(Jaison Empson/CBC)

Comment répondre et quoi dire aux sceptiques ou aux cyniques de la COVID-19?

Montréal était à nouveau le théâtre samedi d’une manifestation d’antimasques ou d’individus niant l’existence d’une urgence sanitaire au moment où le Québec et la province voisine de l’Ontario tentent de soustraire leurs populations à une seconde vague de contagion comme celle dans laquelle est maintenant plongée l’Europe.

Manifestants dans les rues de Montréal, le 12 septembre 2020. (Jonathan Montpetit/CBC)

Alors que le gouvernement du Québec annonçait ce jour-là avoir détecté 427 nouveaux cas, près de 4 fois plus qu’au début du mois dernier, des invitations lancées sur les réseaux sociaux appelaient les opposants aux mesures de prévention contre la crise sanitaire à sortir dans la rue dans une dizaine de villes de la province.

À Montréal, à l’heure prévue du rendez-vous, les opposants aux consignes de la santé publique qui s’étaient donné rendez-vous à l’extérieur d’une station de métro n’ont constitué au finale que 13 adultes et 2 enfants. Une poignée d’autres personnes ont rejoint plus tard le groupe qui s’est déplacé vers un petit carré de verdure de Montréal. Cela contrastait avec l’énorme manifestation d’il y a deux semaines. Des milliers d’antimasques et de sceptiques avaient alors déambulé au coeur de la ville.

Malgré leur faible nombre cette fois-ci, le mouvement de contestation est loin d’être marginal. Questionnez vos amis, vos voisins et vos connaissances et vous vous rendez compte rapidement que la méfiance ou la fatigue sont fréquentes par rapport aux messages des responsables de la santé publique et des politiciens. Leurs points de vue dissidents ne sont pas marginaux. Or, selon les experts, pour maîtriser une nouvelle fois la montée du coronavirus, il va falloir un effort collectif basé sur une plus grande écoute de leurs appréhensions.

Le samedi 12 septembre, à Montréal, certains manifestants portaient des pancartes, des t-shirts et des chapeaux dénonçant ce qu’ils appelaient les campagnes de peur du gouvernement québécois, ce qui laisse entendre que le danger de la COVID-19 a été exagéré. (Graham Hughes/La Presse canadienne)

Les risques de la pandémie sont exagérés, selon près d’un Canadien sur quatre

Près du quart des répondants à un sondage en ligne, publié la semaine dernière par la firme Léger et l’Association d’études canadiennes, estime que les responsables de la santé publique aux pays et les politiciens exagèrent les dangers de la COVID-19.

À leurs yeux, non seulement les avertissements quotidiens sont-ils exagérés, mais aussi les mesures proposées pour ralentir la propagation du virus comme la distanciation physique.

D’un point de vue de la santé publique, le plus grand danger provient des plus jeunes qui selon ce sondage sont plus susceptibles que ceux de plus de 55 ans de croire que les déclarations des responsables de la santé sont exagérées.

Paradoxalement, ce sondage révélait aussi une augmentation du pourcentage de Canadiens qui pensent que le pire de la pandémie est encore à venir, soit 45 %.

Cela montre que les Canadiens sont de plus en plus divisés et le risque est celui d’une polarisation des opinions comme celle observée aux États-Unis.

Mieux comprendre les arguments des sceptiques

L’un des coordonnateurs du rassemblement d’antimasques à Montréal samedi était Alexandre Laberge-Goyette. Ce qu’il dénonce, c’est la pensée unique dans le discours public au Québec en ce qui concerne la pandémie.

Selon lui, l’urgence sanitaire a permis aux gouvernements de manipuler les citoyens et de s’octroyer une carte blanche pour effectuer des dépenses non justifiées.

Lors de la manifestation à Montréal du 12 septembre, plusieurs affirmaient que la pandémie fait partie d’un coup d’État international pour accentuer le contrôle sur les citoyens.

Ceux qui croient aux complots sont très présents. Les symboles les plus populaires lors des manifestations, que ce soit sur des t-shirts, des pancartes ou des drapeaux, appartiennent à QAnon, un groupe d’extrême droite née aux États-Unis qui prétend qu’une cabale satanique et pédophile contrôle secrètement le gouvernement américain, voire le monde entier.

QAnon est une théorie de conspiration d’extrême droite née aux États-Unis qui prétend qu’une cabale satanique et pédophile contrôle secrètement le gouvernement américain, voire le monde entier. (Graham Hughes/La Presse canadienne)

Après les sceptiques, les cyniques

Un autre courant semble traverser la société, celui des cyniques. Moins bruyant que le groupe de manifestant antimasques, le comportement de laisser-faire adopter par les cyniques est peut-être plus percutant.

