La Cour suprême du Canada rendra aujourd’hui sa décision sur la constitutionnalité du régime de tarification du carbone du gouvernement fédéral libéral – une décision qui pourrait soit faire dérailler les efforts d’Ottawa pour freiner les émissions de gaz à effet de serre ou conforter le gouvernement de Justin Trudeau dans ses plans.
Pour réduire les émissions et aider le Canada à respecter les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, le gouvernement fédéral a adopté en 2018 une loi qui exige que toutes les provinces prélèvent une sorte de « prix sur la pollution. »
Dans le cadre de cette loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre, Ottawa a d’abord établi des normes nationales de tarification destinées à freiner l’utilisation des combustibles fossiles.
Ottawa a ensuite imposé une taxe sur le carbone aux carburants dans les provinces et les territoires qui n’ont pas établi de régime adéquat à ses yeux de tarification des émissions.
L’Ontario et l’Alberta, dirigés par des gouvernements conservateurs, se sont vu imposer la taxe au carbone d’où l’actuelle contestation devant les tribunaux.
C’est plus que le sort d’une taxe qui se joue
L’enjeu de ce renvoi devant la Cour suprême est de savoir si le gouvernement fédéral a le pouvoir constitutionnel d’insister sur ce type de tarification du carbone à l’échelle nationale – à la fois la taxe sur les carburants utilisés par les consommateurs et le prélèvement de la taxe sur les grands émetteurs industriels.
Les cours d’appel de l’Ontario et de la Saskatchewan se sont finalement rangées du côté d’Ottawa, tandis que les juges de la cour supérieure de l’Alberta ont jugé la loi inconstitutionnelle parce qu’elle empiète, selon eux, sur les compétences provinciales.
Les experts juridiques s’attendent généralement à ce que le plus haut tribunal canadien maintienne la tarification nationale des émissions au nom du principe que cette taxe répond à une » préoccupation nationale » urgente.
La taxe sur la tonne de carbone au Canada pourrait peser 20 fois plus d’ici 10 ans
Le plan fédéral de tarification du carbone – qui exclut le Québec et la Colombie-Britannique parce qu’ils ont déjà leurs propres systèmes de taxe contre la pollution – prévoit en ce moment une augmentation progressive de seulement 10 $ par année pour atteindre 50 $ la tonne de carbone en 2022. Or, une commission recommandait récemment une augmentation encore plus substantielle.
Alors que la nouvelle taxe sur le carbone coûte 30 $ la tonne, la Commission de l’écofiscalité du Canada propose de la faire bondir à 210 $ d’ici 2030.
Ce bond de géant équivaudrait à ajouter par exemple 40 ¢ de plus au litre d’essence à la pompe.
La Commission de l’écofiscalité ajoute que le développement technologique et l’innovation n’ont pas été pris en compte dans son analyse, ce qui veut dire que ses résultats « surestiment probablement l’augmentation requise » de la taxe sur le carbone d’ici une décennie.
Cela dit, la commission est d’avis que « le prix du carbone actuellement en vigueur doit augmenter de manière significative si le Canada veut atteindre sa cible de 2030 ».
Cette commission, constituée d’économistes et d’ex-premiers ministres, a analysé divers scénarios : le régime actuel de tarification sur le carbone, la réglementation extensive et les subventions, puis la réglementation de l’industrie et des subventions. Or, selon elle, si « la hausse du prix du carbone au Canada pouvait se révéler difficile sur le plan politique », il s’agit de la meilleure façon d’atteindre les cibles canadiennes « au coût le plus bas possible pour l’économie ».
La lutte pour savoir si les libéraux ont l’intention d’augmenter la taxe sur le carbone est devenue un enjeu au cours de la récente campagne électorale, Andrew Scheer et ses conservateurs qualifiant cette mesure de « taxe néfaste pour l’emploi » et promettant de la supprimer si elle est adoptée.
Augmentation de la taxe, mais diminution des impôts?
Le coût pour une famille canadienne de la taxe sur le carbone à son niveau actuel de 30 $ est de 360 $. Lorsqu’il a présenté son plan de tarification du carbone, le gouvernement fédéral a offert des rabais pour couvrir ces coûts supplémentaires pour les ménages.
Si la taxe devait atteindre les 210 $ en 2030, la commission estime cependant que « les provinces devraient envisager de réduire l’impôt sur le revenu des entreprises et des particuliers ».
RCI avec CBC News, La Presse canadienne et la contribution de Radio-Canada
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