Selon Greenpeace, le Canada n'est actuellement en mesure de recycler qu’un cinquième de ses déchets plastiques. (Photo : scisettialfio/iStock)

Recyclage du plastique : le plan canadien serait voué à l’échec selon Greenpeace

Le Canada est loin d’avoir les ressources nécessaires pour mener à bien son plan « zéro déchet de plastique d’ici 2030 », révèle un rapport de Greenpeace qui dit avoir analysé tous les facteurs dans le processus de recyclage au pays.

Selon l’ONG environnementale, le Canada n’est en mesure de recycler qu’un cinquième de ses déchets de plastique.

Les 32 plus grandes infrastructures de recyclage mécanique et chimique existantes au pays ne seraient capables de traiter, dans le meilleur des cas, que « 17 % des 3,2 millions de déchets plastiques générés annuellement au Canada » selon les analyses de Greenpeace. 

En 2016, seuls 9 % des déchets plastiques du pays ont été recyclés, tandis que la grande majorité s’est retrouvée dans des décharges.

Dans son plan, le gouvernement fédéral espère quant à lui « réutiliser et/ou recycler au moins 55 % des emballages de plastique d’ici 2030 et récupérer 100 % de tous les plastiques d’ici 2040 ».

Pour rendre le recyclage efficace, les firmes de consultation Deloitte et Cheminfo Services affirmaient d’ailleurs en 2019 que le Canada devrait construire plus de 160 nouvelles installations et dépenser jusqu’à 8,2 milliards de dollars pour détourner 90 % des déchets de plastique des décharges.

Cela constitue un projet trop ambitieux et nécessite énormément de fonds, estime Greenpeace.

Le ministre fédéral de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, a annoncé en octobre dernier que le Canada aller bannir six produits en plastique à usage unique d’ici 2021. (Photo : Adrian Wyld / The Canadian press)

Le recyclage chimique n’est pas la bonne solution

Afin de réaliser son objectif, Ottawa dit miser sur l’expansion rapide de technologies avancées de recyclage.

Toutefois, ces innovations, dans le recyclage chimique par exemple, sont loin d’être éprouvées, selon Greenpeace, et ne sont pas la solution à adopter.

« Développer les infrastructures de recyclage chimique à l’échelle industrielle prendrait davantage d’années qu’il n’en reste au Canada pour respecter l’échéance zéro déchet de 2030 », souligne le rapport. 

L’organisme ajoute que le recyclage chimique sert majoritairement à la transformation des déchets plastiques en carburant et que cela ne peut être considéré comme un procédé de recyclage. Selon l’ONG, il s’agit alors d’une utilisation finale non circulaire. 

« Souvent, lorsque [le recyclage chimique] existe, les procédés sont coûteux, difficiles à perfectionner, gourmands en énergie et produisent des déchets inévitables. En tant que tel, il n’est pas circulaire », explique le rapport qui ajoute que ce système de recyclage ne fonctionne pas pour tous les types de plastique.

Greenpeace soulève également l’impact environnemental de ces usines pétrochimiques sur la planète, mais aussi sur la vie des communautés vivant à proximité.

« Les plastiques ne disparaissent pas comme ça, les polluants ne feront que continuer à s’accumuler, tout comme la violence coloniale à Aamjiwnaang », a témoigné Beze Gray, jeune activiste bispirituelle de la Première Nation Aamjiwnaang, auprès de Greenpeace. 

Beze vit près de Sarnia, dans la « vallée chimique » de l’Ontario, où se concentre 40 % de l’industrie pétrochimique canadienne. Il raconte que son environnement est fait d’eaux toxiques impropres à la consommation ou encore de sols contaminés impossibles à cultiver.

L’ONG rappelle ainsi que « la qualité de l’air et la pollution chimique toxique ont été associées à des effets négatifs sur la santé, y compris l’asthme, des maladies pulmonaires et des cancers dans les communautés autochtones vivant en première ligne ».

