Cong-Bon Huynh vit à Montréal depuis plus de 40 ans. Il est né et a grandi au Vietnam, dans les effluves d’anis étoilé et de coriandre. Il demeure maintenant bien loin de ces parfums qui sont gravés à jamais dans sa mémoire. Le plat marquant de son enfance? La soupe tonkinoise.
Chef enseignant à l’École des métiers de la restauration et du tourisme de Montréal, Cong-Bon Huynh jongle avec une myriade de saveurs au quotidien. Immanquablement, l’odeur d’anis étoilé, l’ingrédient clé de la « vraie » soupe tonkinoise, le ramène à l’enfance, dans le Vietnam des années 1960.
« J’ai le goût et l’odeur de cette soupe tatoués sur mon cerveau », explique chef Huynh, qui a invité RCI dans la cuisine de l’école pour faire la démonstration de la préparation de ce plat marquant de son enfance, appelée pho au Vietnam.
« À côté de chez moi, il y avait un restaurant de soupe. Et ma mère en faisait aussi à la maison. Toute la ville sentait cette odeur. Ça colle à la peau, cette odeur-là! » – Cong-Bon Huynh
Selon lui, la tonkinoise est irrésistible. « Elle est attirante et délicieuse, elle rejoint tant de gens! C’est une soupe très ambitieuse! Originaire du nord, elle a su conquérir tout le pays. Après la guerre, elle s’est répandue dans le monde entier », explique le chef cuisinier né dans la région d’Hô Chi Minh-Ville, anciennement appelée Saïgon, dans le sud du pays.
Une classique bafouée
Bien qu’il se réjouisse de la grande popularité de la soupe tonkinoise en Amérique du Nord, il déplore que trop souvent, le pho servi ici, n’a rien à voir avec la soupe originale.
« C’est un peu un manque de respect pour la tradition et la richesse de cette soupe-là », dit-il. En fait, tout réside dans la confection du bouillon, qui est souvent prise à la légère dans les pho préparés ici.
Cong-Bon Huynh explique qu’il n’y a que deux sortes de soupe tonkinoise : à base de bœuf ou à base de poulet. « Il n’y a jamais de porc, ou de combinaison de viandes », précise-t-il.
« Il y a un os qui donne une saveur extraordinaire au bouillon, c’est la queue de bœuf, dit-il. Quand je suis arrivé ici, les queues de bœuf étaient jetées ou données. Mais maintenant, avec la popularité de la soupe tonkinoise peut-être, la queue de bœuf est souvent plus chère que la viande hachée! »
Comme dit le chef, tout le monde peut mettre des os dans de l’eau bouillante. Mais ce qui est particulier dans ce plat, c’est la rencontre entre le fameux anis étoilé, le nuoc-mâm (sauce de poisson), la cannelle et le gingembre.
Loin des yeux près du coeur
Chef Huynh a quitté son pays dans les années 1970, à la fin de la guerre, « une période noire pour le pays », dit-il sobrement. Il ne l’a jamais revu depuis. Mais, au moment de l’entrevue, il s’apprêtait à y retourner pour célébrer son 60e anniversaire.
« Il y a une possibilité que je sois très sonné, très ému de voir le pays, dit-il. Mes amis me disent : « Tu n’as jamais pleuré de ta vie, mais là, tu vas pleurer pendant trois semaines. » »
Long frémissement
Après avoir laissé frémir le bouillon pendant environ cinq heures, le chef le verse sur les nouilles recouvertes des fines tranches de bœuf cru et d’herbes odorantes.
Un délice! La soupe de chef Huynh ne manquera pas de vous transporter à mille lieues de Montréal. Après l’avoir bu jusqu’à la dernière goutte, vous trouverez immanquablement au fond du bol, une étoile.
Ingrédients :
Queue de bœuf
Flan de Bœuf
Bœuf cru, œil de ronde, coupé en tranches très minces
Anis étoilé
Gingembre
Un bâton de cannelle
Un oignon
Sauce de poisson 100 ml
Nouilles Banh Pho (qui veut dire gâteau pour le pho)
Herbes : basilique thaïlandaise, coriandre, échalote et autres
Citron
Préparation :
Dans l’eau bouillante, mettre les morceaux de queue de bœuf et le carré de flan de bœuf. Réserver le morceau d’œil de ronde pour faire des tranches fines qui seront déposées sur les nouilles au moment de servir la soupe.
Ajouter l’oignon et le gingembre. Mais avant (facultatif), les faire dorer au-dessus des flammes afin qu’ils donnent une couleur dorée au bouillon.
Ajouter l’anis étoilé et la cannelle et la sauce de poisson.
Faire mijoter. Au bout de deux heures, retirer le flan. Le mettre au congélateur afin de pouvoir le couper en tranches fines lorsqu’il sera ferme.
Laisser le bouillon frémir encore trois heures, donc cinq heures en tout.
Une demi-heure (au moins avant de servir), submerger les nouilles dans de l’eau chaude du robinet pendant 30 minutes, ensuite, retirer l’eau.
Présentation :
Mettre des nouilles au fond d’un bol. Mettre les tranches de flan sur les nouilles.
Déposer par-dessus les tranches de boeuf cru. Recouvrir du mélange d’herbes et d’échalotes.
Verser le bouillon très chaud dans le bol. La viande crue cuira sous le liquide bouillant. Mélanger.
Ajouter un peu de citron et déguster. Bon appétit!
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