Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), fait une déclaration aux médias sur la réaction à l'épidémie du virus COVID-19 au siège de l'OMS à Genève, en Suisse. (Salvatore Di Nolfi/The Associated Press)

Braves pressions du Canada pour que Taïwan assiste aux réunions de l’OMS

Le gouvernement canadien a décidé de se ranger dans le camp américain qui cherche à convaincre l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de donner le statut d’observateur à Taïwan, invoquant le fait que cette grande île au large de la Chine a développé une expérience exceptionnelle et enviable dans le combat contre le coronavirus.

Le geste américain s’inscrit cependant sur fond de tensions économiques et politiques entre les États-Unis et la Chine, entre la Chine et Taïwan et entre les États-Unis et l’OMS. Les États-Unis ont temporairement interrompu le financement de l’organisation en raison de leur évaluation prétendument inadéquate de la menace initiale de la COVID-19 lorsque le nouveau coronavirus a fait son apparition dans la ville chinoise de Wuhan.

Rappelons aussi que la Chine considère Taïwan comme une province dissidente et juge depuis 1949 que toute ouverture de soutien international à cette île est une ingérence dans ses affaires intérieures.

Enfin, il y a le fait que le Canada est lui-même en conflit avec la Chine sur ce qu’il appelle l’emprisonnement « arbitraire » de deux de ses citoyens, Michael Kovrig et Michael Spavor. Ces arrestations qui sont largement perçues comme un geste de représailles pour l’arrestation d’une responsable de la compagnie Huawei en sol canadien à la demande d’un département américain de la Justice.

Mais que vient faire le Canada dans cette galère?

Le Canada a une « politique d’une seule Chine » qui ne reconnaît pas Taïwan comme une entité politique souveraine. Pourtant, comme plusieurs autres nations, il entretient avec l’île des relations commerciales intenses. Le dossier de l’inclusion éventuelle de Taiwan comme pays observateur aux discussions de l’OMS s’inscrit dans ce courant.

Le Canada estime que, quels que soient les différends qui peuvent exister entre les pays, une organisation comme l’OMS doit travailler pour le plus grand bien de tous sans égard aux frontières.

Le Canada est loin d’agir seul. Il fait partie d’une large coalition de pays qui font valoir à l‘OMS les mêmes arguments. Un haut responsable du gouvernement canadien, s’exprimant il y a quelques jours sous le couvert de l’anonymat en raison du caractère sensible de la situation, a déclaré que la démarche canadienne à l’inclusion de Taïwan aux travaux de l’OMS avait été effectuée conjointement jeudi dernier par les ambassadeurs du Canada, de l’Australie, de la
France, de l’Allemagne, de la Nouvelle-Zélande, de la Grande-Bretagne, du Japon et des États-Unis, basés à Genève. Les représentants de Washington et de Tokyo ont pris la tête du mouvement.

Le ministre canadien des Affaires étrangères François-Philippe Champagne a depuis confirmé la décision. « Le Canada continue à soutenir la participation significative de Taïwan dans les forums multilatéraux internationaux où sa présence apporte des contributions importantes au bien public », a dit M. Champagne.

Taïwan pendant la pandémie : les enfants sont à l’école et les parents travaillent. (CBC Marketplace)

La santé mondiale avant la géopolitique

« Nous pensons que le rôle de Taïwan en tant qu’observateur non étatique aux réunions de l’Organisation mondiale de la santé est dans l’intérêt de la communauté internationale et est important pour la lutte mondiale contre la pandémie de COVID-19″, a-t-il dit.

François-Philippe Champagne et le premier ministre Justin Trudeau ont tous deux mentionné que des exercices de pointage du doigt et des leçons apprises peuvent être effectués plus tard, après que la pandémie aura été maîtrisée.

Une décision est attendue dans six jours à l’assemblée de l’OMS. Plusieurs estiment cependant que l’OMS ne reconnaîtra pas l’expertise de Taïwan dans le combat contre le coronavirus parce qu’elle ne veut pas provoquer la colère de la Chine.

La Chine dirige ses attaques avant tout vers la Nouvelle-Zélande

Lundi, la Chine a dénoncée les pressions du Canada et de pays alliés pour permettre à Taïwan d’accéder à l’Organisation mondiale de la santé, en disant à ces pays de se mêler de leurs affaires.

« En ce qui concerne la participation de la région de Taïwan aux activités de l’OMS, la position de la Chine est claire et cohérente. Le principe d’une seule Chine doit être respecté », a lancé le porte-parole Zhao Lijian.

Alors qu’il parlait directement des pressions exercées par la Nouvelle-Zélande, Zhao Lijian a donné cet avertissement : « Nous sommes fermement résolus à maintenir notre souveraineté, notre indépendance et notre intégrité territoriale. Personne ne doit se faire d’illusions sur les questions concernant les intérêts fondamentaux de la Chine. »

Zhao Lijian (Greg Baker/AFP/Getty Images)

La position canadienne appuyée par le chef conservateur Andrew Scheer

Le chef du Parti conservateur, qui a récemment fait part de ses inquiétudes quant à l’exactitude des données de l’OMS sur la pandémie et à l’influence de la Chine sur les décisions de l’organisme international, soutient le gouvernement de Justin Trudeau dans ses démarches.

« Les conservateurs demandent depuis longtemps que Taïwan puisse participer à des organisations comme l’OMS et à l’Autorité de l’aviation civile », a déclaré Andrew Scheer aux journalistes à Ottawa lundi.

« Ces types d’entités qui fournissent des conseils et des services axés sur la santé et la sécurité des personnes dans le monde entier ne devraient pas être influencés par la politique mondiale et par les positions en politique étrangère de la République populaire de Chine », a-t-il ajouté.  

« Nous serions très favorables à la participation de Taïwan dans ce type d’organisations. »

Au mois d’avril, le chef conservateur Andrew Scheer se disait « très préoccupé » par les résultats de l’OMS en matière de pandémie et par ses relations avec le régime communiste en Chine. (CBC NEws)

RCI avec CBC News et La Presse canadienne

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