Les Autochtones argumentent que les changements aux lois environnementales provinciales faits par le gouvernement de l'Ontario, et en raison desquels ils le défient en justice, ont été faits en utilisant la pandémie comme excuse alors qu'ils n'ont rien à voir avec elle. (Photo : iStock-Paul Hartley)

Protection des forêts | Trois Premières Nations défient l’Ontario en justice

Une procédure judiciaire a été entamée par trois nations autochtones de l’Ontario pour contester les changements « draconiens » apportés par le gouvernement provincial à la Loi sur l’évaluation environnementale (LEE) et à l’Évaluation environnementale de portée générale sur la gestion forestière.

Les Premières Nations Temagami, Fort Albany et Eagle Lake assurent que leurs terres ancestrales sont mises en danger par « ces décisions unilatérales » du gouvernement ontarien et qu’elles devraient être considérées comme inconstitutionnelles.

« L’Ontario annule une fois de plus unilatéralement toutes les protections pour lesquelles notre peuple s’était tant battu, nous protestons pour protéger n’Daki Menan, notre patrie ancestrale.

Nous avons fait l’expérience directe de la destruction écrasante que les routes ont causée à nos terres et à notre peuple, à nos valeurs et à notre mode de vie. Nous voulons être consultés et accommodés de manière significative afin de garantir notre consentement libre, préalable et éclairé.

Nous voulons assurer la protection des sites environnementaux, sacrés et sensibles, tels que les anciennes forêts de croissance qui subsistent dans la région de Temagami. C’est notre responsabilité, comme Anishnabek.»Shelly Moore-Frappier, chef de la Première Nation Temagami.

Au mois de juillet, l’Ontario a approuvé le projet de loi 197 par le biais d’une loi-cadre intitulée Loi de 2020 visant à favoriser la reprise économique face à la COVID-19.

Elle a été présentée le 8 juillet et adoptée le 21, moins de deux semaines plus tard. Les trois communautés autochtones concernées disent qu’aucune consultation n’a été faite.

De plus, affirment-elles, l’adoption du projet de loi 197 a été suivie de près de la révocation par le premier ministre Doug Ford de toutes les évaluations environnementales pour la sylviculture dans un règlement le 1er juillet.

L’Ontario explique les changements par « un besoin de moderniser les exigences en matière d’évaluation environnementale » prévues par cette loi.

Les plaignants ne sont pas d’accord. Pour eux, ces modifications à la LEE signifient que désormais, aucun projet public ne nécessitera une évaluation environnementale à moins que le ministre ne décide de la demander. 

Cela crée un régime discrétionnaire soumis à la fantaisie des politiciens au pouvoir, disent-ils. 

« L’effet combiné de la modification de la Loi sur l’évaluation environnementale et à toute évaluation environnementale future sur la gestion forestière laisse l’environnement, et les Premières Nations qui en dépendent et qui y sont liées par leurs propres identités et cultures, complètement vulnérables à un gouvernement provincial qui semble déterminé à nous faire reculer de 40 ans.

[De plus ], ces changements ont été réalisés en utilisant la pandémie comme excuse alors qu’ils n’ont rien à voir avec elle. »Kate Kempton, avocate des trois Premières Nations

L’industrie forestière a représenté en 2018 25,8 milliards de dollars (1,2 %) du produit intérieur brut (PIB) nominal du Canada en 2018. (Photo : THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick)

La révocation de toute évaluation environnementale pour la foresterie annule les conditions en vigueur depuis trois décennies, croient les Autochtones.

Selon eux, avant cette modification légale, les conditions sous lesquelles la foresterie de la vaste région avaient été établies après un processus d’audiences publiques de quatre ans. Au cours de cette période, plusieurs secteurs de la société ontarienne et des Premières Nations ont été entendus sur l’importance des forêts et sur la conséquences d’une exploitation sylvicole et d’autres sans autre examen ni surveillance.

Ces audiences ont été organisées en réponse à des années de protestations dans les forêts de l’Ontario qui ont été surnommées les « guerres des forêts ».

« Retirer aux Premières Nations tous ces droits et protections procéduraux et substantiels, surtout sans s’engager envers nous de bonne foi, risque de vider de leur sens nos droits ancestraux et issus de traités.

C’est une remise en cause de nos droits constitutionnels en vertu de l’article 35, l’exigence pour la Couronne d’agir honorablement avec nous et de travailler à la réconciliation. »Arnold Gardner, chef de la Première Nation d'Eag le Lake.

Le chef Robert Nakogee, de la Première Nation de Fort Albany, a pour sa part insisté sur le fait que de son point de vue, ces changements proposés par l’Ontario ne représentent pas un pas vers une réconciliation entre le gouvernement de la Couronne « qui a perpétré le colonialisme » et les gouvernements des premiers peuples qui ont « vécu et protégé ces environnements et ces terres depuis des temps immémoriaux ».

« Il ne s’agit pas de décolonisation. C’est de la déconstruction. Les Premières Nations se défendent. Nous cherchons à faire déclarer tout cela inconstitutionnel. » Robert Nakogee de la Première Nation de Fort Albany

La demande contre le gouvernement provincial a été déposée jeudi auprès de la Cour divisionnaire de l’Ontario. L’audience devant le juge aura lieu à Toronto, probablement au printemps.

Une cause similaire oppose les Premières Nations cries de Chapleau, Missanabie et Brunswick House de l’Ontario à la compagnie d’exploitation forestière Gordon Cosens.

Les Autochtones affirment que leur contestation porte sur le « refus du ministère de l’Environnement, de la Conservation et des Parcs de l’Ontario d’ordonner une évaluation environnementale ou d’imposer des conditions au plan de gestion forestière de Gordon Cosens », selon un communiqué de presse commun publié mardi.

Les trois Premières Nations ont également déclaré que la province ne les avait pas consultées correctement lors de l’élaboration de son plan de gestion.

Avec des informations du gouvernement de l'Ontario, gouvernement du Canada, site web de la Première Nation Chapleau Cree.

En complément :

Catégories : Autochtones, Environnement et vie animale, Politique
Mots-clés : , , , , , , , , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.