Le gouvernement fédéral a mis en places diverses aides pour le secteur de l'aviation dont un prêt avec des conditions relatives au climat. (Photo : Nathan Denette/ La Presse canadienne)

Une relance verte pour l’aviation canadienne?|L’appui d’Ottawa

Le ministre des Transports Marc Garneau a annoncé dimanche une aide financière d’Ottawa aux compagnies aériennes canadiennes à condition qu’elles s’engagent à rembourser les passagers dont les vols ont été annulés. Mais qu’en est-il d’imposer des exigences environnementales? 

Dans un communiqué, M. Garneau a d’abord rappelé l’importance de l’industrie du transport aérien pour « l’économie du Canada et au bien-être des Canadiens ». Il a ajouté que « vu la vaste étendue de notre pays, les Canadiens dépendent du transport aérien davantage que les populations d’autres pays ».

Reconnaissant l’impact de la pandémie sur le secteur de l’aviation, le ministre a donc annoncé un ensemble de mesures à venir. 

« Pour protéger les Canadiens, le gouvernement du Canada met sur pied un train de mesures d’aide destinées aux transporteurs aériens, aux aéroports et au secteur aérospatial canadiens », a déclaré par voie de communiqué Marc Garneau. 

La pandémie de COVID-19 a fait chuter le trafic aérien de 92 % entre avril et août comparé à 2019, selon le Conseil des aéroports du Canada.

« Parmi ces mesures, nous sommes prêts à mettre en place un processus avec les grands transporteurs aériens à propos d’une aide financière qui pourrait comporter des prêts et possiblement d’autres types de soutien dans le but de garantir des résultats importants pour les Canadiens. »Marc Garneau, ministre des Transports

Le ministre Marc Garneau est prêt à soutenir les compagnies aériennes à certaines conditions. (Photo : Adrian Wyld / La Presse canadienne)

Toutefois, le gouvernement fédéral compte exiger que les compagnies aériennes remboursent les clients à qui elles ont donné des crédits de voyage si elles veulent percevoir une quelconque aide.

« Avant de commencer à dépenser ne serait-ce qu’un sou de l’argent des contribuables au bénéfice des transporteurs aériens, nous nous assurerons que les Canadiens obtiennent leurs remboursements », a précisé le ministre des Transports. 

Il a ajouté qu’Ottawa allait s’assurer que les liaisons au Canada et vers l’extérieur seront conservées et que « les transporteurs aériens canadiens maintiennent leur statut de clients clés dans l’industrie aérospatiale du Canada ». 

Les négociations avec les compagnies aériennes ont commencé cette semaine.

Cependant, le ministre n’a pas fait référence à des conditions exigeant de mesures respectueuses de l’environnement de la part de l’industrie aérienne.

Une aide gouvernementale aux conditions relatives au climat

Ottawa a déjà mis en place des programmes d’aide d’urgence pour soutenir tous les secteurs de l’économie pendant la pandémie de COVID-19.

Les compagnies aériennes ont déjà utilisé 1,3 milliard de dollars de subventions fédérales pour payer les salaires de leurs employés.

Le gouvernement a également fourni 192 millions pour soutenir les transporteurs aériens du Nord et a renoncé aux loyers des baux fonciers jusqu’en décembre 2020, un geste d’une valeur de 330 millions de dollars.

En mai dernier, le gouvernement de Justin Trudeau a également mis en place le Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE). Le CUGE a été conçu pour fournir une aide en liquidités à court terme d’au moins 60 millions aux grands employeurs canadiens.

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la mise en place du Crédit d’urgence pour les grands employeurs le 11 mai dernier. (Photo : Sean Kilpatrick / La Presse canadienne)

Cette aide vient toutefois avec plusieurs conditions :

  • engagement à minimiser les pertes d’emploi;
  • limitations sur le rachat d’actions et de dividendes;
  • limitations sur la rémunération des dirigeants;
  • le taux d’intérêt sur la partie non garantie du prêt (80 %) commencera à 5 % et passe à 8 % après la première année, bien supérieur aux taux du secteur privé;
  • le gouvernement aura le droit de nommer un observateur au conseil d’administration de l’emprunteur et d’acheter des actions ordinaires d’une valeur maximale de 15 % du prêt;
  • fournir des rapports financiers annuels relatifs au climat.

La dernière condition demande aux entreprises de « s’engager à publier annuellement des rapports de divulgation de l’information liée au climat, conformément aux exigences du Groupe de travail sur la divulgation de l’information financière relative aux changements climatiques (TCFD) du Conseil de stabilité financière ».

Ces documents doivent notamment inclure les risques financiers et les occasions d’affaires dans le cadre de la crise climatique, y compris la manière dont l’entreprise prévoit de s’aligner sur l’objectif de zéro émission de gaz à effet de serre fixé par le gouvernement fédéral pour 2050.

Les recommandations de la TCFD

Ces recommandations sont nées d’un besoin des marchés financiers pour des informations claires, complètes et de qualité sur les conséquences des changements climatiques.

Il s’agit notamment des risques que présentent la hausse des températures, les politiques liées au climat et les nouvelles technologies émergentes.

