Musée canadien des droits de la personne. Winnipeg, Manitoba, Canada. Crédit : Istock

Musée canadien des droits de la personne : plan contre le racisme et la discrimination

Sur la sellette ces derniers temps en raison des allégations de racisme et de discrimination, le musée a publié jeudi un plan-cadre. Il est présenté par la nouvelle directrice générale Isha Khan comme un instrument qui va favoriser le retour de la sérénité dans ce lieu de travail, afin qu’il soit plus sûr et plus respectueux.

Ce plan d’action est intitulé Une approche globale pour lutter contre le racisme et la discrimination systémiques. Ces maux sont une réalité au sein de cette institution qui marque ainsi son engagement à appliquer une panoplie de mesures pour y mettre un terme.

Il est l’aboutissement d’un processus de consultation au mois d’octobre. Il a recueilli des avis en interne et à l’extérieur du musée. Quatre mois auparavant, un examen indépendant avait été mené pour déterminer dans quelle mesure le racisme et l’oppression systémiques touchent le Musée canadien des droits de la personne (MCDP) et son personnel. Cet examen avait permis de formuler 44 recommandations qui ont été prises en compte dans le plan publié jeudi.

Le plan permettrait au musée de réaliser les objectifs suivants :

– écouter et prendre en compte des perspectives diverses;
– cultiver une compréhension approfondie des principes de droits de la personne;
– se respecter et s’apprécier mutuellement dans le lieu de travail;
– veiller à ce que les relations avec la communauté soient constructives et significatives;
– faire preuve de respect pour les expériences vécues par les autres dans la façon dont le musée s’intéresse à leurs histoires et dans la manière dont il les racontent.

Le Musée des droits de la personne s’engage à lutter contre toutes les formes de racisme et de discrimination. Photo : iStock

Racisme et oppression systémiques : deux fléaux encrés au MCDP?

Le plan d’action remonte aux origines et présente les éléments qui ont entraîné le déclenchement d’une enquête indépendante au mois de juillet. Plusieurs voix se sont élevées, au début du mois de juin, parmi le personnel du MCDP, pour dénoncer certains faits de discrimination dont ils ont été victimes ou qui les ont visés directement.

C’est ainsi que le musée a exigé une enquête indépendante pour élucider les circonstances des événements rapportés et proposer des pistes de solution. Les résultats de la première phase d’examen interne ont été publiés dans un rapport intitulé Retour aux sources. La responsable de l’examen, Laurelle Harris, indique d’entrée de jeu que cette première phase du rapport a été rédigé sur les terres ancestrales et traditionnelles des peuples anishinaabe, cri, oji-cri, dakota et déné, et sur les terres de la Nation métisse, île de la Tortue.

Cette précision est symptomatique des liens qui pourraient exister entre les problèmes systémiques qu’ont été vécus par certains membres des communautés autochtones et les questions qui sont dénoncées au MCDP. Mme Harris indique dans le sommaire de son rapport que dans la foulée du décès de George Floyd, l’homme noir américain abattu par un policier blanc, et la mort de Breonna Taylor, toujours aux mains de la police, des protestataires avaient manifesté pacifiquement à Winnipeg et ils avaient marché du palais législatif du Manitoba jusqu’au MCDP, le 5 juin 2020.

Le jour suivant, le musée avait publié un message de soutien aux Noirs, mettant de l’avant le fait qu’il était nécessaire qu’un dialogue public soit ouvert pour aborder la question du racisme systémique et le rôle de la police dans les communautés locales. Ce message avait repris le slogan de la marche « No justice, No peace », ainsi que le mot-clé #BlackLivesMatter. Ce message a incité à une réaction d’un groupe d’anciens et d’actuels membres du personnel du MCDP.

Selon le rapport, ils ont montré leur opposition dans les médias sociaux au positionnement du MCDP comme un allié de personnes noires. Ils ont notamment indiqué que le musée était en proie au racisme systémique. Ils ont publié des témoignages sur Instagram dénonçant la discrimination et le racisme systémique contre les Noirs et les Autochtones. D’anciens membres ont rapporté qu’ils ont été visés par l’homophobie et présenté des faits de censure visant les contenus sur les personnes LGBTQ, à l’instigation de groupes qui souhaitaient réserver des visites scolaires.

Le musée avait aussi été interpellé dans les médias sociaux au sujet des allégations de harcèlement et d’agressions sexuelles. Les protestataires avaient déploré que le MCDP n’ait pas ouvert d’enquête adéquate. Dans son rapport, Laurelle Harris indique que 25 entretiens ont été menés avec des membres anciens et actuels du musée et qu’une équipe d’examen s’est penchée sur les témoignages, les traumatismes, les préjugés physiques émotionnels et financiers subis. Son rapport fait état d’un racisme omniprésent et systémique au musée.

« Les pratiques, les politiques et les actions de membres du personnel dans l’institution ont contribué à maintenir le racisme comme un système d’inégalité. Des personnes noires, autochtones et de couleur ont subi des conséquences négatives sur le plan physique, émotionnel et financier en raison de leurs expériences au sein de l’institution », affirme l’animatrice dans le rapport.

