Les négociations entre le gouvernement fédéral et celui du Québec se poursuivent afin de mettre en place un programme de régularisation du statut des demandeurs d’asile qui ont prêté main-forte durant la crise de la COVID-19. Pendant ce temps, plusieurs de ceux surnommés « les anges gardiens » craignent d’être expulsés du pays.
Abderrahmane Sebbache est arrivé au Canada avec sa femme, Yasmina Dakar, et leur fils Djad. Ils sont passés par le chemin Roxham, à Saint-Bernard-de-Lacolle, qui est devenu l’un des principaux points d’entrée irréguliers empruntés par les demandeurs d’asile venant des États-Unis dans les dernières années.

Le couple travaille dans le domaine de la santé et pourrait être visé par le programme de régularisation que prépare Ottawa. PHOTO : COURTOISIE / ABDERRAHMANE SEBBACHE
Ils ont quitté l’Algérie à l’automne 2018 par crainte que leur fils soit enlevé et se sont rendus aux États-Unis. Ils ont ensuite pris le chemin du Canada, où leur famille s’est agrandie avec la naissance d’un autre enfant.
C’était un nouveau départ pour moi, notre famille. C’était comme une nouvelle vie, une nouvelle chance, une nouvelle naissance.
– Abderrahmane Sebbache
La petite famille, installée à Montréal, a reçu dernièrement une décision à la fois attendue et redoutée. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a tranché : leur demande d’asile a été rejetée.
« J’ai eu froid dans le dos et le moral dans les chaussettes. Mais c’est la vie, il faut s’y faire, avancer », affirme M. Sebbache, qui envisage de porter en appel la décision.
Cela suspendrait leur renvoi du pays.
Selon la lettre datée du 8 juillet 2020, la décision a été prise entre la fin de 2019 et le début de cette année.
Anges gardiens
Après avoir travaillé au sein de plusieurs agences de placement, Yasmina Dakar a trouvé un emploi comme préposée aux bénéficiaires à l’Ancien Pensionnat Côte-Saint-Paul, une résidence pour personnes âgées.
Son mari travaille à temps plein comme agent de sécurité pour le groupe Commissionnaires du Québec. En plus de ses heures normales, il fait aussi des heures supplémentaires dans des établissements de santé.

Plusieurs manifestations en soutien aux demandeurs d’asile travaillant dans les centres de soins ont été organisées ces dernières semaines, notamment devant le bureau de circonscription de Justin Trudeau, à Montréal.
PHOTO : THE CANADIAN PRESS / GRAHAM HUGHES
La petite famille place maintenant ses espoirs dans le programme de régularisation des demandeurs d’asile. Ce programme très attendu vise à octroyer la résidence permanente à ceux qui ont travaillé au front pendant que la pandémie faisait rage au pays.
« Ce programme, c’est ma seule attente. Si j’ai le choix entre gagner à la loto et ce programme, je préfère le programme », clame Abderrahmane Sebbache.
Ottawa et Québec ne s’entendent pas
L’annonce officielle de ce programme était attendue à la fin juin. Les grandes lignes ont déjà été présentées par le ministre fédéral de l’Immigration, Marco Mendicino, à des membres du gouvernement Trudeau, mais les négociations entre le gouvernement fédéral et Québec achoppent toujours sur les critères d’admissibilité.
Nous savons qu’il y a des gens extraordinaires qui font un travail héroïque pour offrir des soins et services aux Québécois et à travers le Canada, et nous devons chercher comment nous pouvons les aider et reconnaître leur travail.
–Kevin Lemkay, porte-parole du ministre Marco Mendicino
Selon les informations de Radio-Canada, Québec voudrait limiter le programme au personnel soignant. Toutefois, le gouvernement Legault démontrerait une « ouverture » pour offrir le programme à tous les établissements de santé et non seulement aux centres d’hébergement et de soins de longue durée, comme initialement affirmé par le ministre de l’Immigration de l’époque Simon Jolin-Barrette.
Le remaniement ministériel survenu le mois dernier a aussi retardé les discussions puisque celui qui est devenu ministre de la Justice a été remplacé par Nadine Girault. Sa porte-parole Flore Bouchon affirme brièvement que « les négociations se poursuivent avec le fédéral ».
En attendant les résultats de ces négociations, les demandeurs d’asile sont de plus en plus anxieux. « Les gens nous écrivent, nous appellent. Il y a de la désillusion, une peur d’être déporté. Les gens sont déçus », raconte Wilner Cayo, président de Debout pour la dignité
Des expulsions temporairement suspendues
Selon le porte-parole du ministre fédéral de l’Immigration, en raison de la pandémie, les expulsions sont suspendues, hormis pour de sérieux cas d’inadmissibilité, dont la sécurité, les violations des droits internationaux ou des droits de l’homme et la criminalité organisée.
– Avec les informations de Romain Schué
Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.