Des chercheurs de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ont documenté ce fait dans une recherche menée l’hiver dernier, dont les résultats ont été publiés récemment.
Cette recherche, financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), a été réalisée par le Laboratoire de recherche sur la santé au travail du Département de psychologie, en collaboration avec le Réseau alternatif et communautaire des organismes en santé mentale de l’île de Montréal. Elle a permis d’interroger 851 travailleurs communautaires - intervenants, membres de la direction, personnel de soutien - qui œuvrent majoritairement sur l’île de Montréal et dans d’autres régions du Québec. (Source : communiqué UQAM).
Selon les grandes tendances qui se dégagent de cette étude, l’épuisement professionnel toucherait au moins 20 % des travailleurs en milieu communautaire (un travailleur sur cinq).
Le travail en milieu communautaire n’est pas aussi simple que cela puisse paraître. La recherche, qui a été menée avant le début de la pandémie révèle des niveaux de stress assez important chez le personnel, ce qui est révélateur d’un mal qui peut être encore plus profond en cette période de crise sanitaire où la demande des services crée une pression supplémentaire sur les centres communautaires qui sont plus sollicités que jamais.
C’est ainsi qu’en dehors de la présente recherche, les chercheurs envisagent une nouvelle étude qui portera essentiellement sur la situation qui prévaut depuis l’éclosion de la pandémie. Un questionnaire est déjà disponible en ligne et les travailleurs communautaires y répondent déjà.
La présente recherche, dont les résultats sont d’ores et déjà publiés, a connu la collaboration de professeurs et de doctorants de l’UQAM, dont Janie Houle, François Lauzier-Jobin, Alexandra Giroux et Stéphanie Radziszewski. Cette étude est parmi les premières qui permettent de documenter la question de la santé psychologique des travailleurs en milieu communautaire au Québec.
« Ces personnes s’investissent énormément dans leur travail, quitte à laisser de côté leur vie personnelle et leur santé mentale », dit l’étudiante Alexandra Giroux.
« Elles doivent composer avec des enjeux particuliers, comme des cas lourds, et leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur », a-t-elle ajouté.
La générosité sans limites des travailleurs comme facteurs aggravants
Parmi les facteurs qui influent sur la santé mentale et contribuent à l’épuisement professionnel des travailleurs des milieux communautaires, l’étude mentionne la charge de travail trop importante aussi bien sur un plan quantitatif qu’émotionnelle qui modifie leur humeur et diminue leur efficacité, et la faible rémunération.
« Les travailleurs se sentent coupables de s’absenter en raison de la maladie, ne serait-ce que pour une journée. Ils ont l’impression de laisser tomber à la fois les usagers et leurs collègues, qui hériteront de leurs tâches. Et quand ils osent rester à la maison, ils ne récupèrent pas, car ils ont encore la tête au travail », mentionne Sophie Meunier.
L’étude a permis de mettre en évidence la pauvreté qui concerne le quart des travailleurs qui se sentent en situation de vulnérabilité et d’insécurité au travail.
« Les organismes doivent souvent se battre pour trouver des sources de financement essentielles à leur survie, et le processus pour ces demandes est souvent très lourd », affirme Mme Giroux.
Les chercheurs ont souligné un paradoxe qui découle de cette étude, en raison du double sentiment d’épuisement et de bien-être qui peut animer un travailleur communautaire au courant d’une même journée. Plusieurs facteurs expliquent cela : l’appui des collègues et des superviseurs, le sentiment d’inclusion en raison de leur participation au processus de prise de décisions, la satisfaction personnelle de contribuer à faire la différence dans la vie des personnes qui sollicitent l’aide des centres communautaires.
Un total de 21 travailleuses et travailleurs communautaires du secteur de la santé et services sociaux au Québec y ont pris part. Il fallait identifier les caractéristiques du milieu de travail qui influencent le plus leur santé psychologique au travail.
De novembre 2019 à janvier 2020, 851 travailleuses et travailleurs du secteur de la santé et services sociaux ont répondu à un questionnaire autorapporté en ligne.
Ce questionnaire comprenait des échelles validées, visant à mesurer les caractéristiques identifiées lors de groupes de discussion, ainsi que le bien-être psychologique et l’épuisement professionnel.
Les chercheurs n’ont pas calculé la marge d’erreur, étant donné qu’elle n’est pas utilisée en psychologie, mais elle est plutôt faible (2 et 3 %), au regard du grand nombre de participants aux questionnaires.
Avec des informations issues du site Actualités.uqam.ca
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