La ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland est « profondément déçue » par la décision de l’administration Trump d’intenter des poursuites contre les entreprises étrangères qui profitent de propriétés que Cuba a saisies à des intérêts américains dans la foulée de la révolution cubaine de 1959.
Le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, déclarait plus tôt cette semaine que son administration ne renouvellerait pas l’interdiction de poursuites judiciaires en vigueur depuis deux décennies, ce qui signifie que des poursuites pourront être intentées à compter du 2 mai, lorsque la suspension actuelle prendra fin.
Le président américain Donald Trump intensifie de cette façon la pression pour isoler le président vénézuélien Nicolas Maduro, qui détient le pouvoir avec l’aide d’autres pays, dont Cuba, la Chine et la Russie.
Mme Freeland dit avoir discuté de cette question avec les entreprises canadiennes qui seraient touchées. Elle réaffirme que le Canada « défendra pleinement les intérêts des Canadiens qui font du commerce et des investissements légitimes avec Cuba ».
« Nous allons examiner toutes les options en réponse à cette décision des États-Unis », indique la ministre Freeland.
Des Cubains font la queue pour acheter de la nourriture à La Havane le 4 avril. Raul Castro, le premier secrétaire du Parti communiste cubain, a récemment évoqué que la pénurie de nourriture et d’autres biens pourrait s’aggraver. (Yamil Lage/AFP/Getty Images)
Cela permet aussi aux Cubains qui sont devenus citoyens américains des années après que leurs propriétés ont été prises d’intenter des poursuites judiciaires.
Tempête à l’horizon pour Cuba
Cette décision porte un coup aux efforts de La Havane pour attirer les investissements étrangers sur l’île et pourrait toucher des dizaines d’entreprises canadiennes et européennes à hauteur de dizaines de milliards de dollars en compensation et en intérêts.
L’annonce intervient à un moment de grave faiblesse économique pour Cuba, qui peine à trouver suffisamment d’argent pour importer des denrées alimentaires de base et d’autres fournitures à la suite d’une baisse de l’aide du Venezuela et d’une série de mauvaises années dans d’autres secteurs économiques clés.
Cuba s’est déclarée prête dans le passé à rembourser les propriétaires des biens confisqués, mais seulement si le gouvernement communiste est également remboursé des milliards de dollars de dommages et intérêts générés par l’embargo commercial américain qui a duré six décennies.
Une décision aussi dénoncée par l’Union européenne
Cette décision a suscité une réaction sévère de la part de l’Union européenne. Le bloc des 28 nations s’engage comme le Canada à protéger ses entreprises des poursuites judiciaires.
« L’UE examinera toutes les options à sa disposition pour protéger ses intérêts légitimes, y compris en ce qui concerne ses droits dans le cadre de l’OMC et par le biais du statut de blocage de l’UE », ont déclaré Federica Mogherini, responsable de la politique étrangère de l’UE, et Cecilia Malmstrom, commissaire européenne au commerce dans une déclaration commune.

Chrystia Freeland et Federica Mogherini Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Federica Mogherini et la ministre Freeland ont également publié une déclaration commune dans laquelle ils se disent « déterminés à travailler ensemble pour protéger les intérêts » de leurs entreprises.
Ils préviennent que les lois de l’UE et du Canada autorisent les demandes reconventionnelles à l’encontre de toute poursuite intentée aux États-Unis « de sorte que la décision des États-Unis d’intenter des poursuites contre des entreprises étrangères ne peut que mener à une spirale inutile d’actions en justice », indique le communiqué.
Tous les présidents américains depuis Bill Clinton ont suspendu la clause clé pour éviter ces affrontements commerciaux et une masse potentielle de poursuites judiciaires qui empêcheraient tout règlement futur avec Cuba au sujet des propriétés nationalisées.
Des milliers de procès aux États-Unis et des investisseurs qui fuient Cuba?

Chris Bennett (The Caribbean Council)
« Il est hautement probable qu’il y aura une avalanche de plaintes en Floride, dont beaucoup ne seront pas sérieuses, de Cubano-Américains contre des compagnies étrangères, mais aussi cubaines », estime Chris Bennett, directeur général du cabinet de conseils Caribbean Council.
« La plupart de ces plaintes ont peu de chance d’aboutir », estime-t-il, rappelant toutefois que deux millions de Cubano-Américains vivent aux États-Unis, donc « il est probable que le volume de plaintes congestionne sérieusement les tribunaux de Floride ».
Qui pourrait être visé? « Par exemple [le groupe minier canadien] Sherritt, des chaînes d’hôtel espagnoles ou mexicaines, des entreprises brésiliennes possédant des sites de production de sucre », explique l’avocat Pedro Freyre, du cabinet Akerman à Miami.
RCI avec The Associated Press, CBC News, Agence France-Presse et la contribution de Radio-Canada
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