Un expert de la défense estime qu’Ottawa devrait opter pour des sous-marins allemands

Un nouveau rapport comparant les deux prétendants au contrat canadien de sous-marins prévient que les sous-marins de Hanwha devront probablement être modifiés pour répondre aux exigences opérationnelles canadiennes.
Ce rapport paraît quelques jours avant la visite prévue du premier ministre Mark Carney dans une usine de Hanwha en Corée du Sud, et une semaine avant la tenue à Ottawa d’une importante conférence de l’industrie de la défense maritime.
Le rapport, rédigé par l’analyste Stewart Webb, de Defence Report, indique qu’Ottawa a établi les conditions d’obtention du contrat en fonction des retombées économiques et a laissé entendre que les deux offres sont similaires, bien qu’il semble qu’il y ait des différences considérables.
Selon le rapport, le débat politique entourant les sous-marins n’a pas abordé des questions telles que le soutien en service, la possibilité pour le Canada d’acquérir la capacité de lancer des missiles balistiques verticaux et la mesure dans laquelle Ottawa pourrait devoir réviser les conceptions pour répondre aux besoins de la marine.
Il devient de plus en plus évident que le gouvernement canadien privilégiera une approche avantageuse pour l’économie et l’emploi canadiens, plutôt qu’une conception de sous-marins répondant aux besoins de la Marine royale canadienne ou aux coûts liés au soutien en service, peut-on lire dans le rapport. Nous évoluons dans des eaux dangereuses.
La compétition s’intensifie
Mark Carney a annoncé en août que son gouvernement avait réduit le nombre de soumissionnaires pour ce contrat majeur, d’une valeur de plusieurs dizaines de milliards de dollars, à deux concurrents : le sud-coréen Hanwha Oceans et l’allemand ThyssenKrupp Marine Systems, couramment appelé TKMS.

La semaine dernière, de hauts fonctionnaires de TKMS et des gouvernements allemand et norvégien étaient à Ottawa pour une opération de charme visant à convaincre le Canada de se doter des sous-marins 212CD de fabrication allemande, juste avant la visite du premier ministre en Corée du Sud.
Stewart Webb a expliqué à La Presse canadienne que le sous-marin allemand est un chasseur de sous-marins, semblable à ce que le Canada a déjà utilisé avec les sous-marins de classe Victoria et Oberon, tandis que l’autre est un sous-marin lanceur de missiles balistiques équipé d’ogives conventionnelles.
Il s’agit de deux sous-marins différents, de deux politiques étrangères différentes, de deux opérations distinctes, a détaillé l’analyste en défense.
Le Canada doit remplacer ses quatre sous-marins vieillissants de classe Victoria d’ici leur date de retrait, prévue en 2035.
Le sous-marin sud-coréen est un sous-marin plus grand, ce qui lui permettrait de rester déployé plus longtemps. Il utilise une batterie lithium-ion unique qui, selon le constructeur naval, lui confère un avantage pour rester sous l’eau plus longtemps.
Hanwha promet également d’honorer le contrat rapidement. L’entreprise affirme pouvoir livrer le premier sous-marin d’ici 2032, puis quatre au total d’ici 2035, suivis d’un autre sous-marin chaque année par la suite.
Le 212CD, de fabrication allemande, est un prototype basé sur l’ancien modèle 212A, qui n’est encore utilisé par aucune marine. TKMS prévient ne pouvoir livrer qu’un seul sous-marin avant que la Marine retire du service les sous-marins de classe Victoria que le Canada a achetés d’occasion au Royaume-Uni.
Mais, d’après M. Webb, tout problème de conception pourrait être signalé à l’Allemagne et à la Norvège, qui achètent des sous-marins 212CD de TKMS et les exploiteront dans des eaux similaires.
Le Canada serait probablement le premier acheteur international du KSS-III de Hanwha, bien que l’entreprise propose également ses sous-marins à la Pologne. On ignore si des modifications de conception seront nécessaires pour une utilisation soutenue dans l’Arctique, un environnement parfois difficile pour les embarcations.
L’entreprise sud-coréenne a affirmé que sa livraison anticipée permettrait au Canada d’économiser environ 1 milliard en coûts de maintenance et de soutien, car il pourra retirer du service plus tôt les sous-marins de classe Victoria.
Le mois dernier, Michael Coulter, PDG de Global Defense chez Hanwha, a assuré à La Presse canadienne que les sous-marins de son entreprise répondaient aux exigences des trois océans où le Canada opérerait.
Nous savons que d’autres entreprises peuvent concevoir de bons sous-marins, mais le nôtre est déjà en mer et opérationnel, a-t-il dit.
Nouvelle capacité
Une autre question importante est de savoir si la Marine royale canadienne souhaiterait se doter d’une capacité de lancement vertical.
Le KSS-III est équipé de systèmes de lancement vertical capables de tirer des missiles balistiques sous-marins Hyunmoo-4 de fabrication sud-coréenne. Cela soulève des questions quant à l’acquisition de nouvelles capacités pour la Marine, puisque le Canada n’exploite pas actuellement de tels missiles.
La capacité d’attaque mer-terre est tout à fait pertinente en Asie du Nord-Est, de l’avis de M. Webb, où la Corée du Sud cherche à établir une forme de dissuasion vis-à-vis de la Chine et de la Corée du Nord.
Cependant, elle semble moins utile pour le Canada et pourrait même augmenter les coûts, a-t-il ajouté. Ottawa devrait probablement modifier la conception du sous-marin pour l’équiper de missiles d’autres pays alliés, comme les Tomahawks.
Le rapport avertit que cela rend le sous-marin «plus vulnérable à la canadianisation», car la Marine souhaiterait qu’il soit interopérable avec les alliés de l’OTAN.
Avec jusqu’à 12 sous-marins équipés chacun de 10 systèmes de missiles à lancement vertical, cela représente 120 missiles supplémentaires, sans compter les stocks de réserve. Il nous faudrait former nos techniciens en armement à la maintenance en service de ces missiles, a relevé Stewart Webb. Ils resteront probablement dans les tubes en attendant d’être déclassés.
