(Photo : Stadtratte/iStock)

Le déficit canadien et la pandémie : certains en sont inquiets, d’autres non

En prévision de la première mise à jour budgétaire fédérale depuis décembre 2019, mercredi après-midi, les partis d’opposition et le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) ont fait part de leur appréciation de la gestion des finances publiques par le gouvernement canadien dans le contexte de la pandémie. Les priorités et les perceptions à ce sujet varient beaucoup. 

En dépit des prévisions d’un déficit de plus de 300 milliards de dollars mentionnées par certaines sources, le CCPA a présenté une analyse qui montre que le financement fédéral des interventions d’urgence pour lutter contre la COVID-19 a réduit le déficit des ménages canadiens de 203 milliards. 

L’analyse, réalisée par David Macdonald, économiste principal au CCPA, montre comment un fardeau économique substantiel a été transféré aux travailleurs, aux étudiants, aux familles, aux personnes âgées et aux entreprises, qui ont été soutenus par les dépenses du déficit gouvernemental, ce qui pour le chercheur représente une amélioration par rapport au déficit fédéral historiquement élevé de cette année.

« Les faucons de l’austérité vont réclamer à grands cris des réductions de dépenses et des privatisations, mais ils passent à côté d’un point important : le leadership du gouvernement en cette période de crise mondiale sans précédent a sauvé des vies et maintenu les travailleurs et les entreprises à flot en investissant dans des programmes d’urgence qui ont fait de la santé publique la priorité. Il suffit de regarder vers le sud des États-Unis pour voir ce qui se passe quand la santé publique n’est pas mise en avant. » David Macdonald

Selon le CCPA, ce qui manque souvent dans le débat sur le déficit c’est la notion qu’un déficit dans un secteur de l’économie, comme le gouvernement fédéral, se traduit toujours par un excédent de même ampleur dans un autre secteur, dans ce cas, les ménages et les entreprises au moment où ils en ont le plus besoin.

Le revers de la médaille du déficit de 273,8 milliards de dollars prévu en 2020-2021 est que les dépenses ont entraîné les excédents suivants :

    • Ce sont les ménages qui en bénéficient de loin le plus : 202,9 milliards en 2020-2021. Cela devrait être suffisant pour que le secteur des ménages enregistre un excédent, une position qu’il n’a pas connue depuis 1997.
    • Le secteur des entreprises est le deuxième bénéficiaire du déficit fédéral avec 37,1 milliards.
    • Les provinces et les municipalités sont les troisièmes à bénéficier du déficit fédéral, en grande partie grâce au programme de soutien proposé de 14 milliards.
« Les plus grands bénéficiaires du déficit fédéral sont ceux qui ont perdu leur emploi ou leurs heures de travail pendant la pandémie. Le deuxième groupe le plus important qui bénéficie du déficit est celui des personnes qui risquent de perdre leur emploi, mais qui sont soutenues par diverses aides salariales en raison de la baisse des recettes des entreprises.

Les déficits ou les excédents, quel que soit le secteur, ne se produisent jamais en vase clos, un autre secteur de l’économie canadienne doit être de l’autre côté. Dans ce cas, le déficit sauve des vies et des entreprises, à un moment où les coûts d’emprunt fédéraux sont à leur plus bas niveau jamais atteint. » David Macdonald

L’opposition veut qu’on reprenne le contrôle des finances du pays

Les partis d’opposition ont déclaré qu’ils s’attendaient à ce que le ministre des Finances Bill Morneau fournisse un plan pour remodeler les mesures d’aide d’urgence, qui devraient expirer à l’automne, et pour maîtriser les dépenses et les déficits, a indiqué La Presse canadienne.

Cependant, selon leurs plateformes politiques, chaque parti a une conception de ce que ce contrôle peut signifier.

Le leader du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a dit en conférence de presse mercredi matin que le gouvernement canadien doit continuer de soutenir ceux qui sont les plus touchés par la pandémie.

Les femmes ont été les plus touchées. Ottawa doit maintenir ses promesses envers elles. Jagmeet Singh

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, avant sa conférence de presse, le mercredi 8 juillet 2020 à Ottawa. (Photo : THE CANADIAN PRESS/Adrian Wyld)

Récemment, le porte-parole du NPD pour le Conseil du Trésor, Matthew Green, avait demandé au gouvernement libéral de mettre en place un impôt sur la fortune pour le 1 % des personnes les plus riches du Canada, ce qui pourrait, selon le parti, récupérer d’importantes sommes d’argent qui irait ultimement aux Canadiens en forme de services sociaux.

« La nouvelle analyse du DPB [directeur parlementaire du budget] montre clairement que la concentration de la richesse dans la tranche de 1 % des plus riches est un problème encore plus important que ce que les précédents rapports du gouvernement laissaient entendre. Et il semble qu’il y ait eu certaines omissions intentionnelles de la richesse pour maintenir les Canadiennes et Canadiens dans l’ignorance. Lorsque le magazine Canadian Business a une meilleure compréhension de la richesse individuelle et de sa répartition dans ce pays que le gouvernement fédéral, nous avons un gros problème. »Matthew Green

Le rapport du DPB, croit le NPD, explique un nouveau modèle pour comprendre la répartition des richesses au Canada et révèle que les familles les plus riches détiennent plus de 25 % des richesses, tandis que les 40 % les plus pauvres en détiennent un peu plus de 1 %.

Une baisse sans précédent de la production économique et de l’emploi, qui réduira les revenus que le gouvernement devrait recevoir cette année, contribue également à alimenter le déficit.

Pour sa part, le Parti conservateur et son critique en matière de finances, Pierre Polièvre, exigent que le gouvernement canadien soit transparent et montre aux citoyens la réalité de ce qu’ils ont appelé « le gâchis financier » créé, à leur avis, par le gouvernement de Justin Trudeau.

Pierre Polièvre a affirmé que le Canada est entré endetté dans la crise et qu’après la pandémie, le fardeau ne sera que pire.

Le document que le ministre de Finances du Canada rend public mercredi fournit la vision du gouvernement pour l’économie des prochains mois. Le document ne comportera toutefois pas de prévisions quinquennales qui font traditionnellement partie des budgets fédéraux, en raison de la voie incertaine que prendra la pandémie.

En complément : 

RCI avec le Centre canadien de politiques alternatives, la Presse canadienne, le Nouveau parti démocratique et le Parti conservateur.
Catégories : Économie, Politique, Société
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