En 2012, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que la thérapie de conversion constituait une « grave menace pour la santé et le bien-être » des personnes concernées. Les techniques de conversion se sont montrées capables de réduire l’excitation sexuelle déclenchée par des stimuli à contenu homosexuel, mais elles n’ont pas entraîné efficacement une augmentation de la réponse à des stimuli hétérosexuels, et elles n’ont jamais transformé des homosexuels exclusifs en hétérosexuels. (iStock et RCI)

La question des thérapies de conversion expose des divisions parmi les conservateurs

Le gouvernement canadien de Justin Trudeau entend réaliser une promesse électorale de l’automne dernier. Il a déposé au Parlement un projet de loi qui propose un amendement au Code pénal qui interdirait les thérapies de conversion au Canada. Mais ce projet de loi d’un gouvernement minoritaire survivra-t-il intact dans son essence? Les députés conservateurs, très divisés dans ce dossier liant sexualité et religion, tentent d’en diluer la portée.

La thérapie de conversion ou la « thérapie réparatrice » est une pratique popularisée aux États-Unis. Elle consiste à offrir à une personne homosexuelle une thérapie ayant pour but de la transformer en hétérosexuelle. Largement discréditée par les spécialistes de la sexualité et les psychologues canadiens, cette thérapie qui continue d’être imposée à de jeunes gens au pays consiste à essayer de changer l’orientation sexuelle ou l’identité sexuelle d’une personne en lui donnant des conseils, en modifiant son comportement par des punitions ou en lui prescrivant des médicaments, en partant du principe qu’être gai ou transgenre est anormal et peut se guérir.

La Société canadienne de psychologie est fermement opposée à ces thérapies. « La thérapie de conversion ou la thérapie réparatrice peut entraîner des résultats négatifs comme la détresse, l’anxiété, la dépression, une image négative de soi, un sentiment d’échec personnel, de la difficulté à entretenir des relations et le dysfonctionnement sexuel », peut-on lire dans l’énoncé de politique de 2015 de l’ACP.

Elle sera bientôt interdite au Québec où pas plus tard que la semaine dernière le gouvernement provincial a déposé son propre projet de loi en ce sens. Elle.est déjà interdite en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Ontario. Le gouvernement canadien se propose donc maintenant de rendre sa pratique criminelle à la grandeur du pays.

Sexualité et religion : une patate chaude dans les mains des députés conservateurs

Si un courant général d’interdiction de ce genre de thérapie se dessine au pays, le projet de loi du gouvernement canadien expose des divisions profondes au sein de la députation conservatrice à Ottawa.

Lundi, le Parti conservateur a indiqué son intention de proposer un amendement au projet de loi dans une manœuvre de contorsion exposant un fossé qui existe entre les députés de sa base plus conservatrice et ceux de son aile plus modérée.

Éric Duncan (CBC)

Lors du débat en deuxième lecture du projet de loi C-6, Eric Duncan, un député conservateur ouvertement gai, a lancé que les thérapies de conversion constituaient une « pratique terrible, inhumaine et dangereuse » qui doit prendre fin. Il venait d’être précédé au micro par des députés de l’aile socialement conservatrice du parti qui se sont dits inquiets que le projet de loi aille trop loin et rendre illégal, par exemple, le fait pour des leaders religieux ou des parents de parler aux enfants des thérapies de conversion.

La députée conservatrice Cathay Wagantall s’est levée pour sa part pour dire que le projet de loi était inacceptable, car il viendrait restreindre la liberté de choix et d’expression des Canadiens. Un autre député a dit craindre que le projet de loi, tel que rédigé, criminalise la prière.

M. Duncan a donc révélé que son parti chercherait à amender le projet de loi pour s’assurer que l’intention déclarée du gouvernement de ne pas criminaliser les conversations à ce sujet soit explicitement spécifiée dans le texte de la loi.

La question divise à tel point les conservateurs que le nouveau chef du parti Erin O’Toole a annoncé à ses députés qu’ils pourraient voter selon leur conscience et non selon la ligne du parti, phénomène rare dans la vie parlementaire canadienne. Loin d’être une surprise, il concrétise une promesse faite lors de la course à la direction qu’il a remportée cet été en grande partie grâce à l’appui des conservateurs sociaux de son parti. Le chef du Parti conservateur du Canada, Erin O’Toole, se lève pour voter à la Chambre des communes, le 21 octobre 2020. (Photo : Blair Gable /Reuters)

Le Canada ne serait pas le premier pays à criminaliser les auteurs de thérapies de conversion

Depuis 1999, un mouvement s’est amorcé dans le monde pour interdire les thérapies de conversion. L’île de Malte, le Brésil et la Chine l’interdisent déjà, de même que certains États américains.

Si l’amendement au Code pénal canadien est adopté, Campagne Québec-Vie, une organisation antiavortement, a déclaré qu’elle contesterait les changements devant les tribunaux au nom de la liberté religieuse.

« Si une personne se sent mal à l’aise avec son orientation sexuelle, qui est le gouvernement pour lui dire… [qu’elle] n’a pas le droit de changer d’orientation », a déclaré le président de l’organisation, Georges Buscemi, à Radio-Canada.

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Les ministres canadiens de la Justice et de la Santé ont expédié une missive à leurs homologues provinciaux afin d’obtenir leur collaboration pour préparer un projet de loi qui permettrait de criminaliser les thérapies de conversion auprès des mineurs et des adultes, une pratique jugée honteuse et cruelle, notamment par les groupes LGBTQ. Photo : Radio-Canada-RCI-iStock

RCI avec La Presse canadienne et CBC News

Catégories : Politique, Santé, Société
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