Bon nombre des médicaments utilisés par les humains sont fabriqués par des bactéries et des champignons. En effet, ces microbes fabriquent des composés qui tuent d’autres microbes ou qui leur confèrent un avantage sur le plan de la croissance. On pourrait dire qu’il s’agit de minuscules usines de fabrication d’antibiotiques de la nature.
Martin Schmeing, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les machines macromoléculaires, ou bionanomachines, étudie une classe de protéines appelées peptides synthétases non ribosomiques (NRPS) qui synthétisent ces composés.
Récemment, le Dr Schmeing et une équipe des chercheurs des universités McGill et Yale ont pu voir ces systèmes enzymatiques à l’oeuvre grâce à une ligne de faisceau de lumière du Centre canadien de rayonnement synchrotron (CCRS) de l’Université de la Saskatchewan.
Ce type de protéine fonctionne comme une chaîne d’assemblage en usine qui consiste en une série de postes de travail robotisés. Chaque station de travail a un rythme de production à plusieurs étapes et des pièces mobiles qui lui permettent d’ajouter un substrat de base au médicament en production, de l’allonger et de le modifier, puis de le faire passer à la petite station de travail suivante, le tout sur la même énorme enzyme.Martin Schmeing, professeur agrégé à la Chaire de recherche du Canada sur les machines macromoléculaires de l'Université McGill
Les protéines NRPS produisent une foule de composés qui peuvent interagir avec les tissus ou les systèmes vivants. Elles produisent de la pénicilline (premier antibiotique largement utilisé), de la viomycine (antibiotique utilisé pour traiter la tuberculose multirésistante) et de la cyclosporine (utilisée comme immunosuppresseur contre le rejet des greffes).
Avec ses recherches, M. Schmeing envisage d’accroître les connaissances sur les mécanismes dont ces protéines se servent pour synthétiser d’importants médicaments. Il emploie un certain nombre de techniques pour comprendre comment les éléments constitutifs des antibiotiques sont chimiquement assemblés, comment les NRPS sont soumis aux réorganisations à grande échelle nécessaires pour fabriquer ces médicaments, et d’autres questions.
Ces enzymes peptides synthétases non ribosomiques présentent un vaste potentiel en ce qui a trait à la production de nouveaux médicaments. Elles sont divisées en segments et chaque segment ajoute un élément constitutif au médicament. Ainsi, il est possible de modifier l’ordre et le type des segments pour produire de nouvelles variantes du médicament.
La recherche de Martin Schmeing permettra de mieux comprendre comment le mieux réorganiser les segments NRPS. Son travail pourrait donner lieu à des millions de nouveaux composés, y compris des médicaments pour lutter contre les bactéries résistantes aux antibiotiques, les virus et le cancer.
Avec la ligne de faisceau de lumière du Centre canadien de rayonnement synchrotron, l’équipe de recherche a observé de tout près comment les mégaenzymes créent de puissants antibiotiques, des immunosuppresseurs et d’autres médicaments modernes.
Dans un article publié dans le numéro de mai de Nature Chemical Biology, l’équipe explique comment elle a pu visualiser le système mécanique d’une NRPS avec la ligne de faisceau du Centre canadien de rayonnement synchrotron.
Cette meilleure compréhension des processus de ces enzymes aidera à tirer parti des bactéries et des champignons pour la production des nouveaux composés souhaités en manipulant les microbes au lieu de s’en remettre à la synthèse organique, croit M. Schmeing.

Visualisation en 3D des enzymes (Photo : Université McGill)
Les enzymes NRPS peuvent produire une grande variété de composés, car leurs éléments constitutifs ne se limitent pas aux 20 acides aminés qui composent les protéines. L’équipe a utilisé la ligne de faisceau du Centre canadien de rayonnement synchrotron pour montrer que l’enzyme a évolué en « volant » des composants à une autre protéine, ce qui permet aux enzymes NPRS d’accéder à plus de 500 autres types de blocs de construction pour fabriquer les nombreux composés différents des médicaments.
Les scientifiques ont longtemps été enthousiasmés par le potentiel de la bio-ingénierie des NRPS en identifiant l’ordre des éléments constitutifs et en réorganisant les postes de travail dans l’enzyme pour créer de nouveaux médicaments, mais l’effort est rarement couronné de succès.
L’article est intitulé : Structural basis of keto acid utilization in nonribosomal depsipeptide synthesis. Les membres de l’équipe de recherche sont : Martin Schmeing, Diego A. Alonzo, Clarisse Chiche-Lapierre et Michael J. Tarry (Université McGill) et Jimin Wang (Université de Yale).
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RCI avec des informations du Centre canadien de rayonnement synchrotron et de l'Université McGill.
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