Les recommandations de l’Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario s’adressent aux 234 000 membres agréés. Elles visent à mieux baliser les relations avec les élèves, quel que soit le contexte d’apprentissage.
Elles interviennent dans un contexte où la pénurie d’enseignants touche plusieurs provinces canadiennes. Cette situation est susceptible d’influer sur l’apprentissage et l’encadrement des élèves.
Ces recommandations visent à mieux protéger les élèves et à rehausser leur bien-être, tout en donnant la possibilité aux enseignants de gérer de manière appropriée leurs relations privées et professionnelles.
« Le devoir qu’ont les pédagogues de prendre soin de leurs élèves constitue une grande responsabilité. Bien que l’on s’attende à ce que les enseignantes et enseignants agréés de l’Ontario fassent preuve de jugement et de professionnalisme, la pratique de l’enseignement comporte de nombreuses facettes. Établir des limites peut être complexe », dit Chantal Bélisle, registraire adjointe de l’Ordre.
Les recommandations guident les pédagogues dans leurs réflexions et leurs analyses sur les enjeux professionnels, éthiques et légaux. Elles établissent les limites à leurs professions.
Le document, intitulé Limites professionnelles – Une recommandation pour les enseignantes et enseignants agréés de l’Ontario, inclut dans les limites que doivent maintenir les professionnels de l’éducation dans leurs interactions avec les élèves la distance verbale, physique, affective et sociale. On vise les enseignants, les conseillers pédagogiques, les directeurs d’école, les agents de supervision, les membres du conseil qui travaillent ailleurs que dans un établissement scolaire, entre autres.
La transgression de ces limites professionnelles n’est pas rare, en raison de la fréquence des interactions avec les élèves et des liens qui se tissent et influent sur l’apprentissage et la supervision, en classe ou en ligne.
Selon le document, les enseignants doivent tenir compte de ces balises pour être à même de “gérer leurs responsabilités avec respect et intégrité”.
“La grande majorité d’entre eux le font. En tant que professionnels, ils comprennent qu’on s’attend à ce qu’ils fassent preuve de jugement et de bon sens en tout temps. Leurs actions doivent être aussi transparentes que possible et avoir l’assentiment nécessaire des superviseurs et des parents ou tuteurs”, indique la note introductive.
L’ensemble des balises a pour but de consigner les pratiques des enseignantes et enseignants dans le cadre strict des normes professionnelles et de la législation.

L’Ordre relève que les enseignants doivent éviter des situations où ils se retrouvent seuls avec un élève en dehors du contexte scolaire, sans en avoir informé la hiérarchie ou les parents. Par ailleurs, ils ne doivent communiquer avec l’élève qu’à des heures convenables, durant la journée. Photo : iStock
Limites professionnelles : un enjeu complexe
La pandémie de COVID-19 et ses répercussions sur l’apprentissage, notamment avec l’instauration des cours à distance, entraîne de nouvelles exigences dans les interactions entre les enseignants et les élèves. Elles forcent les enseignants, les parents, les autres collègues et les membres des communautés à se regrouper pour un meilleur encadrement.
Ainsi, l’Ordre note que les enjeux qui se rapportent aux limites professionnelles sont difficiles à cerner et peuvent créer la confusion entre ce qu’il faut faire et ne pas faire.
Le document de l’Ordre n’est pas exhaustif. Il établit une liste de comportements qui seraient inacceptables et met en garde les pédagogues. Ce n’est pas parce qu’un comportement ne figure pas sur la liste qu’il est acceptable. Il leur est suggéré de se “référer aux politiques et protocoles de leur employeur et aux ressources du ministère de l’Éducation”.
Les pédagogues doivent être capables de bien observer une ligne de démarcation entre ce qui est considéré comme des relations personnelles et des relations professionnelles entre tous les membres de la communauté scolaire. L’Ordre reconnaît qu’il s’agit là d’un processus difficile.
