Le gouvernement canadien de Justin Trudeau entend réaliser une promesse électorale de l’automne dernier. Il a déposé au Parlement un projet de loi qui propose un amendement au Code pénal qui interdirait les thérapies de conversion au Canada. Mais ce projet de loi d’un gouvernement minoritaire survivra-t-il intact dans son essence? Les députés conservateurs, très divisés dans ce dossier liant sexualité et religion, tentent d’en diluer la portée.
La thérapie de conversion ou la « thérapie réparatrice » est une pratique popularisée aux États-Unis. Elle consiste à offrir à une personne homosexuelle une thérapie ayant pour but de la transformer en hétérosexuelle. Largement discréditée par les spécialistes de la sexualité et les psychologues canadiens, cette thérapie qui continue d’être imposée à de jeunes gens au pays consiste à essayer de changer l’orientation sexuelle ou l’identité sexuelle d’une personne en lui donnant des conseils, en modifiant son comportement par des punitions ou en lui prescrivant des médicaments, en partant du principe qu’être gai ou transgenre est anormal et peut se guérir.
La Société canadienne de psychologie est fermement opposée à ces thérapies. « La thérapie de conversion ou la thérapie réparatrice peut entraîner des résultats négatifs comme la détresse, l’anxiété, la dépression, une image négative de soi, un sentiment d’échec personnel, de la difficulté à entretenir des relations et le dysfonctionnement sexuel », peut-on lire dans l’énoncé de politique de 2015 de l’ACP.
Elle sera bientôt interdite au Québec où pas plus tard que la semaine dernière le gouvernement provincial a déposé son propre projet de loi en ce sens. Elle.est déjà interdite en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Ontario. Le gouvernement canadien se propose donc maintenant de rendre sa pratique criminelle à la grandeur du pays.
Sexualité et religion : une patate chaude dans les mains des députés conservateurs
Si un courant général d’interdiction de ce genre de thérapie se dessine au pays, le projet de loi du gouvernement canadien expose des divisions profondes au sein de la députation conservatrice à Ottawa.
Lundi, le Parti conservateur a indiqué son intention de proposer un amendement au projet de loi dans une manœuvre de contorsion exposant un fossé qui existe entre les députés de sa base plus conservatrice et ceux de son aile plus modérée.
Lors du débat en deuxième lecture du projet de loi C-6, Eric Duncan, un député conservateur ouvertement gai, a lancé que les thérapies de conversion constituaient une « pratique terrible, inhumaine et dangereuse » qui doit prendre fin. Il venait d’être précédé au micro par des députés de l’aile socialement conservatrice du parti qui se sont dits inquiets que le projet de loi aille trop loin et rendre illégal, par exemple, le fait pour des leaders religieux ou des parents de parler aux enfants des thérapies de conversion.
La députée conservatrice Cathay Wagantall s’est levée pour sa part pour dire que le projet de loi était inacceptable, car il viendrait restreindre la liberté de choix et d’expression des Canadiens. Un autre député a dit craindre que le projet de loi, tel que rédigé, criminalise la prière.
M. Duncan a donc révélé que son parti chercherait à amender le projet de loi pour s’assurer que l’intention déclarée du gouvernement de ne pas criminaliser les conversations à ce sujet soit explicitement spécifiée dans le texte de la loi.
Le Canada ne serait pas le premier pays à criminaliser les auteurs de thérapies de conversion
Depuis 1999, un mouvement s’est amorcé dans le monde pour interdire les thérapies de conversion. L’île de Malte, le Brésil et la Chine l’interdisent déjà, de même que certains États américains.
Si l’amendement au Code pénal canadien est adopté, Campagne Québec-Vie, une organisation antiavortement, a déclaré qu’elle contesterait les changements devant les tribunaux au nom de la liberté religieuse.
« Si une personne se sent mal à l’aise avec son orientation sexuelle, qui est le gouvernement pour lui dire… [qu’elle] n’a pas le droit de changer d’orientation », a déclaré le président de l’organisation, Georges Buscemi, à Radio-Canada.
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RCI avec La Presse canadienne et CBC News
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