Cet été, en pleine canicule, Henry Aguirre, un travailleur étranger temporaire, se croyait chanceux d’avoir décroché un emploi au Québec comme attrapeur de poulets. Ce travail consiste à rassembler la volaille sur la ferme pour l’acheminer vers des usines de transformation.
Le Guatémalèque de 27 ans a vite déchanté, une fois arrivé ici et qu’il a découvert qu’il était rémunéré au volume plutôt que pour le nombre d’heures travaillées.
Lui et d’autres de ses concitoyens avaient signé des contrats qu’ils ne comprenaient pas, puisqu’ils étaient en français. « Sinon nous n’aurions pas signé », a-t-il dit en entrevue par l’entremise d’un interprète.
ÉcoutezUne exploitation systématique ou systémique?
L’avocate Susan Ramirez dit avoir rencontré des centaines de travailleurs à qui on a refusé des soins de santé et à qui on a nié d’autres droits.
« C’est un problème systémique, lance-t-elle. C’est un problème parce qu’ils sont sous la gouvernance d’un employeur qui ignore leurs droits, et il y a la barrière de la langue.»
À cause de la barrière de la langue et de la crainte de perdre leur emploi, bon nombre de travailleurs se montrent réticents à porter plainte contre un employeur abusif.
Ces travailleurs étrangers et des groupes qui les représentent au Canada réclament entre autres l’abolition des permis de travail fermés, qui impose aux étrangers de travailler pour un seul employeur.
Resserrement des critères et ralentissement dans l’embauche des travailleurs étrangers
Réagissant aux protestations de politiciens et de travailleurs canadiens en 2015, le gouvernement canadien de Stephen Harper avait annoncé une réduction de moitié du nombre de travailleurs étrangers temporaires qui seraient admis au Canada.
L’intention d’Ottawa était de s’assurer que les postes confiés aux travailleurs étrangers ne pouvaient pas être occupés par une main-d’œuvre locale canadienne.
Du coup, faire venir des étrangers pour pourvoir des postes saisonniers est devenu un formidable casse-tête pour beaucoup d’entreprises déjà aux prises avec une pénurie de main-d’oeuvre.
Aujourd’hui, après presque deux années de présence à Ottawa du gouvernement libéral de Justin Trudeau, l’agence de recrutement de main-d’œuvre étrangère Arimé confirme que 2017 est une année « pénible » pour l’embauche de Guatémaltèques et de Honduriens.
Les nouvelles procédures de vérification auraient allongé les délais. Cette étape, qui prenait de 8 à 10 semaines avant, s’étire maintenant sur 15 à 20 semaines, selon Alain Jacques, directeur général d’Arimé.
Pour leur part, des producteurs agricoles et des entreprises en aménagement paysager confirment et dénoncent la lenteur du gouvernement fédéral à traiter les demandes pour l’embauche de travailleurs étrangers. Les retards prennent une ampleur sans précédent, dit-on cette année.
Les demandes bloquent ensuite souvent à l’étape de l’émission des visas. « Si l’on prend l’exemple de l’ambassade du Canada au Guatemala, ça leur prend en moyenne 9 semaines pour sortir un visa. Ce qui est curieux quand même parce que ce sont des travailleurs qui sont déjà venus dans le passé, qui ont déjà un historique ici au Canada », souligne Alain Jacques.
Le saviez-vous?
Le besoin de travailleurs étrangers temporaires de nouveau remis en question
– Le vérificateur général du Canada estimait au mois de mai dernier que le gouvernement fédéral ne fait pas assez d’efforts pour s’assurer que les travailleurs étrangers temporaires dans l’industrie de la transformation des produits marins en Atlantique, par exemple, répondent à « de véritables pénuries de main-d’œuvre.
– Le vérificateur Michael Ferguson soulignait que le gouvernement « a approuvé des demandes soumises par des employeurs d’usines de traitement du poisson et de fruits de mer, même s’il savait que des chômeurs canadiens dont le dernier emploi était dans une usine de traitement du poisson et de fruits de mer auraient pu être prêts à travailler.
– De plus, selon le vérificateur général, certaines usines ont mis à pied des travailleurs canadiens et les ont remplacés par des travailleurs étrangers temporaires.
– « Nous avons examiné près de 500 relevés d’emploi remis par ces employeurs au cours d’une période de trois ans. Nous avons constaté qu’un peu plus de 80 % des travailleurs canadiens mis à pied avaient demandé de l’assurance-emploi pour la même période où les usines embauchaient des travailleurs étrangers temporaires », peut-on lire dans le rapport de M. Ferguson.
RCI avec la contribution de Ginette Lamarche et Olivier Lemieux de Radio-Canada
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