Ces recommandations font partie d’une série d’autres formulées par l’Ordre. Les limites concernées sont présentées comme étant “la distance verbale, physique, affective et sociale qu’un pédagogue doit maintenir pour garantir la structure, la sécurité et la prévisibilité dans un milieu éducatif”. (National Association Of State Directors of Teacher Education and Certification)

Entre 1997 et 2017, 750 cas d’abus sexuels commis par du personnel des écoles primaires et secondaires au Canada ont touché au moins 1272 élèves et 714 contrevenants (Centre canadien de protection de l’enfance)
– l’utilisation des moyens de communication électronique et des médias sociaux : l’enseignant est invité à agir en ligne exactement comme dans une salle de classe, en suivant les pratiques et protocoles approuvés et applicables tant dans les salles de classe que dans les apprentissages à distance. Il doit refuser les demandes d’amitié envoyées par les élèves, s’abstenir de leur en envoyer ou de consulter leurs comptes de médias sociaux, éviter d’échanger avec eux des textos, numéros de téléphone et autres photos intimes.
– le devoir de signaler tout signe qu’un enfant est maltraité : l’Ordre recommande aux enseignants d’éviter le pédopiégeage. Il s’agit d’une « approche consciente, délibérée et soigneusement orchestrée par le contrevenant ». Cette approche consiste pour ce dernier à accéder à une victime, à initier et à maintenir de mauvais traitements, à les dissimuler. Il agit de gagner la confiance de l’élève et de toutes les personnes qui l’entourent, pour ensuite chercher à normaliser un comportement inapproprié. Cela a pour danger de réduire la possibilité qu’un jeune dénonce les faits vécus.
– la faute professionnelle d’ordre sexuelle : dans une étude, le Centre canadien de protection de l’enfance signale que des 750 cas d’abus sexuels commis par du personnel d’écoles primaires et secondaires du Canada, 70 % concernaient des comportements de pédopiégeage.
Les normes de déontologie de la profession comme guide
En ce qui concerne les limites de la communication, par exemple, l’Ordre proscrit toute utilisation d’un ton non professionnel (langage familier, langage non approprié à l’âge des élèves), les remarques suggestives (langage obscène, compliments inappropriés, remarques racistes, homophobes, sexistes , termes blessants ou humiliants), le fait de raconter des blagues de nature raciale, culturelle ou sexuelle, l’usage des médias sociaux pour communiquer avec des élèves sur des questions d’ordre sexuel, etc.
Pour ce qui est des autres limites, elles se rapportent aux aspects physiques, affectifs et relationnels. L’Ordre recommande ainsi aux pédagogues d’éviter, par exemple, des contacts visuels et physiques inappropriés avec un élève (fixer une partie du corps de l’élève, l’étreindre ou le chatouiller, le pousser, le bousculer ou le frapper, être présent quand il s’habille, etc.).
Ils doivent éviter des traitements préférentiels, s’abstenir de bâtir des relations amoureuses ou sexuelles avec les élèves, et éviter les situations où l’enseignant rencontre un ou plusieurs élèves seuls, hors de l’école ou de tout contexte éducatif, sans tenir au courant les superviseurs, les parents ou tuteurs, ou sans avoir reçu leur approbation. Le fait de cibler des élèves et de leur offrir des cadeaux et de l’argent est considéré comme une geste à proscrire.
L’Ordre observe qu’en fonction des lieux, des rôles et du moment, ces limites peuvent être franchies. C’est ainsi qu’il prescrit un respect des rôles assignés en tout temps, et des heures de travail ainsi que du milieu d’apprentissage. Il en appelle au sens des responsabilités du pédagogue qui doit, dans certaines situations, fixer les limites et les respecter.
Il doit faire appel aux normes d’exercice et de déontologie de la profession. Ces normes apparaissent comme le “fondement de la conduite professionnelle” axé sur l’empathie, le respect, la confiance et l’intégrité. Il s’agit de valeurs qui doivent pousser les membres à “défendre l’honneur et la dignité de la profession enseignante.”
Sources : Ordre des enseignantes et enseignants de l’Ontario, Centre canadien de protection de l'enfance
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