Photo : Associated Press/Judi Bottoni

Accord États-Unis-Mexique-Canada : on souffle à Ottawa, on attend à Toronto alors qu’à Québec la colère gronde

Pendant que le président américain vante l’accord signé in extremis entre les États-Unis, le Mexique et le Canada, le premier ministre Justin Trudeau affirme que l’équipe de négociation canadienne menée par la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a tout de même réussi à sauver le système de gestion de l’offre, le cœur de la pomme de discorde de cette séance de négociations.

Entendons-nous, le Canada, pour arriver à une entente avec les États-Unis, a dû jeter du lest. Les Américains disaient ces dernières semaines qu’il y avait un nœud gordien qui s’écrivait ainsi : M.I.L.K. (milk pour lait en anglais).

Plus tôt cet automne, en pleine campagne électorale québécoise, les quatre principaux partis en lice – qui connaîtront leur dénouement lundi soir – ont parlé d’une seule voix, faisant une pause dans la joute politique de la campagne pour appuyer sans réserve le système de la gestion de l’offre et pour prévenir le Canada qu’il ne devait pas céder devant le rouleau compresseur américain.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et sa ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, ont rencontré la presse à propos de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada, le 1er octobre 2018, à Ottawa. Photo : La Presse canadienne/Sean Kilpatrick

« On sait très bien que l’administration américaine visait l’élimination de la gestion de l’offre. Et ce qu’on a fait avec cet accord a été de protéger la gestion de l’offre pour les générations futures parce que c’est un système qui fonctionne. »

Justin Trudeau, premier ministre du Canada, en conférence de presse

3,59 % cette fois

Déjà ébréché dans l’accord avec l’Union européenne et dans le Partenariat transpacifique, voilà que les producteurs laitiers canadiens – essentiellement québécois – verront leur marché être amputé de 3,59 %, des parts de marché accordés aux producteurs américains.

Réactions des politiciens québécois

Le premier ministre Philippe Couillard n’a pas mâché ses mots en parlant d’une « entente très mauvaise pour le Québec ».

Philippe Couillard, premier ministre sortant du Québec Photo : La Presse canadienne/Jacques Boissinot

« Le gouvernement fédéral a ouvert la porte toute grande aux États-Unis en permettant une intrusion sans précédent dans la politique commerciale intérieure de notre pays. Le système de gestion de l’offre n’a pas été préservé comme le soutient le gouvernement Trudeau, mais plus tôt déstabilisé. Aujourd’hui comme hier, je répète que nous allons prendre tous les moyens pour empêcher l’exécution de cette entente néfaste en matière agricole. »

Philippe Couillard, premier ministre sortant du Québec

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ, parti qui mène dans les sondages) François Legault promet d’évaluer « toutes les options » afin de se porter à la défense des producteurs de lait québécois.

François Legault, chef de la CAQ Photo : La Presse canadienne/Jacques Boissinot

«Il y a eu des compromis de faits aux dépens des producteurs agricoles du Québec, c’est décevant. »

François Legault, chef de la CAQ

Quant au Parti québécois (centre gauche indépendantiste), son chef dénonce la brèche ainsi créée, ajoutant que ses adversaires dans la campagne actuelle ont envoyé « des signaux de faiblesse ».

Jean-François Lisée, chef du PQ : Photo Radio-Canada, Karine Dufour

« Il n’y a pas de compromis pour le Québec. Le Québec paie, l’Ontario gagne. »

Jean-François Lisée, chef du PQ

 Des gains canadiens

L’équipe de Mme Freeland a tout de même réussi à préserver l’exemption culturelle, et le chapitre 19, qui traite des litiges commerciaux et des dispositions de règlements, un chapitre que les Américains voulaient absolument abolir.

 Ailleurs au Canada

L’industrie automobile, épouvantail fréquemment levé par le président Trump quand il voulait mettre de la pression sur le Canada, est protégée.

L’industrie automobile au Canada, essentiellement en Ontario, quoiqu’il y ait de nombreuses entreprises de production de pièces au Québec, dispose de 1 million de véhicules avant l’imposition de possibles tarifs.

Le premier ministre ontarien Doug Ford à Washington Photo : Twitter/Doug Ford

Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a déclaré que « son gouvernement s’entretiendra directement avec des représentants des industries de l’acier, de l’aluminium, de l’automobile et de l’agriculture de l’Ontario pour déterminer les répercussions de ce nouvel accord ». Il a souligné au passage que les échanges entre l’Ontario et les États-Unis étaient de l’ordre de 389 milliards de dollars par année.

Les tarifs restent

L’entente de principe ne met pas fin aux tarifs sur les exportations d’acier et d’aluminium en vertu de l’article 232 sur la sécurité nationale… ni aux points de friction ni à l’animosité entre le président Trump et le premier ministre Trudeau.

D’ailleurs, le président dit que sa plus grande concession aura été tout simplement d’accepter de signer un accord de libre-échange avec ses voisins.

On ne parle plus maintenant d’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), mais de l’AEUMC (Accord États-Unis-Mexique-Canada).

PC, gouvernement du Québec, gouvernement de l’Ontario, RCI, Radio-Canada

Plus:

Le Canada et les États-Unis concluent un nouvel accord économique maintenant appelé AEUMC (Stéphane Parent, Radio Canada International)

Nouvel ALENA : « La gestion de l’offre a été protégée », dit Trudeau (Radio-Canada)

La gestion de l’offre (Les producteurs laitiers du Canada)

Texte de la déclaration du premier ministre ontarien Doug Ford

Catégories : Économie, International, Politique
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