L’affaire Wilson-Raybould : pressions, tensions, désaccord. La classe politique au Canada est en mode attaque pour certains et en réaction pour d’autres.
En novembre 2015, après l’élection du gouvernement majoritaire libéral, le nouveau premier ministre Justin Trudeau nommait l’avocate Jody Wilson-Raybould ministre de la Justice et procureure générale du Canada.
Mme Wilson-Raybould avait tout de la candidate vedette : première Autochtone à occuper ce poste, députée libérale de Colombie-Britannique, jeune et très engagée dans sa communauté.
Quelques années plus tard, elle se retrouve au cœur d’une controverse. Elle aurait subi des pressions du bureau du premier ministre dans ce qu’on appelle « l’affaire SNC-Lavalin », une des plus importantes firmes de génie-conseil au Canada, avec 9000 employés, très présente au Québec, province importante dans la stratégie de réélection du gouvernement. Le scrutin fédéral se tiendra à l’automne.
Le premier ministre Trudeau a toujours nié avoir exercé des pressions sur sa procureure générale pour qu’elle ne dépose pas des accusations et même pour faire cesser les poursuites pénales contre l’entreprise dans un dossier de collusion.
Le 14 janvier dernier, le premier ministre Trudeau a remanié son Cabinet et a retiré à Mme Wilson-Raybould ses fonctions de Procureure générale et de ministre de la Justice pour lui confier le portefeuille des Anciens Combattants, ce que plusieurs ont qualifié de rétrogradation.
Témoignage explosif en comité parlementaire
L’affaire prenant de l’ampleur, Jody Wilson-Raybould a été invitée à raconter sa version des faits en comité parlementaire, témoignage qui s’est déroulé à Ottawa mercredi.
Elle a affirmé avoir subi des pressions « constantes et soutenues » et même des « menaces voilées » émanant directement du bureau de Justin Trudeau, du Conseil privé et même du ministre des Finances. En anglais, Mme Wilson-Raybould parlait de « veiled threats ».
Quatre mois intensifs, de septembre à décembre 2017
Elle a mentionné avoir reçu des commentaires constants dans lesquels on lui parlait des risques encourus par SNC-Lavalin advenant que ce géant de l’ingénierie à Montréal soit reconnu coupable de corruption et de fraude en lien avec des contrats en Libye.
17 septembre : un discours percutant, un changement de sujet troublant
L’ancienne procureure générale a relaté avec force détails un événement, celui d’un discours qu’elle a prononcé devant le comité permanent de la Justice et des Droits de la personne.
Elle ajoute que Justin Trudeau a redirigé la discussion sur le dossier de SNC-Lavalin, soulignant selon elle les conséquences néfastes d’un procès sur l’entreprise québécoise. Il aurait parlé de pertes massives d’emplois et, ultimement, de départ de Montréal si SNC n’obtenait pas d’accord de poursuite suspendue.
Tant que les conversations restaient dans les domaines du juridique et de l’économique, Mme Wilson-Raybould gardait le cap. Ce n’est que lorsque l’aspect politique de l’affaire a été évoqué qu’elle s’est sentie flouée.
Remaniement et dossier tenace
Relatant une conversation qu’aurait eue Mathieu Bouchard, conseiller au bureau du premier ministre, avec sa chef de cabinet, Jody Wilson-Raybould a fait état d’une exigence voulant « que le dossier devait impérativement se régler. »
« Si SNC annonce qu’il quitte le Québec six mois avant l’élection fédérale, ce serait mauvais. Nous pouvons avoir les meilleures politiques au monde, mais nous devons nous faire réélire. »
Traduction des propos tenus par Mathieu Bouchard, conseiller au bureau du premier ministre Trudeau à sa chef de cabinet, selon Mme Jody Wilson-Raybould lors de son témoignage en comité parlementaire
Elle a déclaré en conclusion que « les Canadiens comprennent très bien que ces événements représentaient une ingérence politique qui n’a pas sa place dans un système de droit ».
PC, R.-C. CBC
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