La directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, arrive à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, à Vancouver, le 30 septembre 2020. (Photo : Jonathan Hayward/ The Canadian Press)

Semaine à rebondissements dans le procès de la directrice financière de Huawei

Une décision de justice publiée cette semaine a donné raison à certains arguments de la défense de la directrice financière de Huawei, bloquant ainsi la demande d’extradition de Meng Wanzhou vers les États-Unis. 

Une série de témoignages réalisés aussi cette semaine dans le cadre de l’audience d’extradition a quant à elle mis en lumière des erreurs de la part d’agents frontaliers canadiens.

Dans un jugement publié jeudi par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, la juge Heather Holmes a considéré qu’il y avait « un air de vraisemblance quant aux allégations d’abus de procédure présentées par Mme Meng » et que certaines des preuves que la défense souhaitait faire admettre pour appuyer ces allégations « sont réellement capables de mettre en doute la fiabilité du dossier d’extradition ».

Toutefois, la juge a considéré que ces preuves n’étaient pas suffisantes pour rejeter la demande d’extradition.

Mme Meng et ses avocats ont tenté en septembre de faire admettre en preuves plusieurs documents et témoignages qui montreraient que le dossier d’extradition produit par la justice américaine comporte des faits trompeurs qui auraient induit les autorités canadiennes en erreur.

Son arrestation a mis à mal les relations diplomatiques entre Ottawa et Pékin. Peu après la détention de Mme Meng, la Chine a arrêté deux citoyens canadiens et les a accusés d’espionnage.

Leur détention est largement considérée en Occident comme une mesure de représailles.

Une personne tient une pancarte avec des photos de Michael Kovrig et Michael Spavor, détenus en Chine depuis décembre 2018, lors d’une manifestation en faveur de la démocratie à Hong Kong, à Vancouver, en Colombie-Britannique, le dimanche 16 août 2020. Les deux Canadiens, surnommés « les deux Michaels », sont toujours détenus en Chine, à un moment où Pékin et Ottawa soulignent 50 ans de coopération. (Photo : Darryl Dyck/La Presse canadienne)

Une présentation PowerPoint comme preuve

Meng Wanzhou a été arrêté selon un mandat américain en décembre 2018 alors qu’elle faisait escale à l’aéroport de Vancouver, à destination du Mexique.

Les États-Unis l’ont inculpée de fraude bancaire, l’accusant d’avoir trompé HSBC sur les transactions commerciales de Huawei en Iran, ce qui a amené la banque à enfreindre les sanctions américaines envers l’Iran.

La directrice financière a toujours clamé son innocence et se bat contre les accusations depuis Vancouver où elle est assignée à résidence.

Dans le dossier d’extradition, les autorités américaines ont inclus un ensemble de preuves, dont des diapositives d’une présentation PowerPoint que Mme Meng a montrées à un dirigeant de HSBC à Hong Kong en août 2013.

Ses avocats avancent toutefois que le justice américaine aurait délibérément omis deux diapositives dans le dossier d’extradition.

Ces diapositives montreraient que Meng Wanzhou n’aurait pas cherché à tromper HSBC.

Meng Wanzhou, porte un bracelet électronique à la cheville alors qu’elle arrive au tribunal dans le centre-ville de Vancouver, le vendredi 30 octobre 2020. (Photo : Jonathan Hayward/the Canadian Press)

La seconde preuve avancée par la défense de Mme Weng montre que lorsque les États-Unis ont déclaré que seuls les employés « juniors » connaissaient la véritable relation entre Huawei et sa filiale, les cadres supérieurs de la banque étaient en réalité également au courant.

Face à ces preuves déposées en septembre, la juge Holmes a dit qu’elle permettrait que deux déclarations des diapositives manquantes soient incluses comme preuves dans l’affaire d’extradition.

Elle a également accepté d’autoriser des preuves relatives à la hiérarchie de HSBC pour aider à déterminer qui est junior et qui ne l’est pas.

