L’Institut économique de Montréal remet en question la stratégie de transférer les aînés des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) vers les hôpitaux au plus fort de la pandémie de COVID-19. Elle serait à l’origine des nombreux décès. Bien que le gouvernement ait mis temporairement un terme à cette stratégie, l’Institut mentionne qu’elle a entraîné la perte de beaucoup d’aînés.
Sa nouvelle étude met en doute le caractère inévitable de ces morts.
Procédant par comparaison avec la situation des aînés dans des pays semblables au Canada, au cours de cette même période, Peter St-Onge, coauteur de l’étude, observe que « la première chose qui saute aux yeux c’est le nombre de décès liés à la COVID-19 » au Québec.
« En date du 1er mars 2021, 75 % des décès dans la province étaient survenus dans un CHSLD. À titre comparatif, les centres de soins de longue durée comptaient pour 43 % des décès en France, 34 % au Royaume-Uni, et 28 % en Allemagne », a-t-il souligné.
À en croire les auteurs de l’étude, le transfert des aînés aura été une expérience plus périlleuse qu’utile. Y aurait-il eu par la suite un problème d’organisation des soins dans les CHSLD?
Maria Lily Shaw, économiste et coautrice de l’étude, soutient à ce sujet qu’avec un nombre insuffisant d’employés, il est difficile, voire quasi impossible d’intervenir avec efficacité auprès d’une proportion d’aînés beaucoup plus importante.
C’est là qu’elle établit une double distinction avec le système de soins aux aînés dans les trois pays européens mentionnés plus haut.
Il y aurait donc une pénurie de main-d’œuvre, alors qu’on assiste à un surnombre des aînés dans les CHSLD, ce qui nuirait considérablement à la qualité des soins.
« En effet, 9,5 % des aînés québécois habitent dans un CHSLD ou une RPA. Cela se compare à seulement 2 % des aînés en Italie et 3,5 % au Royaume-Uni », a observé Mme Shaw.
M. St-Onge considère que c’était « une erreur » de transférer les aînés des hôpitaux vers les CHSLD.
Peut-on miser sur les services de soins à domicile à l’avenir?
On se souvient qu’à cause de la montée des cas de COVID-19 et des décès dans les CHSLD au Québec et en Ontario, les gouvernements avaient dû faire appel à l’Armée canadienne pour inverser la tendance.
Au terme de leur mission, les soldats avaient rédigé un rapport accablant sur la situation. Une action collective avait été intentée contre l’un des centres québécois et son propriétaire.
Plus d’un an après le début de la pandémie au pays, plusieurs provinces sont aux prises avec une troisième vague. Le Québec et l’Ontario font toujours piètre figure pour ce qui est du nombre de nouveaux cas, du nombre des hospitalisations et de décès liés aux variants.
Le Québec enregistre plus de la moitié des décès liés à la COVID-19 au Canada. Au 7 avril, le Canada compte 23 173 décès, dont 10 718 au Québec. Et 566 personnes sont hospitalisées dans cette province, dont 132 aux soins intensifs. Le nombre de nouveaux cas est monté en flèche jeudi avec 1609, portant le total à 321 411.
L’Institut économique de Montréal note que les aînés des CHSLD restent surreprésentés dans le tableau des décès.
Peter St-Onge croit que s’il y avait eu une distribution des décès liés à la COVID-19 au Québec semblable à ce qu’on a observé en France, au Royaume-Uni et en Allemagne, on aurait pu éviter la mort de 5800 à 6700 aînés.
Dans le même sens, Mme Shaw met de l’avant l’importance de miser sur de meilleurs soins à domicile.
« De meilleurs services de soins à domicile auraient pu permettre d’éviter en partie la situation que Québec a connue », a-t-elle affirmé.
Les deux auteurs ont également montré du doigt l’engorgement du réseau de la santé québécois comme étant un autre facteur aggravant.
Cette situation est à l’origine d’une augmentation des temps d’attente pour se faire soigner. Il en résulte des décès inévitables, comme le démontre une étude britannique citée par l’institut économique de Montréal.
Elle permet d’observer qu’il y a eu une « augmentation de 20 % des décès liés au cancer au Québec, en raison des traitements reportés au cours de la dernière année ».
« Considérant la capacité supérieure de leur système de santé par rapport au nôtre, on ne peut que s’interroger quant au nombre de décès que nous aurions pu éviter sur ce plan également », a conclu Maria Lily Shaw.
Selon un communiqué de l’Institut économique de Montréal et des chiffres du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec
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