Des chercheurs américains affirment avoir réussi à augmenter de 40% le rendement de plants de tabac dans un champ expérimental, grâce à ce qu’ils appellent un court-circuit ou un piratage génétique. La nouvelle a été publiée jeudi dans la revue Science.
Ce que vient de réussir des chercheurs de l’Institut de biologie génomique de l’Université de l’Illinois peut être perçu par plusieurs comme une bonne nouvelle qui ouvre de nouvelles perspectives pour l’agriculture. Pour d’autres, c’est un pas de plus dans une manipulation hasardeuse la nature dont on ignore les conséquences. Quoi qu’il en soit, depuis des années, ces chercheurs voulaient savoir s’il était possible de modifier génétiquement une plante afin qu’elle produise plus.
Ils disent avoir trouvé un moyen de surmonter les restrictions naturelles liées à la photosynthèse limitant la productivité des plantes. C’est que celles-ci utilisent l’énergie du soleil pour transformer le dioxyde de carbone et l’eau en sucres qui alimentent leur croissance. Or, les étapes chimiques impliquées dans ce processus produisent des composés toxiques qui limitent plutôt le potentiel de la plante.
Celle-ci perd alors une énergie précieuse qui aurait pu être utilisée pour augmenter son rendement. Un problème qui peut affecter jusqu’à 36% du rendement des plantes telles que le soja, le riz, les fruits et légumes, selon Paul South, chercheur au US Agricultural Research Service. La situation est encore plus courante à des températures plus élevées et dans des conditions de sècheresse.
Faire économiser l’énergie à la plante
Les chercheurs américains ont alors conçu un raccourci pour rendre le processus plus économe en énergie. Concrètement, ils ont implanté une portion d’ADN d’algue verte dans les cellules de tabac afin de créer une sorte de raccourci biologique. Ce qui permet à la plante de réaliser plus rapidement la photorespiration ou le processus de respiration des plantes à la lumière. Donald Ort, l’auteur principal de l’expérience la résume en ces termes : «C’est comme un raccourci en voiture, vous réduisez la distance et consommez moins d’essence (…) La plante peut consacrer cette énergie à sa croissance, au lieu de l’utiliser pour métaboliser ces molécules toxiques»
Lors des essais sur le terrain ils ont constaté une augmentation de 40% de la biomasse végétale. C’est la première fois qu’un tel résultat est obtenu dans un champ ouvert avec cette technique, débattue depuis des années. D’autres techniques de limitation de la photorespiration, présentaient l’inconvénient de nuire à d’autres fonctions de la plante. C’est une «technique est ingénieuse car elle ne produit pas d’effets secondaires», selon David Stern, président de l’Institut Boyce Thompson.
Même si le travail initial a été effectué sur le tabac, l’objectif des chercheurs n’est pas de produire davantage cette plante herbacée originaire d’Amérique centrale. Ils ont choisi les plants de tabac tout simplement parce qu’ils sont faciles et rapides à modifier. Ils forment également une canopée complètement fermée dans le champ, semblable à de nombreuses cultures vivrières. Mais l’objectif des chercheurs est d’utiliser ces résultats pour améliorer les rendements en plants de blé, de soja, de riz, de pommes de terre et de tomates.
Nourrir une population mondiale en forte croissance
Les chercheurs sont de plus en plus préoccupés par la capacité du monde à nourrir une population croissante en période de graves changements climatiques. On prévoit en effet que la demande agricole augmentera de 60 à 120% dans le monde d’ici le milieu de ce siècle par rapport à 2005. Étant donné la faiblesse des rendements des cultures, évalués à moins de 2% par an, on redoute un important déficit d’ici 2050. Cette recherche a d’ailleurs été financée, notamment par la fondation philanthropique de Bill et Melinda Gates préoccupée par les questions de maladie et de famine à travers le monde, ainsi que par le gouvernement britannique.
Alors, peut-on rendre les plantes intrinsèquement plus efficaces, en modifiant leur processus de la photosynthèse? Le professeur Arnold Bloom, de l’Université de Californie Davis, en doute. Il rappelle que de nombreux essais similaires à celui des chercheurs de l’Illinois ont été réalisés depuis cinq ou six ans, sans jamais aboutir. Il dit avoir lui-même déjà publié dans la revue Nature une étude montrant que la photorespiration n’était pas une fonction inutile des plantes. Il ne croit donc pas qu’on puisse réinventer la photosynthèse.
Les risques liés aux PGM
Cela dit, l’idée de modifier génétiquement des plantes est reçue avec méfiance par certains lorsqu’ils n’y sont pas carrément hostiles. Cultivées pour la première fois au milieu des années 1990, ces plantes se sont imposées dans de nombreux pays, tels que les États-Unis, le Brésil, l’Argentine ou l’Inde. Mais plusieurs se posent encore des questions sur leur innocuité.
Sont-elles nuisibles ou néfastes à la santé humaine et animale? Quels sont leurs impacts environnementaux? On fait aussi état de la résistance des ravageurs aux protéines insecticides produites par une partie de ces plantes génétiquement modifiées (PGM,) et j’en passe. Alors, les PGM : bonnes ou dangereuses? En attendant d’y voir plus clair et malgré les assurances de quelques scientifiques, des pays comme la France ou l’Allemagne ont opté pour le principe de précaution en les interdisant.
(Avec l’AFP, BBC)
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