Non, elle n’en est pas une, répond Ryan Katz-Rosene, professeur adjoint à l’École d’études politiques à l’Université d’Ottawa et président de l’Association canadienne d’études environnementales. Pour ceux qui pensent que c’est une politique climatique, je leur dis qu’il s’agit d’une politique très peu efficace.
Il y a certes eu des baisses des émissions de dioxyde de carbone durant la période de confinement. En 2020, cette baisse va représenter 5 % des émissions globales pour toute l’année à cause de la baisse des activités économiques due à la pandémie. En 2019, on a ajouté 37 gigatonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Cette année, on va ajouter à peu près 35 gigatonnes. Ce n’est pas très important comme différence. La concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère sera toujours élevée en 2020 par rapport à 2019. La concentration moyenne en 2019 était de 414,7 parties par million. En 2020, cette concentration va être plus élevée. On a une crise climatique qui va continuer de poser d’importants défis environnementaux, relève le professeur adjoint.
En ce 50e anniversaire du Jour de la Terre, l’ONU invite les peuples et les gouvernements à poursuivre leurs efforts pour sauvegarder la planète. Il y a eu des manifestations au Québec, où les dirigeants sont appelés à agir au plus vite. Le fédéral se préoccupe de l’avis du Groupe d’experts de l’ONU sur l’urgence climatique et invite chaque Canadien à faire le geste qu’il faut chez soi.
C’est un anniversaire pas comme les autres en raison de cette pandémie qui occupe une place prépondérante. Cela modifie les actions prévues pour la plantation d’arbres et le nettoyage des parcs comme l’aurait souhaité Ottawa. Le ministre fédéral de l’Environnement Jonathan Wilkinson indique que cette année est différente en raison de la pandémie. Malgré la distanciation sociale, il invite les Canadiens à « accorder une attention spéciale au Jour de la Terre chez eux ».
Ils pourront par exemple s’inspirer des idées sur le site web du Jour de la Terre sur les façons de commémorer l’événement créé par le sénateur américain Gaylord Nelson en 1970, dans le but d’encourager les étudiants à mettre sur pied un programme de sensibilisation pour la préservation de la planète.
Comme les 500 millions de personnes qui prendront part à l’événement dans 184 pays, les Canadiens doivent apporter leur contribution dans leur municipalité respective. Ces dernières donnent le ton en étant de plus en plus engagées, en étant au centre de la structuration des événements et de la mobilisation des citoyens capables de faire la différence par leurs actions concrètes qui commencent avant tout dans leur domicile, en raison des restrictions de la COVID-19.
C’est de cette façon que de tout petits efforts individuels contribueront aux actions collectives visant à répondre au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Ceux-ci ont tiré la sonnette d’alarme sur le fait qu’à cause de l’activité humaine, le réchauffement climatique a contribué à rehausser la température d’un degré Celsius, avec des risques d’une remontée vertigineuse des températures dans les années à venir, si rien n’est fait pour inverser la tendance actuelle.

Ryan Katz-Rosene, professeur adjoint à l’École d’études politiques à l’Université d’Ottawa Photo : RKR
En quoi la présente crise sanitaire sert-elle la cause climatique?
Cette crise sanitaire n’aide pas beaucoup le climat. C’est étrange de dire que c’est bon pour le climat. Quelle que soit la crise, qu’il s’agisse d’une crise économique ou d’une crise de santé, cela devrait être considéré comme une opportunité pour repenser nos sociétés, pour revisiter notre économie et prendre les mesures nécessaires à la préservation de l’environnement. C’est de cette façon que cette crise peut aider la cause climatique. Il faut prendre le temps pour changer nos systèmes économiques afin de les rendre plus durables.
Les effets actuels peuvent-ils s’inscrire sur le long terme? En d’autres termes, vous considérez que la distanciation sociale n’est pas un modèle de politique climatique efficace. Pouvez-vous expliquer pourquoi?
