Pour de nombreuses organisations environnementales, la chute du trafic aérien est l’occasion de repartir sur de meilleures bases. (Photo : Mehdi Fedouach/AFP/Getty Images)

Une relance verte pour l’aviation canadienne?|Les recommandations des ONG

Pour de nombreuses organisations gouvernementales, le ralentissement majeur de l’activité des compagnies aériennes canadiennes et mondiales, dû à la pandémie de COVID-19, est l’occasion idéale pour repenser ce secteur grandement polluant.

Selon la Coalition internationale pour une aviation durable, un groupe environnemental issu de la société civile, l’industrie aérienne contribue à environ 5 % du réchauffement climatique.

« Les émissions de l’aviation internationale ont augmenté de 75 % entre 1990 et 2012 et sont aujourd’hui égales à celles des 129 pays les moins émetteurs », dit un rapport de la coalition remis à la dernière assemblée générale de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Au Canada, malgré les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant de l’aviation, ces dernières ont tout de même augmenté de 5 % selon le dernier rapport gouvernemental.

Cette augmentation répond à une hausse de la demande au niveau national, mais aussi international. Avant la pandémie, l’OACI s’attendait à ce que les émissions de l’aviation triplent pratiquement d’ici à 2050, date à laquelle les avions pourraient représenter 25 % du budget carbone mondial.

Entre-temps, la crise sanitaire a réduit le trafic aérien mondial ainsi que canadien de plus 90 %. L’Association internationale du transport aérien (AITA), basée à Montréal, n’envisage pas de retour à la normale pour l’industrie avant 2024.

Pour de nombreuses organisations environnementales, cette chute est l’occasion de repartir sur de meilleures bases.

L’industrie aérienne contribuerait à environ 5 % du réchauffement climatique. (Photo : David Gray/Reuters)

De nouvelles mesures environnementales

Selon la Coalition Aviation Climat, un regroupement de plusieurs ONG environnementales canadiennes, le gouvernement Trudeau doit profiter de cette occasion pour prendre des mesures dans le but de mieux encadrer l’industrie aérienne, mais aussi pour réduire ses émissions.

La Coalition Aviation Climat est composée de plusieurs organismes, dont Le Pacte pour la transition, Rapid Decarbonization Group, Greenpeace Canada, Extinction Rébellion Québec, Coalition étudiante pour un virage environnemental et social, La planète s’invite au parlement, Les Pollués de Montréal-Trudeau, parmi tant d’autres.

Déjà, avant le début de la pandémie, elle demandait aux gouvernements de mettre en place des mesures afin de réduire l’impact de l’industrie de l’aviation sur le climat.

Contacté par Radio Canada International, un représentant de la coalition nous a confirmé que ses membres réitéraient plusieurs de leurs demandes tout en tenant compte de la pandémie.

Ils demandent notamment au gouvernement libéral de mettre sur pied un comité spécial afin de créer un cadre politique post-pandémie pour l’industrie aérienne. Ce cadre ferait en sorte que les acteurs de monde de l’aviation s’alignent sur les priorités de santé publique et climatique.

En effet, la coalition reproche aux compagnies aériennes de ne pas avoir réagi assez rapidement lorsque l’Organisation mondiale de la santé a déclaré l’état d’urgence. Elles auraient ainsi joué un rôle important dans la diffusion du virus dans le monde.

Des manifestants d’organisations non gouvernementales participent à un rassemblement de protestation à l’aéroport de Mérignac, dans le sud-ouest de la France, le 3 octobre 2020, pour souligner le lien entre la pollution de l’air et l’aviation. (Photo : Mehdi Fedouach/AFP/Getty Images)

Le rôle du comité demandé par les organisations environnementales serait de mettre en place de nouvelles mesures pour réduire le trafic aérien afin qu’il contribue efficacement à l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.

