Noémie Moukanda, un destin à sa mesure

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6 février –  PORTRAITS DES JOURNALISTES À RADIO-CANADA –  Noémie Moukanda est rayonnante. Elle a le rire facile et adore aller à la rencontre des autres. C’est en partie ce trait de sa personnalité qui l’a poussée vers le journalisme. Mais sa profonde passion pour le journalisme trouve racine jusque dans son enfance au Congo. On pourrait même dire que ce métier coule dans ses veines et que son destin était presque écrit d’avance.

Un texte de Paloma Martínez 

Noémie Moukanda, journaliste à Radio-Canada Vancouver depuis 2013, est née au Congo, pays qu’elle a quitté à l’âge de 10 ans. La situation sociopolitique et l’engagement de son père, Léon Moukanda, pour la défense de la liberté d’expression ont eu raison de cette famille qui a dû s’exiler en Belgique en 1991.

Noémie est donc la fille d’un journaliste déterminé, qu’elle définit comme un homme de convictions, directeur-fondateur d’Umoja, un journal qui s’opposait ouvertement au régime dictatorial du président congolais Mobutu Sese Seko.

KIN FLEUVE CONGO

« Il était un journaliste hors pair qui est malheureusement parti trop tôt; je n’avais que 15 ans à son décès. Je regrette ne pas avoir eu la chance de discuter de journalisme avec lui, mais il était mon modèle, je voulais être comme lui. C’était comme un rêve d’enfant, mais j’ai tenu bon ! »IMG_0204 (1)

Même si Noémie ne croit pas avoir la force de caractère de son père, elle est tout de même habitée par l’esprit combattant de cet homme qui l’a forgée comme personne et aussi comme journaliste.

« Je dis toujours aux gens de bien prononcer mon nom, Moukanda, car c’est l’héritage que mon père m’a légué. »

Faire du journalisme pour aller à l’encontre des gens

Femme à la fois sociable et sensible, Noémie est comblée par sa profession de journaliste. Rencontrer des personnes de divers horizons pour mieux les comprendre et les connaître, c’est l’une de ses grandes motivations dans l’exercice de son métier. Toujours, elle s’affaire à donner une voix aux personnes qu’elle croise et dont les histoires et le vécu nous apprennent quelque chose sur nous-mêmes, sur notre société ou encore sur le monde.

«Dans ce métier on rencontre des gens d’exception. Des hommes, des femmes et des enfants d’exception. Ils nous hantent même après les entrevues; leurs histoires restent avec nous, elles nous marquent. Parfois leur vécu est drôle, d’autres fois, dur. Mais c’est toujours un privilège de rire ou de pleurer avec les gens. C’est un journalisme « humain » que j’ai choisi d’exercer. »

Noémie semble apprécier particulièrement le travail du journaliste en région, elle dit aimer la proximité avec ses interlocuteurs. Rien n’est insignifiant pour cette journaliste convaincue.

« J’aime raconter des histoires de proximité, des petites histoires qui en font des grandes. »

Le Mois de l’histoire des Noirs

« J’ignorais l’existence de cette célébration avant d’arriver à Vancouver. Ça m’inspire beaucoup parce que ça me permet de connaître l’Histoire de mes ancêtres et de mieux savoir qui je suis. »

Noémie est partie du Congo après avoir terminé sa troisième année de primaire. Dans ce pays, c’est en quatrième année justement que l’on commence habituellement les études sur l’histoire africaine. Elle admet que ces connaissances manquaient à sa culture.

En Belgique, elle a grandi dans le village de Wépion, dans la capitale wallonne, Namur.À Wépion, sa famille constituait la seule population noire des environs. Elle dit avoir grandi entourée des personnes de peau blanche et s’être toujours sentie identifiée à eux. Elle ne s’est jamais vraiment attardée à la couleur de sa propre peau avant l’âge de 18 ans.

« Oui, je savais que j’étais belge d’origine congolaise, mais c’est lorsque je suis arrivée à Bruxelles pour faire mes études universitaires que je me suis rendue compte que j’avais une peau de couleur et que les gens la remarquaient avant même de savoir qui j’étais. J’ai compris que j’étais différente, même si j’ai toujours été fière de ma peau noire. Mais c’est là que j’ai été confrontée au racisme.»

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Voilà pourquoi son arrivée à Vancouver a changé sa perception identitaire. Et la découverte de la célébration du mois de l’histoire des Noirs y a aussi contribué. .

« C’est au Canada que je me suis rendu compte qu’être noire pouvait aussi être un atout. Je pense que le mois de l’histoire des Noirs permet à des gens comme moi, déracinés, d’en apprendre davantage sur leur propre histoire. »

Aujourd’hui plus que jamais, Noémie Moukanda porte en elle son héritage africain. Elle a défini son identité en tant que femme née en plein coeur de la République démocratique du Congo, et aussi en tant que journaliste qui veut défendre, comme son père, le droit à la liberté d’expression de tous.

Une réponse à “Noémie Moukanda, un destin à sa mesure”

  1. Francesca Widloecher dit :

    Le mois de l’histoire des Noirs. Voici une curiosité culturelle canadienne qui me bouscule un peu à chaque année, en février. J’ignorais également l’existence de cette célébration avant d’arriver à Vancouver. En quoi l’histoire des Noirs concernerait-elle plus les canadiens ou l’histoire du Canada ? Mais alors pourquoi cela n’est-il pas célébré par les autres nations ? Pourquoi faut-il célébrer une couleur de peau ? Pourquoi a t-il fallu insister sur la couleur ? L’Histoire a t-elle une couleur particulière ? Pourquoi faut-il étiqueter et compartimenter l’Histoire du Canada ? Pourquoi n’existe t-il pas de mois de l’histoire des Blancs ou de mois de l’histoire des Jaunes ou encore le mois de l’histoire des Rouges ? Pourquoi les Noirs sont-ils réduits à leur couleur de peau ? Cela me semble totalement étrange et inadéquat dans le 21ème siècle que nous vivons.

    Je ne peux pas imaginer un tel événement avec une telle appellation en France, ce serait un tollé social, une menace identitaire. Je suis en effet citoyenne française d’origine africaine vivant à Vancouver depuis un an et demi et vivant son deuxième mois de l’histoire des Noirs. L’intention des canadiens de vouloir reconnaître et célébrer ces autres canadiens de couleur dans leur histoire est très honorable. Cependant le questionnement du bien fondé de l’événement me torture l’esprit à chaque année, au mois de février. J’ai une impression de vivre une ségrégation moderne, un rappel de ma différence sociale liée uniquement à ma couleur de peau.

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RCI • Radio Canada International

Luc Simard
– Directeur, Diversité et Relations Citoyennes de Radio-Canada

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