Selon un sondage de la firme Angus Reid, publié il y a un mois, lorsqu’on mesure l’indice de conformité des citoyens aux différentes mesures de santé publique pour ralentir la propagation de la pandémie on retrouve les « propagateurs cyniques » qui représentent 18 % de tous les Canadiens. Ils font peu ou rien pour éviter que les gens dans leur entourage ne tombent malade ou ne meurent.

Ces propagateurs cyniques ont donc élargi leur cercle social ou ne l’ont jamais restreint, ne s’éloignent pas physiquement des autres et sont ambivalents en ce qui concerne le lavage des mains et le port du masque. Ce groupe professe également une aversion évidente pour la manière dont les responsables de la santé publique et les dirigeants politiques ont géré la pandémie.

Quoi répondre? Quels arguments invoqués?

Maya Goldenberg (UY)

Selon Maya Goldenberg, professeure agrégée de philosophie de l’Université York, en Ontario, dont les recherches portent sur les perceptions en santé, ceux qui mettent en doute les directives des autorités de la santé publique et les déclarations de la communauté scientifique sur l’efficacité du couvre-visage ou des vaccins ont une « méfiance plus grande » à l’égard du système dans son ensemble.

Si leurs manifestations antimasques attirent tant les adeptes des théories du complot, c’est que l’opposition au port du masque est probablement la pointe d’un manque de confiance et d’une peur plus large au sein de la population.

« Cela devient quelque chose dans laquelle on peut dépenser son énergie, comme un moyen de manifester une sorte de mécontentement général sur la situation actuelle et un manque de confiance en ceux qui nous disent ce qu’ils pensent que nous devrions faire », affirme Mme Goldenberg.

Cela rappelle les manifestations contre le port obligatoire de la ceinture de sécurité. Mais répondre à ses inquiétudes par des faits scientifiques sur l’efficacité des masques, par exemple, ne suffit pas en 2020.

L’opposition actuelle est exacerbée par les médiaux sociaux qui permettent aux individus d’être facilement confortés en trouvant d’autres personnes qui partagent leurs opinions. Tout cela accélère la désinformation et ralentit les efforts d’éducation des autorités.

Le mois dernier, un sondage de l’Institut national de santé publique du Québec révélait que 26 % de la population ne croyait pas au port du masque ou le trouvait inutile. Qui plus est, 23 % des Québécois croyaient à la théorie du complot qui affirme que le coronavirus a été créé dans un laboratoire. Et 35 % des répondants estimaient que le gouvernement leur cachait des informations.

Les théories du complot sur la COVID-19, comme le fait qu’il soit exagéré ou un complot pour ruiner l’économie, contribuent aux protestations contre le masque au Canada. Elles semblent également jouer un rôle dans les comportements violents en ligne que les experts craignent de voir se répandre dans le monde réel. (Graham Hughes/La Presse canadienne)

Évitez de faire des martyrs et soyons honnêtes?

Les gouvernements du Québec et de l’Ontario ont depuis deux semaines annoncé une augmentation des montants d’amendes pour ceux qui contreviennent aux directives de santé publique. En Ontario, les organisateurs de rassemblements « illégaux » pourraient recevoir une amende de 10 000 $. Les participants se verraient remettre un constat d’infraction de 750 $.

Pourtant, aucun de ces gouvernements n’intervient publiquement en remettant des amendes lors des manifestations antimasques. À ceux qui demandaient récemment s’il comptait intervenir contre les manifestants antimasques, le premier ministre François Legault répondait : « Est-ce qu’on veut faire des martyrs, entre guillemets, de ces personnes-là? »

Son intention est de continuer à tolérer les manifestations, à moins qu’elles ne commencent à nuire à la santé publique. Dans les faits, cette non-intervention expose la difficulté pour nos dirigeants de rectifier la désinformation qui circule sans attirer trop les regards sur ceux qui la diffusent.

Ces mêmes dirigeants n’ont pas transmis eux-mêmes des messages clairs et cohérents au début de la pandémie, ou même en ce moment, sur le port du masque entre autres, à cause d’informations scientifiques limitées ou incomplètes.

Ainsi, au début, les autorités ne recommandaient pas le port du couvre-visage au début de la pandémie, avant de se réviser à ce sujet.

Pour Maya Goldenberg, le meilleur moyen de gagner la confiance de la population est de continuer à lui parler de manière claire et compétente, d’admettre que des erreurs ont été commises et de reconnaître que la recherche n’apporte pas une réponse claire à un sujet donné.

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RCI avec CBC News et La Presse canadienne

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