Ces nouvelles mesures incluraient de lourdes taxes sur les voyages en jet privées, des taxes plus élevées pour les billets en classe affaires et en première classe et des taxes progressives pour les voyageurs qui prennent souvent l’avion afin de dissuader les Canadiens les plus fortunés à voyager fréquemment.

Selon la coalition, ceux sont ces voyageurs fréquents qui doivent payer les coûts d’une politique visant à diminuer le trafic aérien. Elle demande également à ce que les vols court-courriers qui peuvent être remplacés par d’autres transports en commun plus propre (train ou autocar) soient supprimés.

Elles demandent également à ce que les compagnies aériennes ne bénéficient plus d’exonération ou de réduction quant au prix du carburant.

Les organisations s’entendent toutefois sur la nécessité d’exempter les vols essentiels (médicaux ou d’urgence) et les communautés isolées, en particulier autochtones, de ces mesures.

Les taxes sur le carburant d’aviation au Canada

Pour les vols nationaux

Selon Revenu Canada, une taxe d’accise fédérale est imposée sur les différents carburants à un taux fixe par litre d’essence. Il est de 0,04 $/litre pour les carburants d’aviation et de 0,10 $/litre pour l’essence d’aviation sans plomb. En comparaison, le carburant pour les véhicules est taxé à 0,11 $/litre au niveau fédéral. 

Depuis le 1er avril 2019, la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre impose une taxe sur l’essence d’aviation et sur le carburéacteur pour les provinces et territoires qui n’ont toujours pas adopté de taxe carbone. Cela concerne l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta.

La redevance pour l’essence d’aviation et pour le carburéacteur est indiquée ci-dessous et augmente chaque année. 

1er avril 2020 1er avril 2021 1er avril 2022
Essence d’aviation $/litre 0,0747 0,0995 0,1244
Carburéacteur $/litre 0,0775 0,1033 0,1291
Yukon et le Nunavut 0,000 0,000 0,000

La taxe carbone fédérale ne s’applique toutefois pas dans les provinces qui imposent une taxe carbone comme la Colombie-Britannique ou dans les provinces qui participent au marché du carbone comme le Québec. Le Québec impose une taxe de 3 ¢ le litre sur le kérosène et l’essence d’avion pour les vols nationaux. Le total des taxes fédérale et provinciale s’élève donc à 7 ¢ le litre au Québec.

Pour les vols internationaux 

Il n’y pas de taxes sur le carburant pour les vols internationaux selon la Convention de Chicago de 1944 qui stipule que les États qui allaient devenir membres de l’OACI ne devaient pas imposer de taxes sur les carburants d’avion, car il fallait stimuler le développement de l’aviation civile. Au vu de notre nouvelle réalité, certains pays européens envisagent de modifier cette réglementation.

Au Canada, quatre provinces canadiennes imposent de légères taxes sur le carburant pour les vols internationaux selon la Coalition Aviation Climat.

Une aide financière sous conditions

La Coalition Aviation Climat ainsi que le Réseau Action Climat reconnaissent que le secteur de l’aviation canadien et mondial pourrait recevoir une aide financière gouvernementale. Toutefois, cette dernière doit être accompagnée de conditions.

Le Réseau Action Climat est un réseau international qui fédère plus de 1300 ONG réparties dans plus de 130 pays autour de la lutte contre les changements climatiques.

Pour les deux réseaux, toute aide doit être destinée aux travailleurs de l’industrie et non vers les actionnaires. Ils demandent notamment à ce que les flux de trésorerie tels que les dividendes, les rachats d’actions ou encore les augmentations de salaire ne soient plus versés aux actionnaires et dirigeants pendant trois ans.

À l’inverse, cet argent doit être employé pour garantir les emplois et former les travailleurs reconvertis suite au tournant écologique du secteur. Une partie devrait également être attribuée au développement du tourisme local et des formes écologiques de voyage, plaide la Coalition Aviation Climat.

