THE CANADIAN PRESS/Graham Hughes

Discrimination systémique : changement sismique des perceptions des Canadiens

Deux enquêtes d’opinions en une semaine révèlent la présence au pays d’un déclin « important » du nombre de Canadiens qui pensent que le problème de la discrimination aux États-Unis à l’encontre des communautés noires n’est pas un problème ici.

Ces coups de sonde révèlent que les Canadiens se questionnent activement en ce moment sur l’interaction de leurs policiers avec les personnes de couleurs au point où, selon les responsables d’une de ces enquêtes, l’on peut parler de changement sismique dans l’opinion publique canadienne.

Dans cette étude menée par l’Institut Environics de politique sociale, en collaboration notamment avec l’Université d’Ottawa, on note une baisse « spectaculaire » de la proportion de Canadiens qui déclarent que la discrimination à l’encontre des communautés noires et chinoises n’est plus un problème au Canada.

L’étude se fonde sur l’analyse des résultats de deux sondages d’opinion publique réalisés en août et en septembre auprès de 5000 Canadiens. Elle démontre que sur la question du racisme au Canada les opinions de ceux qui s’identifient comme blancs et de ceux qui sont radicalisés ont toutes deux évolué dans le même sens d’une plus grande sensibilité par rapport à la discrimination.

La proportion de Canadiens qui déclarent que la discrimination à l’égard des Sino-Canadiens n’est plus un problème a chuté d’un peu plus de la moitié. En 2019, 63 % des Canadiens ont déclaré que ce n’était plus un problème. En 2020, seuls 31 % des personnes interrogées étaient encore de cet avis. La chute est encore plus prononcée quant à la façon dont les citoyens perçoivent le racisme à l’égard des communautés noires : moins de la moitié des Canadiens, soit 20 %, affirment qu’il n’est plus un problème au Canada. En 2019, 47 % des adultes aux pays étaient de cet avis.

Déclins d’une perception favorable du comportement policier

L’analyse de l’Université d’Ottawa et de l’Institut Environics montre également un déclin au cours de la dernière décennie dans la confiance dans la police locale et la Gendarmerie royale du Canada. Certes, 73 % des Canadiens disent avoir beaucoup ou un peu confiance dans la police. Par contre, en 2010, cette opinion était partagée par 88 % des citoyens.

La chute de confiance envers la police fédérale est plus prononcée encore, allant de 88 % en 2010 à 64 % cette année.

Les responsables de l’analyse citent le large débat public autour de la brutalité policière, les manifestations contre le racisme noir et la publicité faite autour des comportements racistes envers les Canadiens d’origine chinoise dans le sillage de la COVID-19 comme étant le déclencheur probable de ce changement.

En juin, des milliers de manifestants se sont rassemblés dans les plus grandes villes canadiennes pour dénoncer la violence raciste et l’impunité des policiers dans la foulée de la mort de George Floyd à Minneapolis aux États-Unis après qu’un policier blanc ait pressé son genou contre sa nuque. (Photo : Josie Desmarais/iStock)

Deux Canadiens sur cinq ont un « sérieux problème » avec le traitement des gens de couleurs par les policiers

Un autre grand coup de sonde national dont les résultats viennent d’être publiés lundi par la firme Angus Reid confirme un changement dans les perceptions des Canadiens.

Ainsi, 63 % des 5005 adultes canadiens interrogés, tout près des deux tiers, estiment que le racisme systémique est un problème grave, et 73 % affirment que la police au Canada interagit de manière inappropriée avec les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur, au moins une partie du temps.

En fin de compte, tout près de deux Canadiens sur cinq (39 %) disent avoir un « sérieux problème » avec la manière dont la police interagit avec les personnes de couleur. Et 34 % ont déclaré que c’était parfois un problème. Seulement 15 % ont déclaré qu’il n’y avait pas de problème.

Le sondage révèle cependant un clivage d’opinion significatif entre les citoyens des zones urbaines et ceux des zones rurales. Les personnes qui vivent hors des grandes villes sont deux fois moins susceptibles de dire qu’il existe un problème grave dans la manière dont la police interagit avec les Canadiens de couleur dans leur communauté. Près de 30 % des personnes interrogées en milieu urbain estiment qu’il y a un problème grave, alors que seulement 14 % des personnes interrogées en milieu rural sont de cet avis.

Les citoyens des deux plus grandes villes canadiennes s’inquiètent plus que tous les autres. Une plus grande proportion des résidents de la région du Grand Toronto et de Montréal s’inquiète de l’interaction de la police avec les personnes non blanches que dans les villes de l’ouest du pays.

Dans la région du Grand Toronto, 41 % ont déclaré que c’était un problème grave. À Winnipeg, 36 %. À Montréal, 35 %. À Vancouver, 29 %. À Edmonton, 24 %. À Calgary, 23 %.

Cette enquête réalisée du 26 août au 1er septembre 2020 et comportant une marge d’erreur de +/- 1,5 point de pourcentage 19 fois sur 20 révèle un problème aussi de perception par rapport aux interventions de la GRC. Vingt-huit pour cent des Canadiens sont d’accord pour dire qu’il existe un racisme systémique au sein de la GRC, en particulier. Et 27 % des Canadiens ont déclaré que la police fédérale est trop prompte à recourir à la force pour résoudre un problème.

Environ 3500 personnes rassemblées en juin dernier devant la Vancouver Art Gallery pour protester contre la violence policière et le meurtre de George Floyd à Minneapolis. (Darryl Dyck/Canadian Press)

Tout est loin d’être négatif par rapport à la perception des policiers

Cette seconde enquête offre dans les faits un miroir très nuancé des perceptions des Canadiens par rapport à leurs corps policiers.

Elle révèle un pays à la fois critique et favorable aux policiers. À l’exception de la question du traitement des communautés noires et de couleurs par les policiers, les trois quarts des Canadiens ont une opinion favorable des policiers dans leur propre communauté.

En dépit donc des inquiétudes concernant la manière dont les policiers peuvent traiter certains groupes démographiques, 72 % des Canadiens estiment que la police locale est une source de fierté, sentiment partagé par deux tiers des répondants autochtones et des minorités visibles.

Différences entre les villes et les campagnes et entre les provinces

Les habitants des provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan sont ceux qui ont le plus tendance à avoir une perception positive de la police, tandis que l’Ontario compte la plus forte proportion de personnes ayant une opinion plus négative.

Les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, desservis à la fois par la force provinciale, la Royal Newfoundland Constabulary, et la GRC, sont les plus satisfaits au pays à l’égard de leur police (86 %).

Le mécontentement est plus évident lorsque l’on se concentre sur les grandes villes. À Vancouver, Winnipeg, Toronto, Montréal et Halifax, les opinions favorables sont moins nombreuses et les opinions défavorables atteignent un quart ou plus.

Les jeunes Canadiens sont aussi moins susceptibles que les gens plus âgés de voir le travail de leurs policiers de façon positive. Les 18-24 ans, en moyenne, se sentent moins en sécurité lorsqu’ils voient un policier (38 %) que plus en sécurité (32 %), alors que cette tendance est inversée dans tous les groupes d’âge plus âgés.

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RCI avec CBC News, Angus Reid et Institut Environics

Catégories : Autochtones, International, Politique, Société
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