Le journaliste Jamal Khashoggi (gauche), critique du pouvoir saoudien, aurait été assassiné, et son corps découpé en morceaux, dans les locaux du consulat d'Arabie saoudite à Istanbul, possiblement sous les ordres du dirigeant Mohammed Ben Salmane. Photo : Reuters/Courtoisie/Amir Levy

Khashoggi aurait été décapité. Les responsables de sa disparition doivent rendre des comptes affirme le Canada

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, affirme que le Canada est très inquiet de la disparition du journaliste Jamal Khashoggi. Et malgré les tensions diplomatiques entre les deux pays, depuis le mois d’août, elle promet de soulever cette question directement auprès de l’Arabie saoudite.

Chrystia Freeland (Carolyn Kaster/Associated Press)

Mme Freeland estime que le mystère entourant la disparition, il y a deux semaines et demie du journaliste saoudien, qui coïncide avec sa visite au consulat d’Arabie saoudite en Turquie, soulève bien des « questions inquiétantes ».

Le Canada a déjà discuté de cette question avec certains de ses alliés et va continuer de le faire, promet la chef de la diplomatie canadienne, même si les relations entre les deux pays sont déjà très tendues. « Nous devons savoir ce qui s’est passé, et les responsables doivent rendre des comptes », a déclaré Mme Freeland.

Rappelons qu’en août, l’Arabie saoudite avait fortement réagi à un tweet de la ministre Freeland qui appelait à la libération immédiate de militants, dont Salmar Badawi, la soeur du blogueur Raif Badawi, dont la famille est réfugiée au Québec.

À ce sujet, Mme Freeland laisse entendre qu’elle n’a aucun regret pour son message contesté, qui a notamment mené à l’expulsion de l’ambassadeur du Canada à Riyad. « C’est important d’avoir des conversations privées. Mais je crois que ce serait une erreur […] de penser qu’une conversation privée est un substitut aussi efficace que de prendre position publiquement », a-t-elle expliqué.

Khashoggi aurait été « décapité », affirme ce matin le quotidien turc Yeni Safak

Selon des enregistrements sonores, le quotidien turc affirme que M. Khashoggi a été torturé au cours d’un interrogatoire et que ses doigts ont d’abord été coupés par des agents saoudiens. Il aurait ensuite été torturé avant d’être « décapité ».

Le quotidien progouvernemental ne précise cependant pas comment il a eu accès à ces enregistrements. Certains médias, dont le Washington Post pour lequel écrivait M. Khashoggi, avaient auparavant rapporté l’existence d’enregistrements audio et vidéo prouvant que le journaliste avait été « interrogé, torturé puis tué » à l’intérieur du consulat, avant que son corps soit démembré.

D’autre part, le site d’informations en ligne Middle East Eye raconte, citant une source qui a eu accès à un enregistrement sonore des derniers moments du journaliste, que M. Khashoggi avait été emmené dans le bureau du consul Mohammad Al-Otaibi.

Selon le quotidien Yeni Safak, le consul saoudien peut être entendu sur l’un des enregistrements, disant : « Faites ça dehors, vous allez m’attirer des problèmes. » Ce à quoi un individu non identifié lui répond : « Si tu veux vivre quand tu reviens en Arabie saoudite, tais-toi ». M. Al-Otaibi a quitté Istanbul mardi.

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Affirmant avoir eu accès à des enregistrements sonores de ce qui s'est déroulé ensuite, Yeni Safak explique que M. Khashoggi a été torturé au cours d'un interrogatoire et que ses doigts ont été coupés par des agents saoudiens. Photo : Burhan Ozbilici, AP

Il aurait été découpé vivant

D’après sa source le site web Middle East Eye affirme qu’un médecin légiste, identifié comme Salah al-Tubaigy et qui ferait partie d’un mystérieux groupe d’une quinzaine de Saoudiens dépêchés par Riyad à Istanbul à ce moment-là, selon plusieurs médias, aurait découpé le corps de M. Khashoggi encore vivant.

Pendant qu’il découpait le corps, le médecin légiste se serait mis à écouter de la musique avec des écouteurs. « Quand je fais ce travail, j’écoute de la musique. Vous devriez le faire aussi », l’entend-on dire sur l’enregistrement, selon la même source.

Ce médecin légiste a occupé des postes à hautes responsabilités au ministère saoudien de l’Intérieur et dans le secteur médical saoudien, affirmait mardi le New York Times.

L’assassinat a duré sept minutes, affirme Middle East Eye.

Salah al-Tubaigy en 2015 et ce mois-ci à l’aéroport d’Istanbul Photo : Victorian Institute of Forensic Medicine and Sabah

Des proches du prince héritier saoudien parmi les suspects?

L’un des hommes identifiés par les autorités turques comme faisant partie des responsables de la disparition du journaliste saoudien appartient à l’entourage du prince héritier Mohammed ben Salmane, écrivait mardi soir le New York Times.

Selon le journal, qui publie plusieurs photos pour appuyer ses dires, Maher Abdulaziz Mutreb a notamment accompagné le prince lors de déplacements aux États-Unis en mars 2018 ainsi qu’à Madrid et à Paris en avril 2018.

Les autorités turques ont publié une photo de lui arrivant à l’aéroport d’Istanbul plus tôt ce mois-ci.

Le New York Times ajoute que trois autres suspects, Abdulaziz Mohammed al-Hawsawi, Thaar Ghaleb al-Harbi et Muhammed Saad Alzahrani, ont été liés par des témoins ou d’autres sources aux services de sécurité attachés au prince de 33 ans.

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Le prince héritier Mohammed ben Salmane (AFP/FAYEZ NURELDINE) et l’ancien ambassadeur du Canada en Arabie saoudite, Dennis Horak ( CBC)

RCI avec La Presse canadienne, l’Agence France-Presse et la contribution de Claude Bernatchez, Marie-Eve Bédard et Azeb Wolde-Giorghis de Radio-Canada

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