Soigner avec compassion, malgré la surcharge

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L’infirmière Dorice Khamla Photo : Radio-Canada/Martin Thibault

Établir une relation de confiance avec ses patients dès les premiers instants : telle est la priorité de Dorice Khamla. Rencontre avec une infirmière en oncologie qui persiste à mettre de l’avant la compassion et l’écoute, malgré la fatigue qu’entraînent les heures supplémentaires.

Un texte de Chu Anh Pham

Par un lundi matin d’avril pluvieux, la journée commence lourdement avec une première patiente. Une femme atteinte d’un cancer en phase terminale qui a refusé tout acharnement de traitement. Selon son oncologue, il ne lui reste qu’un an à vivre, deux si elle est chanceuse. Dans le cabinet, les larmes prennent le dessus. « Je veux la paix. Et là, avec les assurances, je ne sais plus quoi faire. Faut-il que je retourne travailler? »

Des cas semblables, Dorice Khamla en gère quotidiennement. L’empathie n’est donc pas une option : c’est un état permanent. « Plutôt que d’emmagasiner leur tristesse, il faut que j’amène notre rencontre positivement. Je reviens sur leurs questions, leurs priorités. Juste prendre la personne dans son entièreté », explique cette infirmière pivot en oncologie au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), qui tient à établir une relation de confiance avec ses patients dès le début de la relation.

Rapidement, à la sortie du cabinet, Dorice Khamla s’arrête pour discuter avec la patiente. Dans un corridor du 14e étage, elle lui suggère de consulter un psychologue si la journée est trop difficile émotionnellement. La patiente a toujours refusé cette option, mais l’infirmière tient à la lui proposer de nouveau. La dame quitte l’établissement alors que la pluie continue de s’abattre.

Surcharge et heures supplémentaires

L’écoute et la compassion peuvent être mises à l’épreuve lorsque la surcharge de travail, les heures supplémentaires et les heures supplémentaires obligatoires touchent toutes les infirmières. Dorice n’y échappe pas et cela peut se traduire de différentes façons. « La plupart du temps, je mange devant mon écran, je ne prends pas vraiment le temps pour socialiser avec mes collègues. Il peut arriver que j’amène des travaux à la maison pour terminer mes notes », avoue cette jeune maman, rencontrée dans le cadre du Mois du patrimoine asiatique.

Elle est consciente qu’elle n’est pas censée rapporter du travail à la maison, mais soutient ne pas avoir d’autre choix si elle veut « rentrer dans [son] horaire » et se sentir « accomplie ».

 Dans le cadre du Mois du patrimoine asiatique, Radio-Canada présente chaque jeudi de mai un reportage pour mettre en valeur des travailleurs issus des communautés asiatiques, en abordant différents enjeux de société canadiens.

Les heures supplémentaires se comptent par centaines de milliers dans les établissements de santé de Montréal. Seulement au CHUM, les infirmières ont vu leurs heures supplémentaires bondir de 38 % en deux ans, à 172 964 pour l’exercice 2016-1017.

«Je pense que les conflits d’horaire, le manque de temps, la surcharge de travail peuvent nous amener à négliger certaines parties de l’écoute qu’on doit forcément avoir dans le métier d’infirmière. » − Dorice Khamla, infirmière au CHUM

Un sondage réalisé par la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) révèle que 30 % des infirmières songent à quitter leur profession en raison de la surcharge de travail. Devant la pression, le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec a récemment accepté de nouveaux projets pilotes pour encadrer les ratios entre professionnels et patients. Un pas vers l’avant, car la vocation reste forte.

« Ce qui me stimule le plus, c’est vraiment le contact avec la clientèle, ajoute Dorice Khamla. De savoir que je les aide directement ou indirectement. Sans ça, je ne serais pas infirmière; je serais dans un laboratoire. »

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