Les trois ensembles de preuves de la défense

Les avocats de Mme Meng cherchent à mettre en avant trois ensembles qui prouveraient que les allégations sont infondées :

  • les États-Unis auraient omis volontairement d’inclure deux diapositives d’une présentation PowerPoint pouvant innocenter leur cliente et ils auraient menti quant au fait que les cadres supérieurs de HSBC n’étaient pas au courant des transactions commerciales de Huawei en Iran;
  • les droits de leur cliente auraient été violés lors de son arrestation à l’aéroport de Vancouver par les autorités canadiennes ;
  • le président américain Donald Trump a politisé l’affaire en menaçant d’utiliser Mme Meng comme monnaie d’échange pour obtenir un meilleur accord avec la Chine.
Le témoignage des agents frontaliers comme seconde preuve

La décision de Mme Holmes a été rendue publique alors que des agents frontaliers canadiens étaient questionnés cette semaine quant à l’arrestation à l’aéroport de Mme Meng.

Les avocats de la défense cherchent à obtenir des preuves selon lesquelles il y aurait eu un abus de procédure : le fait que ses droits aient été violés au moment de son arrestation.

À son arrivée à l’aéroport de Vancouver, Meng Wanzhou a été interrogée par des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) pendant trois heures, sans représentation légale, avant son arrestation officielle par la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Lundi, mardi et mercredi, l’agent de la GRC qui l’a arrêtée, Winston Yep, était à la barre des témoins. M. Yep a insisté sur le fait que la GRC avait respecté son rôle et n’avait pas donné d’instructions à l’ASFC dans son enquête sur la directrice financière de Huawei.

Les procureurs du gouvernement canadien tentent de prouver que l’arrestation de Mme Meng s’est faite dans les règles, et tout manquement à la procédure ne devrait pas avoir d’incidence sur la validité de son extradition.

Une photo tirée d’une vidéo des premières heures de détention de Meng Wanzhou par l’ASFC. La défense affirme que ses droits ont été violés pendant cette période. (Photo : Cour suprême de la C.-B.)

De mercredi à vendredi, c’était au tour de l’officier de l’ASFC Scott Kirkland d’être interrogé. Selon lui, les agents frontaliers avaient des raisons d’interroger Mme Weng à son arrivée. M. Kirkland a expliqué que le profil de la directrice financière était apparu dans le système interne comme d’importance pour la « sécurité nationale ».

Toutefois, il a admis durant son interrogatoire que ce n’était pas vraiment le cas et qu’il s’était inquiété de possibles violations des droits civils de Mme Meng si lui et ses collègues procédaient à un interrogatoire avant l’arrivée de la GRC. Il n’a cependant pas soulevé ces préoccupations lors de la « discussion précipitée » qui a eu lieu avant l’atterrissage du vol de Mme Meng.

Vendredi, Scott Kirkland a aussi reconnu qu’il avait fait une erreur en donnant les codes d’accès et les détails d’identification des deux téléphones portables et de l’ordinateur de Mme Meng à la GRC.

« C’était déchirant de réaliser que j’avais fait cette erreur », a déclaré M. Kirkland, ajoutant qu’il était  » rouge de honte  » suite à cela.

Les avocats de la défense avancent que leur cliente n’a été arrêtée que pour les charges criminelles à son encontre et non pour espionnage. Ils affirment également que l’ASFC et la GRC ont conspiré avec le Federal Bureau of Investigation (FBI) américain pour monter une enquête criminelle secrète contre Mme Meng en utilisant les pouvoirs extraordinaires de l’agence frontalière pour l’interroger sans avocat.

Les interrogatoires devraient être rallongés durant le mois de novembre, car il reste encore des agents à questionner.

Le procès reprendra ensuite en février 2021 sur ces deux ensembles de preuves ainsi que sur une troisième portée par la défense. Les avocats avancent que le président américain Donald Trump a politisé l’affaire en menaçant d’utiliser Mme Meng comme monnaie d’échange pour obtenir un meilleur accord avec la Chine.

La juge Holmes a noté dans sa décision que si l’un de ces arguments était prouvé, il ne suffirait peut-être pas en soi à faire avorter la procédure d’extradition, mais l’effet cumulatif de tous ces arguments pourrait se traduire par un sursis.

Avec les informations de CBC News, Radio-Canada et Reuters.

Catégories : International, Politique
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