La TCFD a ainsi été créée pour améliorer et accroître la communication des informations financières liées au climat.

Lors de l’annonce du CUGE, le premier ministre canadien Justin Trudea, a réfuté vouloir écarter des entreprises avec une telle condition.

Pour les prêteurs privés et pour le gouvernement, a-t-il dit, il est « approprié » de se pencher sur la « stratégie d’atténuation des risques » que devra affronter une industrie à l’avenir, ce qui inclut les changements climatiques.

« On a déjà vu plusieurs grandes compagnies du secteur pétrolier afficher des plans pour atteindre le net zéro [NDLR : des émissions de gaz à effet de serre nulles] en 2050, et pour contrer les changements climatiques en réduisant leurs émissions. Nous nous attendons à ce que toute compagnie qui accède à ce financement va démontrer [son] plan pour faire partie de la solution. »Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Pour le groupe d’experts financiers ESG Global Advisors, les recommandations de la TCFD vont prendre de plus en plus d’importance dans le monde des entreprises étant donné les parallèles entre les impacts des changements climatiques et la COVID-19.

« Le fait d’exiger la divulgation de renseignements relatifs au climat comme condition d’obtention d’un financement dans le cadre du LEEFF montre que les changements climatiques resteront une priorité essentielle pour le secteur public tout au long de la reprise », ajoute ESG Global Advisors dans un blogue.

Pas de candidatures déposées par les compagnies aériennes canadiennes

Malgré cette offre de financement du gouvernement, aucune des grandes compagnies aériennes canadiennes n’a encore demandé un prêt via le programme CUGE.

Air Canada, la plus grande compagnie aérienne du pays, a répondu à Radio Canada International (RCI) « ne pas avoir de commentaire à ajouter » à la question pour savoir s’ils avaient présenté une demande et si ce n’était pas le cas, pourquoi. 

La seconde compagnie aérienne canadienne, WestJet, n’a pas souhaité répondre directement à la question et Air Transat a, quant à elle, répondu avoir « envisagé le CUGE » et être en train d’ »évaluer s’il répondrait à [ses] besoins ».

Aucune des grandes compagnies aériennes canadiennes n’a encore demandé un prêt avec le programme CUGE. (Photo : Jonathan Hayward / La Presse canadienne)

L’ancien ministre des Finances Bill Morneau avait déclaré en mai que le financement des grands employeurs est également disponible pour certaines entreprises à but non lucratif, en particulier les aéroports.

Le Conseil des aéroports du Canada (CAC) avait répondu dans un communiqué suivant l’annonce du ministre que seuls les quatre plus grands aéroports du Canada seraient admissibles.

« Le programme n’est pas utile à ces aéroports, car ils ont actuellement accès à des crédits supplémentaires à des taux beaucoup plus favorables que ce programme de dernier recours », a ajouté le CAC.

Selon la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada, qui administre le programme CUGE, seules deux entreprises ont été approuvées pour des prêts depuis l’annonce des libéraux : une société de casino et un producteur de charbon métallurgique.

« Depuis sa création, le Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE) a reçu de nombreuses demandes de renseignements de la part de divers grands employeurs, a répondu le ministère des Finances à une demande de RCI. À ce jour, deux prêts ont été approuvés et d’autres sont à l’étude. »

« Le programme CUGE est un prêteur de dernier recours, ce qui signifie que toutes les demandes ne donneront pas lieu à des prêts, pour un certain nombre de raisons. Dans certains cas, les entreprises peuvent examiner plusieurs options de financement en même temps et opter pour une autre voie. »Ministère des Finances canadien

Le ministère a notamment ajouté que pour des raison de confidentialité, il ne pouvait « pas divulguer les détails des entreprises qui se sont renseignées sur le programme CUGE, mais qui ont finalement décidé de ne pas y participer ».

Les compagnies aériennes ne sont pas les seules à bouder l’aide fédérale. Des critiques sont venues de toutes parts, des conservateurs fédéraux au syndicat national Unifor, qui représente 15 000 travailleurs du secteur de l’aviation civile. 

Ils déplorent notamment les restrictions du programme fédéral et son taux d’intérêt élevé. Certains soulignent également le manque de précisions dans les conditions pour percevoir cette aide gouvernementale.

Malgré ces refus de la part du secteur de l’aviation, le ministre fédéral de l’Innovation, Navdeep Bains, a déclaré lundi que le CUGE figurera parmi les options qu’Ottawa présentera aux dirigeants de cette industrie cette semaine. Il a indiqué que ce prêt pourrait jouer un rôle clé dans le plan d’aide fédéral.

Avec les informations de Radio-Canada, ESG Global Advisors, Reuters, La Presse canadienne, du gouvernement canadien et de TCFD. 

Note : Cet article s’inscrit d’une série de quatre articles sur la possible relance économique verte du secteur de l’aviation canadien. Le prochain article traitera des recommandations écologiques présentées par divers organismes non gouvernementaux. 

Mise à jour : Cet article a été mis à jour avec les informations du ministère des Finances canadien. 

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Catégories : Économie, Environnement et vie animale, Politique
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