Des manifestants antigouvernementaux à Hong Kong se battent avec la police anti-émeute mercredi lors d'une manifestation organisée à l'occasion de la deuxième lecture d'une loi controversée sur l'hymne national. (Tyrone Siu/Reuters)

Condamnation du Canada sur Hong Kong et riposte chinoise dans l’affaire Huawei

En un peu plus de 24 heures, les tensions entre le Canada et la Chine ont augmenté de plusieurs crans dans deux dossiers, un politique à Hong Kong et l’autre juridique au Canada.

Au sujet de Hong Kong d’abord, le Canada s’est joint à ses principaux alliés jeudi pour condamner la Chine d’avoir imposé une nouvelle loi de sécurité nationale à Hong Kong.

La déclaration commune du Canada, des États-Unis, de l’Australie et de la Grande-Bretagne fait état le leur « profonde préoccupation » avec une loi qu’ils disent être « en conflit direct » avec les « obligations internationales de la Chine en vertu des principes de l’accord juridiquement contraignant » qui a vu la Grande-Bretagne remettre son administration de Hong Kong à la Chine le 1er juillet 1997.

La déclaration précise que « Hong Kong a prospéré comme un bastion de la liberté. La communauté internationale a un intérêt important et de longue date dans la prospérité et la stabilité de Hong Kong ».

Des dizaines de milliers de manifestants protestent contre une loi qui permettrait d’extrader des personnes vers la Chine pour y être jugées. (Associated Press / Kin Cheung)

Les cinq pays alliés ajoutent : « L’imposition directe d’une législation sur la sécurité nationale à Hong Kong par les autorités de Pékin […] réduirait les libertés du peuple de Hong Kong et, ce faisant, éroderait de manière spectaculaire l’autonomie et le système qui ont fait sa prospérité.

La Chine a réagi pour sa part jeudi aux menaces américaines de retirer le statut commercial spécial de Hong Kong, et d’imposer de nouvelles sanctions à Pékin. Un porte-parole du bureau du gouvernement central chinois à Hong Kong a qualifié ces menaces d’intervention de « gangster » dans les affaires intérieures de la Chine, « et de piétinement brutal des principes de base du droit international et des relations internationales ».

Le porte-parole a exhorté les États-Unis à abandonner leur opposition au changement de politique chinoise, qu’il a qualifié de « distorsion délibérée de la politique un pays, deux systèmes ».

« La législation sur la sécurité nationale relève du pouvoir et de la responsabilité du gouvernement central et ne relève pas de l’autonomie de la Région administrative spéciale de Hong Kong », peut-on lire sur le site web officiel du gouvernement de Hong Kong.

Le Canada est pris entre l’arbre et l’écorce

Meng Wanzhou munie d’un bracelet électronique à la cheville quitte sa résidence à Vancouver. (Jeff Vinnick/Getty Images)

Le Canada a lui aussi été la cible jeudi du mécontentement chinois dans l’autre pomme de discorde entre les deux pays, soit le jugement d’une cour canadienne de justice de poursuivre les procédures d’extradition aux États-Unis d’une dirigeante de la firme Huawei.

Rappelons que l’arrestation de Meng Wanzhou par la GRC à l’aéroport de Vancouver en décembre 2018 a placé le Canada au coeur de tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine.

L’ambassade de Chine à Ottawa a dénoncé jeudi avec colère la décision mercredi de la Cour suprême de Colombie-Britannique dans l’affaire d’extradition de Mme, qui est recherchée pour fraude aux États-Unis. Puis, elle a demandé une fois de plus sa libération immédiate.

Une pluie de commentaires acerbes est ensuite apparue dans les médias chinois soutenus par l’État, dont une grande partie tourne en dérision le rôle du Canada dans cette affaire où les États-Unis veulent pouvoir traduire la dirigeante de Huawei en justice.

Meng Wanzhou quitte son domicile pour la Cour suprême de Colombie-Britannique à Vancouver mercredi matin. (Ben Nelms/CBC)

Le Canada serait un « clown pathétique »

Dans un article paru dans le Global Times, journal dirigé par le Parti communiste, un expert chinois affirme que la décision « fera du Canada un clown pathétique et un bouc émissaire dans la lutte entre la Chine et les États-Unis ».

« Huawei ne s’inclinera pas devant les États-Unis pour la détention injustifiée d’un individu, et le géant chinois de la technologie, qui a survécu à la répression implacable des États-Unis, avancera au milieu des vents contraires comme un avion à réaction criblé de balles, mais qui poursuit sa mission », ajoute l’expert Xiang Ligang, un analyste industriel.