En ce moment, la distanciation sociale nous maintient confinés, sans possibilité de poursuivre nos relations sociales ou de voyager en raison des risques de propagation du virus. On doit chercher à tirer des leçons de cette mesure sanitaire voulue pour nous protéger au lieu de penser que la distanciation sociale sert la cause climatique. Les leçons se résument essentiellement au fait qu’il faut penser à une politique climatique durable et efficace, avec un modèle économique plus vert, qui permet une mobilité post-pandémie basée sur des moyens de transport en commun plus propres (autobus, trains), ou individuels avec l’usage plus accentué des vélos. Ce modèle doit être axé sur des usines de fabrication sans empreinte environnementale. Bref, il s’agit de repenser nos façons de faire pour les arrimer aux exigences climatiques et réaliser les objectifs des Nations unies en ce qui a trait à la lutte aux changements climatiques.
Vous dites aussi que le moment des stimulants climatiques est pour très bientôt : sur quoi se fonde une telle assertion?
On sait que chaque fois qu’on a une crise économique, on a des stimulants qui permettent de reprendre la croissance. Chaque fois qu’on a une crise, on essaie de développer un nouveau plan vert pour l’environnement. Cette idée a jailli en 2009. Les gens se sont dit qu’il faut mettre des fonds dans les secteurs comme les technologies et les emplois verts. Ce n’est pas le temps de mettre les fonds dans l’industrie pétrolière. Les gouvernements canadien et américain ont eu l’opportunité d’imposer des règlements pour la fabrication de voitures plus vertes, mais ils ne l’ont pas toujours fait. La chance qu’on a dans la prochaine année est de créer un fond vert pour une utilisation durable des ressources dans le but de stimuler les efforts dans le domaine climatique. En ce moment, il faut s’assurer que les gens aient un toit pour survivre. Le gouvernement a déjà payé plus que 100 milliards de dollars pour l’aide sociale essentiellement. C’est une bonne nouvelle pour l’économie. Mais dans les prochaines années, quand il faudra payer des milliards en guise de stimulus économiques, il va falloir cibler les industries qui optent pour des technologies vertes.
Si vous avez jeté un coup d’œil sur le plan fédéral en 50 points visant à réduire les gaz à effet de serre, dites-nous quelle peut être sa pertinence.
L’histoire du gouvernement Trudeau c’est l’histoire d’un gouvernement à double face. Sur une face, il y a des mots corrects sur l’environnement. Ils ont un excellent plan pancanadien (Pancanadian framework for the climate change). Il y a un gros débat sur la notion de sincérité du gouvernement. D’un côté, il se montre sincèrement concerné. D’un autre côté, on est dans une économie complexe parce qu’il y a beaucoup de travailleurs dans l’industrie minière en Alberta. Il y a aussi des préoccupations politiques en raison des enjeux sociaux et des engagements pris pendant la campagne électorale pour soutenir les emplois en Alberta.
On a déjà dit que ça ne marche pas si on prend une double approche. On ne sera pas capable de réduire les gaz à effet de serre. Dans le dernier rapport publié par le gouvernement fédéral au sujet de la lutte contre les changements climatiques au Canada, on noté que les GES ont augmenté en 2018 dans plusieurs pays, dont le Canada, et que les émissions cette année vont être plus basses que l’année dernière. Dans le monde, en 2020, il y aura une baisse de 5 % ou plus des émissions de dioxyde de carbone. C’est la plus grosse baisse d’une année à l’autre, mais cela n’affecte pas la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. C’est pourquoi il faut poursuivre les efforts dans ce sens. Si on veut atteindre les cibles de 2050 qui consisteront à mettre sur pied un Canada carboneutre tel que promis par les libéraux, on doit avoir une baisse de 5 à 7 % chaque année pour les prochaines années.
En conclusion, une crise, même si c’est une crise de santé ou une crise économique, est une opportunité de repenser nos systèmes. C’est dommage que des personnes aient perdu leur vie et continuent de mourir en raison de la pandémie, mais c’est une opportunité non seulement pour l’environnement et les changements climatiques, mais pour l’édification d’une société plus juste et plus équitable, parce que l’une des causes des changements climatiques ce sont les inégalités sociales.
À noter
En cette Journée, le ministre de l’Environnement du Canada a mis de l’avant le plan fédéral en 50 points pour atteindre l’objectif d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Parmi les points saillants de ce plan, il y a en bonne place l’investissement dans l’énergie propre, l’agrandissement des réseaux de transport en commun, l’élimination de l’électricité à base du charbon, l’interdiction du plastique à usage unique, l’investissement dans les technologies propres et l’introduction de nouvelles normes pour rendre les carburants destinés aux automobiles moins polluants.
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