Cette dernière y fait mention d’une discrimination qui aurait directement visée des membres de la communauté LGBTQ en ces termes :

« L’hétérosexisme est présent dans toute l’institution, et certaines expositions contenant des contenus sur les personnes LGBTQ ont été omises ou cachées aux enfants lors de visites. Il semblerait qu’il y ait des comportements homophobes qui nécessitent un examen plus approfondi. »

Elle rapporte en fin de compte que des plaintes de harcèlement sexuel déposées par des femmes noires n’auraient pas fait l’objet d’une « enquête ou d’un traitement adéquat » avant l’automne 2016.

Parmi les maux qui ont été décriés au Musée des droits de la personne au cours des derniers mois figure en bonne place le harcèlement sexuel. Photo : iStock

Pour un conseil d’administration plus représentatif de la diversité

Sur la base de ces faits, l’animatrice a formulé des recommandations dans son rapport pour qu’un processus de réparation soit mis en place. Ces recommandations s’adressent au gouvernement du Canada, au conseil d’administration du MCDP et à la haute direction.

Dans son processus de nomination des membres du conseil d’administration, Ottawa devrait veiller à ce qu’il reflète la diversité de la société canadienne. Ce conseil devrait compter en tout temps au moins une personne des communautés LGBTQ2+, une personne noire et une personne autochtone, ainsi que d’autres membres de groupes visés par l’équité en emploi. Le rapport stipule que cette représentation « ne devrait pas être inférieure au tiers du total des neuf administratrices et administrateurs mandatés par la Loi sur les musées.

Des mesures provisoires appropriées devraient être prises par le gouvernement du Canada et le conseil d’administration pour entendre et prendre en considération les points de vue des membres des différentes communautés jusqu’à ce que le cycle normal des nominations ait constitué le conseil.

Ottawa devrait faire de son mieux pour nommer un directeur général ou une directrice générale qui soit membre d’une communauté PANDC. Le conseil d’administration devrait modifier le mandat du Comité pour la diversité et l’inclusion afin qu’il compte en tout temps au moins un membre des communautés mentionnées plus haut. Les politiques anciennes et futures de ce conseil devraient être analysées précédemment pour s’assurer de leur neutralité et du fait qu’elles respectent l’équité. Le conseil devrait fixer des objectifs pour la direction générale à ce sujet pour que cette dernière assure la promotion d’une culture de l’équité, de l’inclusion et de la responsabilité au sein du musée.

Par ailleurs, le conseil devrait inciter la direction générale à nouer des relations significatives avec les communautés noires, autochtones et LGBTQ2+, en particulier avec les communautés transgenres, bispirituelles et de diverses entités de genres. Les membres du conseil devraient suivre une formation obligatoire contre le racisme et contre l’oppression. Parallèlement, l’évaluation du rendement de tous les membres de l’équipe de la haute direction devrait comprendre des éléments qui permettent à chaque membre de s’engager personnellement à respecter les principes d’antiracisme et d’équité.

Le rapport suggère la création d’un poste de responsable de l’équité et des pratiques antiracistes au sein de cette institution. Celui-ci devrait, entre autres, créer une politique antiraciste et d’autres politiques visant à faire du musée un milieu de travail plus équitable et plus inclusif.

Les recommandations visent aussi la formation, les processus d’embauche, les interactions avec le public, la réconciliation, le contenu des visites et des programmes du musée, entre autres. La formation devrait bénéficier de ressources suffisantes pour des enseignements sur l’antiracisme, la lutte contre l’homophobie et le harcèlement sexuel, etc.

En ce qui concerne le recrutement, le processus devrait être plus transparent, plus neutre et plus équitable, avec l’adoption du modèle d’évaluation à l’aveugle de tous les C. V. et candidatures de personnes qui sollicitent un emploi. La reconnaissance des acquis et des expériences professionnelles est également recommandée.

Ces recommandations constituent le socle des 80 stratégies qui ont été formulées dans le plan du musée en vue de la réalisation des cinq objectifs fixés.

Il faut préciser que dans la foulée des dénonciations, John Young, l’ancien PDG du MCDP, en poste depuis cinq ans, avait annoncé sa démission en juillet. Sur la base des constats de la première phase, la deuxième phase de l’examen indépendant va permettre d’approfondir les analyses sur les questions de l’inclusion et d’équité au sein du musée.

Avec des informations du Musée canadien des droits de la personne, du rapport (Laurelle Harris) et Radio-Canada

Lire aussi :

Racisme : le Musée canadien des droits de la personne perd son DG

Musée canadien des droits de la personne et 150e du Canada : entre mémoire et espoir

Winnipeg : le Musée canadien pour les droits de la personne dans le rouge

Quatre prix internationaux pour le Musée canadien des droits de la personne

Catégories : Société
Mots-clés : , , , , , , , , ,

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Pour des raisons indépendantes de notre volonté et, pour une période indéterminée, l'espace des commentaires est fermé. Cependant, nos réseaux sociaux restent ouverts à vos contributions.