Le Global Times cite aussi He Weiwen, un ancien haut fonctionnaire chinois du commerce qui déclare que le verdict rendra les relations entre le Canada et la Chine « pires que jamais », et que cela se vérifiera dans des futurs échanges commerciaux. « Vous pouvez toujours donner des projets ou des commandes à d’autres pays, au lieu de vous limiter à un seul pays », a-t-il dit.

Un éditorial du China Daily, dirigé par le Parti communiste, contient des propos cinglants à l’égard du Canada : « Le Canada est sous pression depuis le début, alors qu’il aurait pu bénéficier de la guerre commerciale entre les deux plus grandes économies du monde », est-il écrit. « L’abus de leur traité d’extradition par les États-Unis et le Canada est déplorable », ajoute-t-on.

« Cette décision signifie que les États-Unis et le Canada continuent d’abuser de leur traité d’extradition bilatéral pour attaquer Huawei, peut-on lire dans l’éditorial. La traque de Meng fait partie de la chasse aux sorcières des États-Unis contre le géant chinois des équipements de télécommunications, que Washington fait tout son possible pour étrangler. »

« Ottawa essaie de se présenter comme innocent de tout méfait, en prétendant que c’est une question juridique qui devrait être laissée aux tribunaux. Pourtant, sa décision d’arrêter Meng était clairement motivée par des raisons politiques, ou peut-être serait-il plus exact de dire qu’elle était motivée par des raisons économiques, puisqu’elle est intervenue alors qu’il était engagé dans des négociations commerciales avec Washington. Elle aurait dû agir avec prudence pour éviter d’être entraînée dans les manigances de Washington », note-t-on.

Et cela a « effectivement anéanti les espoirs de mettre fin à l’incident et de rétablir les relations entre le Canada et la Chine ».

Une décision juridique et non politique affirme le Canada

Le ministre des Affaires étrangères du Canada, François-Philippe Champagne, affirme que le jugement contre la dirigeante de Huawei n’avait rien de politique.

« Le système judiciaire canadien fonctionne de manière indépendante, et la décision prise aujourd’hui relative au chef de double incrimination dans la procédure d’extradition de Meng Wanzhou est une décision indépendante de la Cour suprême de la Colombie-Britannique », a-t-il déclaré par communiqué.

« Cette décision n’est qu’un aspect d’un processus juridique comportant plusieurs étapes. Le gouvernement du Canada continuera à faire preuve de transparence en ce qui concerne le processus d’extradition de Mme Meng», a-t-il ajouté.

Le Canada n’a pas à « justifier » la décision d’extradition de Mme Meng, affirme le ministre des Affaires étrangères François-Philippe Champagne. (CP)

Représailles chinoises à prévoir contre deux Canadiens et contre le Canada

Charles Burton, un expert de la Chine de l’Institut Macdonald-Laurier qui a été diplomate à Pékin, estime que deux Canadiens emprisonnés en Chine et accusés d’espionnage en 2018 peu de temps après l’arrestation à Vancouver de Meng Wanzhou vont être la cible de représailles.

« Je crains que Michael Spavor et Michael Kovrig ne soient contraints de faire de faux aveux à la télévision chinoise, suivis d’un faux procès secret et d’éventuelles condamnations à mort, généralement assorties d’un sursis de deux ans avant la commutation en prison à vie. »

David Mulroney, l’ambassadeur canadien en Chine entre 2009 et 2012, est du même avis. « Malheureusement, deux Canadiens innocents, Michael Spavor et Michael Kovrig, porteront le poids de cette colère. Il est probable que les détentions seront prolongées jusqu’à ce que la Chine ait des éclaircissements sur le sort éventuel de Mme Meng. Malheureusement, cela pourrait prendre un certain temps », a déclaré M. Mulroney.

Fen Hampson, expert en sécurité mondiale à la Norman Paterson School of International Affairs de l’Université de Carleton en Ontario, estime qu’au nom des relations commerciales et du bien-être des deux détenus canadiens en Chine, le ministre des Affaires étrangères devra intervenir politiquement pour mettre fin à l’affaire plutôt que de la laisser se jouer devant les tribunaux pendant des années.

« Quoi qu’il arrive, cela finira sur le bureau du ministre de la Justice. C’est lui qui doit décider si elle sera extradée ou non. D’une certaine manière, vous retardez l’inévitable. Le gouvernement devra toujours prendre cette décision. »

LISEZ : La dirigeante de Huawei détenue au Canada pourrait être extradée vers les É.-U.

Un juge de la Cour suprême de la province canadienne de la Colombie-Britannique a décidé que la procédure d’extradition vers les États-Unis contre Meng Wanzhou devait se poursuivre.  (Photo : THE CANADIAN PRESS/Jonathan Hayward)

RCI avec La Presse Canadienne, CBC News, National Post

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