La faiblesse des « Supercentres » texte de Sylvain Charlebois
À la suite du départ soudain de Target de la scène du commerce de détail, le géant Wal-Mart annonce qu’il étendra son influence alimentaire à travers le pays. Dans le cadre d’une stratégie d’expansion qui coûtera plus de 340 millions $, l’entreprise de Bentonville en Arkansas convertira 27 magasins en « Supercentres » cette année, des établissements dont une grande partie de la superficie sera dédiée à l’alimentation. De plus, l’entreprise bâtira deux nouvelles installations commerciales. C’est donc presque 250 000 pieds carrés de superficie alimentaire de vente au détail de plus qui s’offriront aux consommateurs canadiens d’ici un an. L’année dernière, 35 magasins au pays subissaient cette transformation. Comme un métronome, et fidèle à sa réputation, le géant américain poursuit son parcours en sol canadien comme si Target n’avait jamais existé au pays.
Wal-Mart est à l’heure actuelle le plus grand détaillant en alimentation aux États-Unis, et l’entreprise ne cache pas ses ambitions de devenir aussi le numéro au Canada. Et en regardant les statistiques, il est difficile de parier contre le plus grand employeur du globe. Depuis 2008, Wal-Mart a augmenté sa part de marché de plus de 38 % en alimentation. Après Loblaw, Sobeys, Metro et Costco, Wal-Mart est actuellement cinquième en alimentation et se rapproche dangereusement de ses rivaux. L’ascension de Wal-Mart en alimentation est pour le moins spectaculaire. Non seulement sa superficie pour les produits alimentaires augmente d’année en année, mais l’entreprise opère maintenant des cuisines d’essai à ses bureaux de Mississauga afin de développer de nouveaux produits uniquement pour le marché canadien.
Contrairement à Target, Wal-Mart fait ses devoirs et apprends de ses erreurs. Il faut se rappeler que, tout comme Target, Wal-Mart opérait à perte lors de ses débuts au Canada en 1994. Avec le temps, Wal-Mart s’est tranquillement adapté aux goûts des Canadiens. Ce n’est qu’en 2006 que Wal-Mart ouvrait son premier « Supercentre » au Canada, 12 ans après son premier magasin. Pour Wal-Mart, le Canada représente l’un de ses plus grands marchés à l’extérieur des États-Unis.
Malgré ses succès, Wal-Mart Canada a tout de même connu des ratés. L’aventure des Sam’s Club, par exemple, afin de rivaliser Costco avec ses cartes de membre n’a pas fonctionné du tout en 2009. Wal-Mart a dû se retirer et fermer ses 6 méga-magasins quelques mois après leur ouverture. C’était une expérience qui nous rappelait les revers majeurs de Wal-Mart en Allemagne quelques années plus tôt.
Et pour les « Supercentres », Wal-Mart a définitivement du chemin à faire. Depuis 2008, les quelques années anormales d’inflation alimentaire qui ont poussé plusieurs consommateurs à chercher des aubaines ont grandement contribué à l’augmentation de ses ventes. Dorénavant, au lieu d’accentuer ses ventes alimentaires par des facteurs macroéconomiques hors de son contrôle, les « Supercentres » de Wal-Mart doivent convaincre par une offre plus raffinée, surtout pour les fruits, légumes et viandes. Après l’épisode de Target, Loblaw, Sobeys et Métro sont plus que jamais gonflés à bloc. Les trois grands de l’alimentation canadienne sont de meilleurs détaillants alimentaires et misent sur l’élégance et l’aspect expérientiel. Ce sont des éléments qui peinent à se développer chez Wal-Mart. Les goûts et les attentes gastronomiques des consommateurs changent constamment et les trois grands de l’alimentation s’y adaptent bien. Wal-Mart doit trouver un moyen de faire de même.
Vendre des produits alimentaires est un art. Si Wal-Mart veut conquérir le marché alimentaire canadien, il devra convaincre le sens du plaisir culinaire de ses clients et non seulement le portefeuille de consommateurs financièrement plus vulnérables.
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