Un panneau indiquant le centre de ressources de la Première Nation Aamjiwnaang est situé en face de NOVA Chemicals à Sarnia, en Ontario, le 21 avril 2007. (Photo : Craig Glover / La Presse canadienne)

« Perpétuer un mythe »

Greenpeace dénonce aussi les investissements du gouvernement dans la production de plastique vierge tout en promouvant le « mythe du recyclage ».

« On nous a fait croire au père Noël en faisant miroiter aux Canadiens l’idée que le recyclage est une solution viable pour contrer la crise des plastiques », indique Agnès Le Rouzic, chargée de campagne Océans et Plastique pour Greenpeace Canada.

« Pourtant, les conclusions du rapport sont sans appel : malgré une capacité de recyclage des plastiques dérisoire, le gouvernement continue sciemment de perpétuer le mythe du recyclage, tout en versant des millions de dollars de fonds publics aux industries pétrochimiques et plastiques afin qu’elles puissent continuer de produire et de polluer. »

Selon le rapport de Greenpeace, au moins 334 millions de dollars de fonds publics (fédéraux et provinciaux) ont été versés aux producteurs de plastique vierge depuis 2017, et des millions supplémentaires ont été alloués à l’industrie du plastique depuis le début de la pandémie de COVID-19.

À l’inverse, seuls 58,7 millions auraient été attribués aux entreprises œuvrant dans le recyclage, selon le rapport.

Rappelons également qu’à l’heure actuelle, la majeure partie des déchets plastiques est encore traitée par procédés mécaniques conventionnels, ce qui entraîne leur dégradation et nécessite donc un apport constant de matières plastiques vierges issues de combustibles fossiles pour produire de nouveaux plastiques.

« En axant sa stratégie « zéro déchet » sur le recyclage, le gouvernement fédéral semble oublier que le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. »Agnès Le Rouzic, Greenpeace Canada

Des militants de Greenpeace brandissent des lettres géantes intitulées « Stop Plastic » pour protester contre les déchets plastiques sur la place des Héros à Budapest le 30 septembre 2018. (Photo : Attila Kisbenedek/AFP/Getty Images)

Alors que de nombreux pays cherchent à supprimer l’usage des plastiques à usage unique, la crise sanitaire a relancé ce marché avec la production en grande quantité de masques en papier par exemple.

L’organisme environnemental reproche également au gouvernement Trudeau de manquer de transparence quant aux impacts climatiques de la production et du recyclage du plastique.

« De la production à l’élimination, en particulier de la transformation du plastique en carburant et des déchets en énergie (incinération), le plastique pollue et émet des gaz à effet de serre », peut-on lire dans le rapport. « Cela compromet les engagements fédéraux en faveur d’une économie à faible émission de carbone. »

Des recommandations

En somme, le rapport de Greenpeace estime que le gouvernement fait fausse route et « risque d’enfoncer davantage le Canada dans un système linéaire et dépendant des combustibles fossiles qui place les intérêts de l’industrie avant ceux des populations ».

« Il doit mettre un frein aux subventions et à la production de nouveau plastique et mettre en place les conditions qui permettront l’émergence d’une véritable économie circulaire axée sur la réutilisation et sur des systèmes de recharge et de consigne, et ce, dès 2021 alors qu’un budget de relance post-COVID juste et vert est attendu », a déclaré Mme Le Rouzic par voie de communiqué. 

L’ONG demande ainsi qu’Ottawa renforce sa nouvelle approche en investissant dans une « véritable économie circulaire » et en mettant en place des cibles concrètes telles que « des objectifs échelonnés dans le temps pour réduire la production de plastique et pour augmenter le nombre de produits réutilisables dans tous les secteurs ».

Greenpeace exhorte également le gouvernement à travailler de concert avec les communautés, notamment autochtones, qui proposent de nouvelles solutions.

L’organisme demande enfin plus de transparence de la part des ministres, mais aussi des entreprises.

Greenpeace a soumis une version de ce rapport dans le cadre de la consultation publique du gouvernement fédéral sur la gestion des déchets plastiques, le 9 décembre dernier.

Interrogés par Radio Canada International, Environnement et Changement Climatique Canada n’a pas donné de réponse à ce rapport dans les délais impartis.

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Catégories : Autochtones, Environnement et vie animale, Société
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