Au Canada, on estime que le tiers de tous décès liés au travail sont directement attribuables à une exposition à l’amiante. Photo : Radio-Canada

Interdiction de l’amiante : le Canada adopte de nouvelles règles minées par plusieurs exemptions

La portée des nouveaux règlements dévoilés mercredi, et qui entreront en vigueur d’ici la fin de l’année, semble être atténuée par rapport à ce que le gouvernement canadien de Justin Trudeau avait initialement proposé, il y a 10 mois.

Fibre de chrysotile, le type d’amiante utilisé de nos jours. Photo : AP/Rich Pedroncelli

En 2016, le gouvernement de Justin Trudeau avait initialement interdit complètement l’amiante. Ottawa affirmait en janvier dernier cependant que l’exigence de retirer tout l’amiante des immeubles et des maisons serait extrêmement coûteuse. Cela pourrait en réalité être plus dommageable pour la santé humaine.

La nouvelle réglementation comporte ainsi une série d’exemptions pour permettre aux militaires, aux installations nucléaires et aux usines de chlore et de soude caustique de continuer à utiliser la substance dangereuse pour la santé pulmonaire et pour plusieurs années à venir.

La réglementation canadienne interdira l’importation, la vente et l’utilisation de fibres d’amiante transformées ainsi que la fabrication, l’importation, la vente et l’utilisation de produits contenant des fibres d’amiante transformées. Cependant, le règlement n’interdira pas les activités minières et ne s’appliquera pas aux structures ni aux produits qui contiennent déjà de l’amiante.

Une des exemptions va permettre l’exploitation de montagnes de résidus miniers qui contiennent encore jusqu’à 40 % de dangereuses fibres d’amiante. Voyez comment cette exemption au règlement sur l’interdiction de l’amiante au Canada promet cependant de relancer les économies des villes de Thetford Mines et d’Asbestos au Québec…

Le magnésium pourrait relancer l’économie de la région de l’amiante au Québec. (iStock)
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Il y a de l'amiante partout autour de nous au Canada
On trouve encore de l’amiante au Canada dans une grande variété de produits, y compris les produits de ciment et de plâtre, les fours industriels et les systèmes de chauffage, l’isolation des bâtiments, les carreaux de plancher et de plafond, les revêtements de maison, les textiles, les plaquettes de frein automobiles et les composants de transmission comme les embrayages.

– L’amiante a été condamné par l’Organisation mondiale de la santé, qui affirme depuis des années que tous les types d’amiante, y compris le chrysotile que l’on retrouve dans le sous-sol canadien, sont cancérogènes.

Une cinquantaine de pays, dont presque la totalité des pays européens, ont depuis interdit tous les produits à base d’amiante sur leur territoire. Photo : FTQ

Des nouveaux règlements minés par des exceptions en série

L’industrie du chlore et de la soude caustique, qui utilise de l’amiante dans l’équipement servant à fabriquer des produits comme le chlore, devait à l’origine cesser progressivement son utilisation d’ici 2025. Elle aura maintenant jusqu’à la fin de 2029.

Les installations militaires et nucléaires du Canada pourront acheter, importer et utiliser des produits contenant de l’amiante pour entretenir leur équipement jusqu’à la fin de 2022, s’il n’existe aucune solution de rechange sans amiante techniquement ou économiquement possible.

L’armée bénéficie également d’une exclusion permanente pour l’achat, l’importation et l’utilisation de matériel militaire entretenu avec un produit contenant de l’amiante lorsqu’il se trouve à l’extérieur du Canada.

La réutilisation de l’amiante dans les infrastructures routières existantes, dans de nouvelles infrastructures routières ou dans la restauration de sites miniers d’amiante fait l’objet d’une exclusion dans le règlement final, sans date limite.

Des mesures d’exception qui sont largement temporaires, affirme le gouvernement

L’interdiction de faire le commerce de l’amiante ou d’en utiliser entrera en vigueur le 30 décembre au Canada a confirmé la ministre fédérale de l’Environnement, Catherine McKenna, lors d’une conférence de presse, jeudi, à l’Hôpital d’Ottawa, dans la capitale canadienne. (Chad Hipolito/Presse canadienne)

Le bureau de la ministre de l’Environnement du Canada, Catherine McKenna, défend ces exemptions qui n’étaient pas initialement prévues.

« Il s’agit d’une interdiction générale de l’amiante au Canada », déclare son attachée de presse Caroline Thériault.

« En clair, les exclusions n’ont été envisagées que dans des circonstances exceptionnelles, comme dans le cas des grandes infrastructures. Dans la majorité des cas, pour ces circonstances exceptionnelles, des délais sont fixés pour l’élimination progressive de l’amiante, assortis d’exigences en matière de déclaration et de tenue de registres. »

Freiner les cancers du poumon

Le Canada a accepté en principe d’interdire l’amiante en 2016, après des années de pression exercée par des experts en santé publique, d’anciens travailleurs miniers et des proches de victimes. Ottawa a toutefois continué de faire valoir que l’amiante était sans danger s’il était utilisé avec les précautions appropriées.

Dans sa réglementation, le gouvernement canadien stipule bel et bien que l’exposition à l’amiante était responsable d’environ 1900 cas de cancer du poumon en 2011 et de 430 cas de mésothéliome, un type de cancer, spécifique à l’exposition aux fibres d’amiantes et qui affecte une membrane interne qui recouvre plusieurs organes.

Au moins 510 Canadiens sont morts en 2016 du mésothéliome. Ce chiffre n’inclut toutefois pas les décès survenus au Québec, la province ayant cessé en 2010 de signaler les taux de maladies liées à ce minerai.

La très longue histoire de l'amiante au Canada
– Le Canada a été lent à reconnaître les menaces posées par l’amiante, peut-être parce que pendant très longtemps, ce minerai se retrouvait au cœur du développement économique du Québec, en particulier. Les mines d’amiante ont fonctionné au Canada de la fin des années 1800 jusqu’en 2011.
– Des générations de mineurs s’engouffraient ainsi sous terre ou travaillaient à l’air libre dans d’immenses trous, dans des mines appelées « open pit » dans les régions de Thetford Mines, d’Asbestos, de Disraeli ou de Black Lake, à la recherche de ce minerai réputé essentiel pour ses propriétés ignifuges et structurelles.

Une ancienne mine d’amiante au Québec.
Photo Credit: Radio-Canada

RCI avec La Presse canadienne et la contribution d’Elizabeth Thompson de CBC, de Claude Bernatchez, de Julie Dufresne, de Marie-­Lou St-Onge et de Patrick Foucault de Radio-Canada

En complément

Amiante : les résidus miniers ne seront pas interdits – Radio-Canada 

Interdiction totale d’ici 2018 de l’amiante au Canada – RCI 

Canada : la décision d’interdire l’amiante crée la discorde avec les milieux industriels – RCI 

Catégories : Économie, Environnement et vie animale, International, Politique, Santé
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