Cet article s’inscrit d’une série de quatre articles sur la possible relance économique verte du secteur de l’aviation canadien. Retrouvez les mesures mises en place par Ottawa pour aider l’industrie ici : 

Une relance verte pour l’aviation canadienne?|L’appui d’Ottawa

Le ministre des Transports Marc Garneau a annoncé dimanche une aide financière d’Ottawa aux compagnies aériennes canadiennes à condition qu’elles s’engagent à rembourser les passagers dont les vols ont été annulés. Mais qu’en est-il d’imposer des exigences environnementales?  Dans un »

Pour le Réseau Action Climat, l’aide gouvernementale doit être temporaire, remboursée et conduire à la réduction du trafic aérien pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris.

Les bénéficiaires doivent également investir massivement dans la recherche de technologies durables pour les flottes aériennes et les carburants.

Le Réseau veut aussi responsabiliser les consommateurs en assurant une transparence totale des données sur les émissions de carbone des vols, car « les émissions varient jusqu’à 80 % pour un même trajet ».

Au Canada, les membres de la Coalition Aviation Climat préconisent que toute aide fédérale vienne avec les conditions similaires à celles attachées au Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE).

Les ONG environnementales demandent à ce que le gouvernement investisse plus dans un réseau ferroviaire national pour réduire les vols court-courriers. (Photo : Mark Blinch / Reuters)

Développer les transports propres

Les ONG environnementales canadiennes demandent au gouvernement libéral d’imposer un moratoire sur la construction de nouveaux aéroports et l’extension de ceux déjà existants.

En effet, le Canada devrait investir dans un réseau ferroviaire et de bus propres au lieu de développer les aéroports, dit la Coalition Aviation Climat. Les vols intérieurs et le transport en voiture privée doivent être remplacés par des transports publics, fiables, abordables et écologiques entre les diverses communautés.

Cela aurait tendance à favoriser le tourisme local et les usines du secteur de l’aéronautique seraient alors converties pour assurer la création du nouveau réseau ferroviaire, avancent les membres de la coalition.

Dans son Plan pour une économie verte 2030 (PEV 2030), le Québec adopte en partie cette mesure en investissant dans des transports plus verts et dans l’électrique. 

Afin de réaliser un tel changement, la Coalition demande au gouvernement fédéral d’y associer une campagne de promotion conséquente. Cette dernière aura pour objectif de promouvoir ces nouveaux modes de transports tout en dissipant l’idée d’une aviation verte, précisent les ONG.

Cela irait même jusqu’à supprimer les publicités pour le tourisme international et pour les voyages en avion.

Certaines ONG demandent au gouvernement canadien de lancer une refonte totale de l’OACI pour répondre aux urgences climatiques. (Photo : Christinne Muschi/Reuters)

Le Canada comme leader mondial

La dernière mesure proposée par la Coalition Aviation Climat est que le Canada prenne la tête de cette réforme verte de l’aviation et attire la communauté internationale.

Ainsi, les organisations préconisent de faire une refonte de l’OACI dont le siège est à Montréal. Cet organisme des Nations unies a été fondé à la fin de la Seconde Guerre mondiale avec la mission de promouvoir le développement de l’aviation civile internationale. 

Toutefois, les temps ont changé, explique la Coalition, et son mandat doit changer aussi pour tenir compte des nouvelles réalités climatiques et sanitaires. Il doit ainsi coordonner la décroissance du secteur aérien.

Rappelons cependant que l’OACI a déjà mis en place un vaste programme pour rendre l’industrie aérienne plus propre. Nous aborderons les détails de cette initiative dans un prochain article.

Avec les informations de Coalition Aviation Climat, Greenpeace Canada, Revenu Canada, l’OACI et la Coalition internationale pour une aviation durable.

Note : Cet article s’inscrit d’une série de quatre articles sur la possible relance économique verte du secteur de l’aviation canadien. Le prochain article traitera des initiatives entreprises par les compagnies aériennes et par le gouvernement fédéral afin de répondre à l’urgence climatique.

À lire aussi :

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Catégories : Environnement et vie animale, Société
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