Le programme de régularisation, concernera uniquement de demandeurs d'asile ayant œuvré dans de centres de santé dans le cadre de la pandémie. (Photo : iStock/Igor Alecsander)

Nous aussi, nous sommes essentiels! : appel à un plan de régularisation élargi

Des demandeurs d’asile refusés, des migrants sans papiers, des étudiants et travailleurs étrangers temporaires ne pouvant pas faire partie du programme de régularisation que le gouvernement canadien présentera sont exclus. « Comme si ces personnes n’étaient pas essentielles », lance l’organisme Solidarité sans frontières.

Tel qu’on le rapportait mercredi, le gouvernement canadien se penche sur les modalités d’octroi de la résidence permanente à des demandeurs d’asile ayant joué un rôle essentiel dans le secteur de la santé pendant la pandémie au cours de deux derniers mois. 

« Cette politique n’est pas une loi, mais le contexte actuel représente une occasion sans précédent de faire pression pour demander que le programme de régularisation soit élargi pour inclure tout le monde, sans exception. Un statut pour toutes et tous! Chaque personne est essentielle. » Communiqué de Solidarité sans frontières

Le programme de régularisation, présenté mardi à des membres du Cabinet du premier ministre, concernera différents types d’employés comme les préposés aux bénéficiaires, les préposés à l’entretien ménager ou les agents de sécurité ayant œuvré dans les hôpitaux, centres de santé ou centres d’hébergement et de soins de longue durée. 

Ce qu’on sait sur le programme de régularisation

Pour sa part, Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles, a dit que ces personnes ont joué, et jouent encore, un rôle essentiel dans « l’effort de guerre » contre la pandémie au pays.

« Il y a des gens qui étaient sur les lignes de front, qui ont mis leur santé, parfois même leur vie, à risque. Ils ont été là aussi pour sauver la vie d’une mère, d’un père. C’est normal de se poser la question [pour] reconnaître vraiment leurs efforts », a ajouté Mélanie Joly

(Photo : iStock/Side Show Stock)

Colère, confusion et larmes

Selon le réseau Solidarité sans frontières, c’est ainsi que réagissent des personnes migrantes en apprenant que seules les personnes réfugiées travaillant dans le système de santé auront accès au programme de régularisation de M. Trudeau. L’organisation a recueilli plusieurs témoignages.
« Depuis que je suis au Canada, je travaille dans les services essentiels. J’ai toujours fait de l’entretien ménager. Avant, pendant et après la pandémie. Si je ne m’étais pas retrouvée sans papiers, je serais bénéficiaire de cette loi qui va privilégier les travailleurs demandeurs d’asile oeuvrant dans les services essentiels. Moi, je suis ici depuis des années. Je ne suis pas venue par le chemin Roxham. Je ne suis pas une nouvelle demandeuse d’asile. Mais je pense que je mérite aussi d’avoir la résidence permanente. Mon travail, mon sacrifice ne sont pas reconnus parce que je suis sans papiers ou que je ne réponds pas aux critères actuels. Ceux que vous voulez remercier font du bon travail. Moi aussi, j’étais comme eux, mais la COVID n’existait pas. Alors, je demande aux gouvernements de ratisser large. Je pense aussi aux milliers de personnes qui sont bannies du système. Pourtant nous vivons et travaillons aussi pendant cette pandémie. Nous réclamons la résidence permanente pour tous et toutes! »Florence, migrante sans-papiers
« Je travaille comme garde de sécurité en production alimentaire. Mon travail, c’est de m’assurer que les personnes respectent les règles de distanciation sociale, d’hygiène des mains, etc. du gouvernement. J’ai travaillé tout au long de la crise, parfois plus de 40 heures par semaine. Je m’expose à de nombreuses personnes et me mets à risque. J’utilise les transports en commun pour aller travailler tous les jours, parce que je n’ai pas le choix. Pendant que les citoyen.ne.s et les résident.e.s permanent.e.s peuvent rester à la maison et recevoir l’aide d’urgence, je dois prendre des risques pour aider à nourrir la population. Nos patrons nous traitent comme des héros, ils nous envoient des messages d’encouragements et de remerciements. Mais le gouvernement nous a exclus du programme de régularisation. » Karim, demandeur d’asile dont la demande a été refusée
« Ça fait huit ans que je suis au Canada avec ma mère. Moi aussi j’ai travaillé dans une résidence pour personnes âgées, moi aussi j’étais la femme à tout faire pendant sept ans. Moi aussi j’ai contribué à l’économie du Canada, et j’ai acquis de l’expérience au Québec. Pourquoi nous exclure? Où sont les valeurs humaines du Canada dans cette décision de régulariser certaines personnes? Que deviendront ma mère et des milliers de personnes comme nous? Nous avons le droit de vivre comme les autres sans peur, sans injustice et sans discrimination. Nous sommes tous essentiels. » Lili, une demandeuse d'asile n'ayant pas été acceptée, actuellement sans-papiers.
« Personne ne choisit de quitter son pays par plaisir, de recommencer sa vie de zéro, de ne pas savoir si elle sera acceptée ou non. Personne ne choisit de vivre la vie stressante que nous vivons quotidiennement, nous trouvons quand même la force de travailler et d’aider nos familles, ici ou dans nos pays. Certains d’entre nous font le travail le plus difficile, souvent refusé par les Canadiens. Nous devons accepter les défis, les mauvais traitements et les injustices, parce que vous n’avez pas pensé à nous. Vous avez décidé que seuls certains d’entre nous méritent la résidence. Mais la liste des travailleurs essentiels est bien plus longue. Nous faisons aujourd’hui face au moment le plus difficile de nos vies. Unissons-nous pour faire face à ce défi. »Rachel, une mère migrante dont le statut est précaire au pays

(Photo : iStock/Pixfly)

Solidarité sans frontières et d’autres organismes d’aide aux personnes migrantes ont lancé une pétition pour que le programme de régularisation soit élargi.

En entrevue avec Radio-Canada, le juge Guillaume Cliche-Rivard, président de l’Association québécoise des avocats en droit de l’immigration, a affirmé qu’un tel élargissement, qui inclurait notamment les demandeurs d’asile travaillant dans le secteur alimentaire et les épiceries, serait un « scénario idéal ».

En complément : 

RCI avec Solidarité sans frontières et Radio-Canada. 
Catégories : Économie, Immigration et Réfugiés, Politique, Société
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