Alors que des millions de Canadiens subissent les conséquences financières de la pandémie de COVID-19, les 20 principaux milliardaires du pays ont amassé un total combiné de 37 milliards de dollars au cours des six mois les plus catastrophiques de l'histoire économique du Canada, selon une étude du Centre canadien de politiques alternatives. (Image : iStock/Feodora Chiosea)

En pleine pandémie, la fortune des Canadiens les plus riches s’est accrue de 37 milliards

Tout au long de cette pandémie, on a souvent entendu la phrase : « nous sommes tous dans le même bateau ». Mais selon Michal Rozworksi, associé de recherche au Centre canadien des politiques alternatives (CCPA) et coauteur d’un récent rapport sur les iniquités financières créées par la pandémie, cette prémisse est loin d’être vraie. 

« Il est clair que la riche minorité vit dans un monde très différent du reste d’entre nous. »Michal Rozworksi

Les chercheurs Alex Hemingway et Michal Rozworski du CCPA ont examiné la différence entre la richesse actuelle des milliardaires et le rapport Forbes de l’année dernière (un instantané du 8 février 2019), car certains de ceux qui figurent sur la liste ont vu leur richesse diminuer temporairement lorsque les marchés boursiers ont plongé en mars de cette année.

« Toutefois, il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour les milliardaires canadiens : les 20 principaux ont accumulé collectivement plus de 28 milliards de dollars de gains de richesse par rapport à 2019.

Avec ces augmentations, la richesse totale des 20 principaux milliardaires du Canada s’élève désormais à 178 milliards de dollars. » Alex Hemingway et Michal Rozworski

Selon les deux chercheurs ayant réalisé cette étude comparative, ces données reflètent la séparation de plus en plus nette entre le marché boursier et l’économie réelle.

Dans l’ensemble, concluent Hemingway et Rozworski, les travailleurs canadiens continuent de souffrir des effets économiques de la crise, tandis que les milliardaires en profitent.

En effet, selon les données les plus récentes sur la population active, il y avait 1,1 million d’employés de moins au Canada qu’avant la pandémie, et 713 000 travailleurs supplémentaires étaient employés, mais ont perdu la moitié ou plus de leurs heures normales en raison de la pandémie.

Par ailleurs, les travailleurs peu rémunérés sont les plus touchés, et les données de Statistique Canada montrent que les femmes et les Canadiens racialisés sont surreprésentés parmi ces travailleurs.

(Photo : iStock/elenabs)

Un impôt aux fortunés

Hemingway et Rozworksi plaident en faveur d’un impôt sur la fortune, d’une campagne énergique contre les paradis fiscaux et d’une réforme de l’impôt sur les sociétés, affirmant que tout cela est essentiel pour une plus grande équité économique au Canada.

« Même avant la pandémie, les milliardaires canadiens possédaient près de 4500 fois la richesse d’une famille typique. Un impôt d’urgence sur les excédents de fortune à un moment donné et un impôt annuel sur la fortune devraient figurer parmi les propositions. »Alex Hemingway, économiste et analyste des finances publiques au bureau de la Colombie-Britannique du Centre canadien de politiques alternatives et auteur principal du rapport.

Le public s’est montré très favorable à des mesures qui feraient fi des milliardaires pour soutenir les travailleurs dans cette enquête menée fin mai et début juin et commandée par le Centre canadien des politiques alternatives en Colombie-Britannique.

  • 59 % des répondants étant favorables à une « augmentation du salaire minimum pour tous les travailleurs de première ligne dans le commerce de détail à 20 $ l’heure immédiatement ».
  • 77 % du public s’est également montré très favorable à l’obligation pour tous les employeurs d’accorder des congés de maladie payés à leurs travailleurs.
  • 83 % appuient le renforcement des mesures de protection de la santé et de la sécurité pour tous les travailleurs.

Hemingway fait aussi remarquer que si la richesse de plusieurs millions de dollars s’est rétablie et a augmenté, des millions de Canadiens sont aux prises avec les conséquences économiques de la pandémie.

Liste de gains de richesse pour les familles les plus riches du Canada pendant la pandémie. (Source : Centre canadien de politiques alternatives)

Les gains les plus importants concernent la fortune de la famille Thomson, propriétaire entre autres de l’agence de presse Thomson Reuters, avec une augmentation estimée à 8,8 milliards de dollars. Tobi Lutke de Shopify la suit de près avec une hausse de 6,6 milliards. Cela s’apparente à certains des gains amassés par des géants de la technologie comme Amazon et Apple au sud de la frontière.

La famille Weston, propriétaire de Loblaws, la chaîne de supermarchés la plus importante au pays, s’est classée troisième, tandis que le fondateur de Lululemon, Chip Wilson, a enregistré un gain de près de 3 milliards de dollars. (Le classement complet suit ci-dessous. Les données du rapport proviennent de la liste annuelle des milliardaires de Forbes).

« En même temps que les milliardaires comme le propriétaire de Loblaws, Galen Weston, ont vu leur fortune gonfler, les travailleurs de première ligne qui remplissent les rayons et scannent les épiceries de ses magasins ont continué à risquer leur santé et celle de leurs proches en venant travailler. »Alex Hemingway

Pour comble d’injure, ajoute-t-il, les travailleurs de première ligne des épiceries ont vu leur « augmentation salariale d’urgence » de 2 $ l’heure disparaître, alors que les propriétaires d’épiceries ont fait d’énormes profits.

(Photo : iStock/Pixfly)

Lors des premières semaines de la pandémie, l’initiative internationale sur la concurrence fiscale TaxCoop a voulu vérifier la réaction de ces ultrariches alors que l’on connaît la plus grande crise économique du siècle. Force est de constater que non seulement ces milliardaires s’enrichissent, mais ils redonnent très peu à la société.

« Que ce soit les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ou le « top 5 » des milliardaires canadiens, ils sont dans des industries qui ont profité de la crise, que ce soit dans le cyberespace ou au niveau de l’alimentation. On s’aperçoit que non seulement les dons ne sont pas au rendez-vous, mais que ces mêmes personnes-là ont profité de la crise. » Brigitte Alepin, fiscaliste et spécialiste de la politique fiscale au sein de TaxCoop

Avec des informations du Centre canadien de politiques alternatives et TaxCoop. 


En complément : 

Catégories : Économie, Politique, Société
Mots-clés : , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.