charlevoix le 8 juin 2018 PHOTO : REUTERS / LEAH MILLIS

RCI avec CBC News, AP et Radio-Canada

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