Les États-Unis s’apprêtent à faire volte-face sur la question du port d’un masque par les simples citoyens pour déjouer le COVID-19.
Après avoir fortement déconseillé le port généralisé des masques, le gouvernement américain envisage un virage à 180 degrés afin de contenir l’épidémie de COVID-19 qui a maintenant fait plus de 200 000 victimes dans ce pays.
La recommandation officielle des CDC américains (Centers for Desease Control) n’a pas changé : le masque n’est conseillé qu’aux personnes malades et aux personnes saines s’occupant de malades. Mais cette consigne va certainement évoluer, ont confirmé les plus hauts responsables sanitaires du pays.
Les États-Unis suivrait donc tardivement l’exemple de pays asiatiques et européens et ils conseilleraient non seulement le port généralisé des masques au sein de la population, mais aussi le port de masques artisanaux ou faits maison à défaut d’utiliser des versions professionnelles.
La raison de cette volte-face
Porter un masque semblerait maintenant plus sage dans le contexte ou beaucoup de gens sont contagieux sans le savoir. Quand ces gens malades éternuent et toussent, ils projettent des gouttelettes de salive sur des poignées de porte, des rambardes et d’autres surfaces dans les lieux publics, dans les immeubles ou à la maison.
Le raisonnement est que s’ils portaient un masque, cela réduirait mécaniquement les transmissions.
Ces dernières heures, sur les ondes du réseau radiophonique américain NPR, le directeur des Centres de contrôle et de prévention des maladies américains (CDC), a expliqué son raisonnement : « Il est désormais confirmé qu’un grand nombre de personnes infectée restent asymptomatiques (sans symptômes)». « Peut-être jusqu’à 25 % », a-t-il ajouté se référant aux études sur l’épidémie en Chine.
La cellule de crise de la Maison-Blanche sur le coronavirus a des « discussions très actives » sur la question, indiquait mardi Anthony Fauci, le directeur de l’Institut des maladies infectieuses, devenu au cours de cette pandémie l’un des deux scientifiques le plus écouté de l’exécutif.
La pénurie de masques a-t-elle trop influencée le jugement des autorités?
L’hésitation initiale de recommander à tous le port d’un masque ne semble pas avoir été fondée sur un argument prioritairement scientifique, mais sur la pénurie de masques : les États-Unis, comme la France, le Canada et d’autres, n’avaient et n’en ont toujours pas assez pour leurs personnels soignants, et a fortiori pour toute la population.
« Mais une fois que nous aurons assez de masques, il sera sérieusement envisagé d’élargir la recommandation sur le port de masques. Nous n’y sommes pas encore, mais je crois savoir que nous sommes proches d’une telle conclusion », a déclaré Anthony Fauci, sur les ondes de CNN.
Selon le Washington Post, les autorités pourraient recommander des masques en tissus et artisanaux, afin de réserver les masques de qualité médicale aux soignants.
Alors que le nombre de cas COVID-19 confirmés s’élève, au Canada, les responsables de la santé de la Colombie-Britannique commencent à se demander eux aussi si l’utilisation plus large des masques faciaux pourrait freiner la propagation.
Une question de bon sens?
De nombreux pays asiatiques où l’utilisation des masques est répandue ont mieux réussi à aplanir la courbe d’infection. Mais un ensemble de facteurs pourraient ici être en jeu, notamment des tests de dépistage des infections plus fréquents, un lavage des mains adéquat et un contrôle plus strict des mouvements de la population.
Cela dit, dans une récente entrevue, le directeur du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies explique : « La grande erreur aux États-Unis et en Europe, à mon avis, est que les gens ne portent pas de masque », a-t-il déclaré.
« Il faut porter un masque, parce que quand on parle, il y a toujours des gouttelettes qui sortent de la bouche. De nombreuses personnes souffrent d’infections asymptomatiques ou pré-symptomatiques. Si elles portent un masque, cela peut empêcher les gouttelettes porteuses du virus de s’échapper et d’infecter d’autres personnes. »
Le Canada est-il ouvert au changement?
Dans ses remarques de lundi, la responsable en chef de la santé publique au Canada, la Dre Theresa Tam, a semblé suggérer que le gouvernement était ouvert à la possibilité de reconsidérer ses conseils. « Nous continuons à évaluer [la situation]. Bien sûr, nous pouvons être flexibles si nous trouvons de nouvelles preuves », a-t-elle dit.
Pourtant, lors du même point de presse elle avait réitéré le point de vue officiel : « Mettre un masque à une personne asymptomatique n’est pas bénéfique, évidemment, si vous n’êtes pas infecté. »
Alors que le débat sur le port obligatoire des masques prend forme, les responsables canadiens font valoir qu’un des risques dans le port du masque est le fait que les citoyens ne les utilisent pas correctement et qu’ils s’exposent ainsi à un plus grand danger.
« Cela vous donne un faux sentiment de confiance, mais aussi, cela augmente le toucher de votre visage (quand on doit le retirer) », dit la Dre Theresa Tam.
Un débat entre scientifiques
Le Dr K.K. Cheng, directeur de l’Institut de recherche appliquée en santé de l’Université de Birmingham au Royaume-Uni, rétorque que ce dernier commentaire de Mme Tam repose sur une hypothèse dangereuse, à savoir qu’une personne asymptomatique n’est pas un propagateur de l’infection.
« Ce qui est important avec ce coronavirus, c’est que certains patients commencent à répandre le virus et deviennent infectieux, avant même d’avoir des symptômes. En santé publique, un principe est que nous essayons de limiter la source des expositions nocives plutôt que de faire des mesures d’atténuation, si nous le pouvons. Le lavage des mains est une forme d’atténuation […] Si vous êtes en public dans un supermarché, dans le métro ou dans le bus, je pense qu’il est très logique que tout le monde porte un masque. »
Un essai clinique en 2015 a pourtant montré que les masques en tissu, par exemple, ne bloquaient pas les virus de la grippe et augmentaient en fait le taux d’infections chez les travailleurs de la santé. Les masques chirurgicaux N95 ne bloquaient pour leur part qu’un peu plus de la moitié des particules virales.
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RCI avec CBC News, La Presse canadienne et la contribution de Radio-Canada
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